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Le droit existant souffre d’ineffectivité : le droit commun contient de nombreuses dispositions qui permettraient d’adresser les problématiques spécifiques aux plateformes mais elles restent difficilement appliquées. En témoignent les controverses récurrentes autour des pratiques de collecte et d’exploitation de données personnelles qui amènent parfois à un constat d’impuissance pour les usagers. Ou encore le décalage entre le rythme d’intervention des procédures antitrust et celui de l’évolution des marchés.

Le principe de loyauté vise à donner un nouveau souffle aux dispositions du droit positif en particulier le droit de la concurrence, le droit commercial, le droit de la consommation et le droit de la protection des donnée, en apportant un nouveau fondement juridique permettant une approche décloisonnée. Le principe général de loyauté vise ainsi à obliger les acteurs économique à assurer de bonne foi les services qu’ils proposent sans chercher à les détourner à des fins contradictoires à l’intérêt de leurs utilisateurs, qu’ils soient particuliers ou professionnels.

Pour la plateforme, ce principe implique premièrement et d‘une manière générale la transparence de son comportement, condition pour s’assurer de la conformité entre la promesse affichée du service et les pratiques réelles.

Dans les relations avec les individus, le principe vise également les modes de collecte, de traitement des données et de restitution de l’information, notamment en ce qui concerne les algorithmes de personnalisation. Il implique ensuite un respect d’un principe général de non-discrimination (ex : proposer des services à un prix supérieur aux utilisateurs d’ordinateurs de la marque Apple, supposés bénéficier de revenus plus élevés). Il s’applique en particulier au filtrage des

formes d’expressions et de contenus partagés des individus, hors contenus condamnables par la loi (cf. infra).

Dans les relations entre professionnels, il s’applique aux conditions économiques d’accès aux plateformes et aux conditions d’ouverture des services à des tiers.

L’ENCADREMENT DES DISCRIMINATIONS ENTRE PROFESSIONNELS

Les règles communes de la régulation économique interdisent aux entreprises en position dominante d’exploiter cette situation de façon abusive : pratiquer des prix excessifs ou exagérément bas, ou encore exercer des discriminations entre leurs partenaires commerciaux… En revanche, cela ne s’oppose pas à leur liberté de fixer leurs prix, d’opérer des choix éditoriaux, de sélectionner leurs partenaires commerciaux… Les autorités de concurrence contrôlent ces aspects.

En matière numérique, le Parlement européen a notamment exhorté la

Commission européenne à prendre des mesures, en s'appuyant sur le principe de non-discrimination, contre les infractions au droit de la concurrence dans les marchés numériques dynamiques et à évolution rapide tels que les marchés de la recherche et de la publicité en ligne, et à trouver une solution à long terme en faveur d'une structure équilibrée, équitable et ouverte de la recherche en ligne22. Le droit français contient aussi certaines limitations : équilibre général de la relation, conditions de vente, d’achat, de paiement, clauses interdites, etc. Par ailleurs, une régulation spécifique s’applique parfois à des secteurs d’activité donnés. C’est le cas pour les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs : réduction des délais de paiements, transparence des conditions générales de vente, recours obligatoire aux concertations professionnelles, ... Les juges français tranchent les litiges dans ce domaine.23

Le principe de loyauté a vocation à s’appliquer aux plateformes à la fois dans leurs relations avec les particuliers et avec les autres acteurs professionnels :

Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs, le principe de loyauté s’applique à toutes les plateformes, à l’instar des règles de protection des consommateurs qui imposent un devoir général de conseil et d’information à tous les professionnels vis-à-vis des particuliers.

Dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs professionnels, l’application du principe doit se concentrer, à l’instar des règles communes de la régulation économique, sur les pratiques qui pénalisent le plus l’innovation. Par conséquent, il se concentre sur les acteurs

22 En savoir plus : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2015-0051&format=XML&language=FR

23 En savoir plus :

http://www.economie.gouv.fr/cepc/abus-dans-relation-commerciale-sur-notion-desequilibre-significatif

dotés de la plus forte capacité de nuisance. Celles-ci pourront s’évaluer par le recours à un faisceau d’indices (cf. encadré).

UTILISER UN FAISCEAU D’INDICES POUR EVALUER LA CAPACITE DE DISTORSION DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS

Plutôt que de rechercher un critère unique (ex : nombre d’acteurs sur le marché) ou d’établir un seuil (ex : part de marché, nombre d’utilisateurs), qui serait rapidement obsolète compte tenu de l’évolutivité des usages et insuffisant pour embrasser la diversité et la complexité de situation d’intermédiaires, il s’agit de prendre en compte un faisceau d’indices comprenant, par exemple :

 L’audience ;

 L’adoption massive par les utilisateurs du service ou du groupe de services convergents, qui en font un service quasi universel (la pratique sociale conforte la position d’intermédiaire incontournable) ;

 Le non-respect avéré et récurrent des règles de protection des données (avis du Contrôleur européen de la protection des données24) ;

 Le pouvoir d’un acteur d’évincer ou de nuire à l’innovation : maîtrise de ressources clefs, de points critiques d’accès à la visibilité, à l’information, contrôle d’une API devenue structurante, etc.

>> Prévoir la définition régulièrement mise à jour de ces indices par l’agence de notation de la loyauté des plateformes (cf. recommandation n° 10).

7. Fournir la bonne information, au bon moment

Rendre effective l’expression de son consentement par l’utilisateur d’un service suppose de la part des acteurs l'utilisation d’un langage descriptif de leur politique d’exploitation des données, sans ambiguïtés et accessible au grand public. Les mesures prises pour assurer la protection de la vie privée de leurs utilisateurs appellent une mise en visibilité spécifique.

Il est également impératif que cette information soit fournie au bon moment, et permette à l’utilisateur d’opérer son choix en connaissance de cause quant aux usages et destinataires futurs des données. Cela est actuellement impossible compte tenu de la profusion des sources des données, de la diversification de leur nature, de la sophistication de leurs usages dérivés, et de l’opacité des chaînes de revente de fichiers de données.

24https://secure.edps.europa.eu/EDPSWEB/webdav/site/mySite/shared/Documents/EDPS/Pu