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Conséquences fonctionnelles des mutations dans SQSTM1

4. Importance du gène SQSTM1 et des particules virales dans la physiopathologie de la maladie osseuse

4.3 Conséquences fonctionnelles des mutations dans SQSTM1

Les mutations décrites dans le gène SQSTM1 sont pour la plupart situées dans la région codant pour le domaine de liaison à l’ubiquitine, suggérant qu’une altération de la liaison des chaînes d’ubiquitine pourrait jouer un rôle dans le développement de la MOP. Par ailleurs, ces mutations réduiraient la capacité de la protéine SQSTM1 à lier l’ubiquitine in vitro (Cavey, Ralston et al. 2005, Cavey, Ralston et al. 2006, Garner, Long et al. 2011). Ce défaut de liaison pourrait entraîner une accumulation de protéines p62 non dégradées, causant une activation aberrante de la voie de signalisation RANK/NF-κB et augmentant ainsi la différenciation et l’activité des ostéoclastes (Goode and Layfield 2010). D’ailleurs, les mutations stop (E396X, Y383X et K378X), qui causent la formation d’une protéine ayant un domaine UBA tronqué, ont été associées avec une plus forte activation de la voie du NF-κB, engendrant un phénotype clinique plus sévère (Rea, Walsh et al. 2006, Goode, Long et al. 2014). Cependant, l’identification des mutations SQSTM1/P364S et SQSTM1/A381V localisées dans l’exon 7 du gène SQSTM1, soit en dehors de la région codant pour le domaine de liaison à l'ubiquitine, sont tout de même associées avec une activité élevée de NF-κB et contribueraient à la différenciation et l’activité des ostéoclastes pagétiques (Najat, Garner et al. 2009, Rea, Walsh et al. 2009).

L’hypothèse d’un défaut de régulation de l’autophagie dans les ostéoclastes a également été suggérée dans la MOP. Dans les ostéoclastes pagétiques, la protéine SQSTM1 est surexprimée, et ce peu importe le statut mutationnel (Chamoux, Couture et al. 2009). Étant donné que la protéine SQSTM1 est dégradée via le processus d’autophagie, des niveaux élevés de cette protéine pourraient indiquer une réduction du flux autophagique dans les ostéoclastes pagétiques (Ralston and Layfield 2012). Par ailleurs, les mutations dans le gène SQSTM1 altèrent le flux autophagique (Hocking, Whitehouse et al. 2012). De plus, la protéine SQSTM1 interagit avec la protéine Autophagy-Linked FYVE-containing protein (ALFY) dans les ostéoclastes. Dans des conditions de dénutrition, puissant inducteur d’autophagie in vitro, on observe la formation d’agrégats cytoplasmiques contenant les protéines SQSTM1 et ALFY, et des résultats similaires sont observés lorsque la protéine SQSTM1 est surexprimée. Ces résultats suggèrent un rôle pour l’autophagie dans la régulation de la formation et la fonction des ostéoclastes, et pourraient expliquer les effets spécifiques des mutations du gène SQSTM1 sur les ostéoclastes (Hocking, Mellis et al. 2010). D’ailleurs, selon certains auteurs, cette accumulation de protéines non dégradées pourrait correspondre aux inclusions nucléaires et cytoplasmiques observées par microscopie électronique dans les ostéoclastes pagétiques (Azzam, Scott et al. 2009). Finalement, l’identification de mutations du gène SQSTM1 dans le domaine LIR (SQSTM1/D335E) interagissant avec la protéine LC3, et dans le domaine KIR (SQSTM1/S349T) interagissant avec Keap1 supporte davantage le rôle de l’autophagie et du stress oxydatif dans la MOP (Falchetti, Di Stefano et al. 2009, Wright, Rea et al. 2013).

Plusieurs études ont été réalisées afin de déterminer la contribution exacte des mutations dans le gène SQSTM1 dans le développement de la MOP. Une première étude a montré que les ostéoclastes des patients pagétiques étaient plus nombreux, contenaient un nombre plus élevé de noyaux, avaient une meilleure capacité de résorption osseuse et étaient plus résistants à l’apoptose. Cependant, ces caractéristiques étaient peu influencées par la mutation SQSTM1/P392L, à l’exception des individus sains porteurs de cette mutation pour lesquels un phénotype ostéoclastique intermédiaire a été observé, suggérant que cette mutation pourrait prédisposer à la MOP en contribuant au statut hyperactif des ostéoclastes (Chamoux, Couture et al. 2009). Dans une autre étude, les précurseurs ostéoclastiques porteurs de la mutation SQSTM1/P392L étaient hypersensibles au RANKL et au TNFα, mais pas à la 1,25(OH)2 vitamine D3 et par conséquent, n’exprimaient

pas des niveaux élevés de TAFII-17 (Kurihara, Hiruma et al. 2007). Des modèles in vivo ont également été

générés. D’abord, un modèle murin pour lequel le gène SQSTM1 a été inactivé (SQSTM1-/-) a été développé.

Une altération de l’ostéoclastogénèse, accompagnée d’une inactivation de la voie du NF-κB chez ces souris, a permis de mettre en évidence l’importance de la protéine SQSTM1/p62 dans le métabolisme osseux (Duran, Serrano et al. 2004). Le promoteur tartrate-resistant acid phosphatase (TRAP) a été utilisé afin d’exprimer la mutation SQSTM1/P392L dans la lignée des ostéoclastes chez un modèle de souris transgénique (TRAP- p62P392L). Ces souris avaient un nombre plus élevé d’ostéoclastes, mais n’ont toutefois pas développé des

lésions osseuses comme celles observées dans la MOP chez l’humain. De plus, les précurseurs ostéoclastiques provenant de ces souris transgéniques étaient hypersensibles au RANKL et au TNFα, mais n’étaient pas hypersensibles à la 1,25(OH)2 vitamine D3 et les ostéoclastes ne possédaient pas un nombre

plus élevé de noyaux. Ces résultats suggèrent donc que la présence de la mutation SQSTM1/P392L contribue à l’augmentation de l’ostéoclastogénèse, sans toutefois permettre de reproduire le phénotype pagétique complet (Kurihara, Hiruma et al. 2007). Ensuite, cette même équipe a généré un modèle de souris arborant la mutation SQSTM1/P394L, qui est l’équivalent de la mutation SQSTM1/P392L observée chez l’humain. Des résultats similaires ont été obtenus et encore une fois, ce modèle murin n’a pas permis de reproduire l’ensemble des caractéristiques phénotypiques de la MOP. Il a donc été suggéré que la mutation SQSTM1/P392L pourrait prédisposer à la MOP en augmentant la sensibilité des précurseurs ostéoclastiques aux cytokines ostéoclastogéniques et/ou le potentiel ostéoclastogénique du microenvironnement osseux (Hiruma, Kurihara et al. 2008). Finalement, une équipe indépendante a généré un modèle de souris avec la mutation SQSTM1/P394L, et concluait que la présence de cette mutation était suffisante pour développer la MOP. En effet, ces souris ont développé des lésions osseuses qui présentaient des similitudes à celles observées chez l’humain, caractérisées par une augmentation focale du remodelage osseux et par la présence d’un os tissé. De plus, les ostéoclastes dans ces lésions étaient plus nombreux et contenaient un nombre élevé de noyaux par rapport au contrôle, mais toutefois assez faible par rapport à ce qu’on observe habituellement dans un ostéoclaste pagétique (Daroszewska, van 't Hof et al. 2011). Ces résultats confirment donc que la mutation P394L chez la souris permet de reproduire certaines caractéristiques du phénotype pagétique aux niveaux clinique et cellulaire, quoique ce phénotype pagétique soit incomplet dans les deux études. De plus, ces deux études ont étudié différemment les lésions osseuses, soit uniquement les vertèbres dans le premier cas, et les os longs dans l’autre. De façon intéressante, le rôle de l’autophagie dans la MOP a encore une fois été mis en évidence. En effet, une augmentation de l’expression génique de SQSTM1, LC3 et Atg5 dans les précurseurs ostéoclastiques de ces souris, ainsi qu’une augmentation de l’expression de la protéine LC3-II dans les ostéoclastes ont été observées, suggérant une dérégulation de l’autophagie et une augmentation de la formation d’autophagosomes (Daroszewska, van 't Hof et al. 2011). Finalement, le rôle exact des mutations dans le gène SQSTM1 dans le développement de la MOP demeure incertain. Néanmoins, la plupart des études suggèrent que d’autres facteurs, soit génétiques ou environnementaux, sont nécessaires afin de développer le phénotype complet de la maladie.