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Indépendamment du fait que ce soit un coup d’éventail dirigé au visage du consul de France Pierre Duval ou une question de dette non remboursée, la conquête de l’Algérie tant

1 DEJEUX, Jean, 1995, La culture algérienne dans les textes, Paris, Editions Publisud, p. 22.

attendue et préméditée1 avait trouvé sa raison d’être et le prétexte tant recherché conduira la France à envoyer un contingent de trente-sept mille hommes avec quatre mille chevaux et d’énormes matériaux de guerre2 sur le sol algérien.

C’est le 29 avril 1927 que l’incident entre le dey et le consul de France eut lieu et c’est le 16 juin de la même année que la France déclare officiellement la guerre à l’Algérie. La colonisation qui débute le 5 juillet 1830, avec la signature de l’accord de « Cession d’Alger », durera un siècle et trente deux ans. Cette longue présence connaîtra différentes périodes caractérisées par la politique adoptée par le colonisateur et la résistance du peuple colonisé. La première période correspond à l’installation de la colonisation et à la résistance farouche des Algériens qui se poursuivit jusqu’à 1871. L’échec de la résistance va entamer la deuxième période qui se poursuit jusqu’à 1918. La période qui suit couvre les années 1919 jusqu’au déclenchement de la guerre de libération en novembre 1954.

La France devait faire face à une résistance acharnée de la part des Algériens, qui malgré leur détermination finit par échouer et fera tomber le pays entre les mains des Français. Cependant, d’autres poches de résistance continuèrent à se battre et les différentes oppositions que la France rencontra au cours de sa pénétration dans les différentes villes d’Algérie marqueront plusieurs années avant qu’elle ne puisse prendre possession de tout le pays. La lutte armée se poursuivit jusqu’à la fin du 19e siècle. Toutefois, en 1834, une ordonnance royale déclarait déjà l’Algérie une colonie militaire placée sous la tutelle du ministère de la guerre.

Mais c’est à partir des premiers jours de son installation en Algérie que le système colonial basé sur les exterminations, la dépossession et l’humiliation des habitants prend effet (ceci malgré l’engagement de la France lors du traité de capitulation d’Alger à ne porter atteinte ni à la liberté des habitants, ni à leur religion). Pour Ahmed Lanasri : « (…) Le corps expéditionnaire français gagna chaque pouce de terrain au prix d’atrocités sans nom qui n’épargnèrent ni civils, ni femmes, ni enfants […]3 »

1 A partir de deux documents( le premier est un document daté du 7 décembre 1826 qui exprime les intentions de la France d’imposer un blocus maritime à l’Algérie et le deuxième est une lettre adressée au dey Hocine de la part du ministre des affaires étrangères, le 28 février 1827, qui énumère les revendications de la France et qui n’était pas arrivée à destination parce que le consul de France a fait exprès de ne pas la remettre), les historiens confirme que la France planifiait d’envahir l’Algérie et ceci cinq mois avant l’incident dit de « l’éventail ».

2 COMITE DU VIEIL ALGER, fondateur Henri Klein, Avril 2003, Feuillets d’El-Djezaïr, Algérie, Editions du Tell, coll « Histoire et Patrimoine », Tome I, p. 9.

3 LANASRI, Ahmed, 1995, La littérature algérienne de l’entre-deux-guerres, Genèse et fonctionnement, Paris, Editions Publisud, p. 20.

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Dès le départ, la politique de destruction à laquelle s’adonna la France marquait une volonté de sa part d’effacer tous les fondements et les repères de la société algérienne (matériels, culturels et spirituels…) sans distinction. Au bout des trois premières années de colonisation, des mosquées furent détruites alors que d’autres furent changées en entrepôts ou en dortoirs. Des immeubles et des sociétés furent dépossédés et saisis. Des dates rapportées par les historiens (le 15 juillet 1830, le 26 novembre 1830 et avril 1832) marquent des journées sanglantes pour la population qui se voyait exterminée sans but, ni raison. Femmes, vieillards, enfants, tribus furent liquidés et ceci en réponse à la lutte armée.

Ce que la France adopta comme mode de répression fut relaté par de nombreux officiers et militaires de l’époque, à travers des lettres ou des témoignages qui furent rapportés et publiés. Les exemples ne manquent pas et peuvent rendre compte des crimes commis, de la politique adoptée, dès le départ, ainsi que de la réalité des choses.

Parmi d’autres, celui de la tribu d’El-Ouffia installée à Oued El Harach (étant soupçonnée de vols et dont l’enquête révéla par la suite l’innocence) qui fut exécutée jusqu’au dernier de ses membres.

Parmi ces déclarations, un témoignage cité par Ferhat Abbas dans De la Colonie vers la Provence, le Jeune Algérien, et qui relate exactement le massacre de la tribu citée plus haut :

« En vertu des instructions du général en chef de Rovigo, un corps de troupes sortit d’Alger pendant la nuit du 6 août 1832, surprit au point du jour la tribu endormie sous ses tentes et égorgea tous les malheureux El-Ouffia, sans qu’un seul cherchât même à se défendre. Tout ce qui vivait fut voué à la mort, on ne fît aucune distinction d’âge ni de sexe.1 »

D’autres citations comme celles du Comte d’Hérisson, sous lieutenant dans l’armée française en 1844 et qui évoque dans son livre La chasse à l’homme les années de conquête :

« Le sang avait coulé à flots dans cette lutte… Il n’y avait pas d’ailleurs à se le dissimuler : on se battait contre une nation tout entière animée par le double fanatisme de la patrie et de la religion. La guerre en acquérait un caractère plus violent et plus sombre et donnait lieu à des répressions atroces, commandées peut-être par la nécessité, mais que répudient le droit des gens et l’honneur d’une grande nation( comme la France)2. »

1 Idem.

En décrivant l’état des soldats, il constatait la barbarie de leurs actes « Ils tuaient sans pitié, ils frappaient sans nécessité, ils mutilaient pour châtier1. ». La guerre que menait la France contre le peuple algérien était sans merci, faite de massacres, de dépossession, d’appauvrissement et d’écrasement.

Le témoignage du maréchal de Saint-Arnaud, qui fut le plus haut responsable de guerre, dans une de ses lettres publiées en 1858 et qui fut citée par Ferhat Abbas, dans De la Colonie vers la Provence, le jeune Algérien et dans laquelle, il rend compte de la destruction de tout ce qui constituait la subsistance du peuple pour le réduire à la misère et à la faim en rasant et brûlant tout :

« Nous sommes dans le centre des montagnes, entre Miliana et Cherchel. Nous tirons peu de coups de fusils, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux…

Le pays des Béni-Ménasser est superbe et l’un des plus riches que j’ai vu en Afrique. Les villages et les habitations sont très rapprochés. Nous avons tout brûlé, tout détruit. Oh ! la guerre ! la guerre ! Que de femmes et d’enfants, réfugiés dans les neiges de l’Atlas, sont morts de froid et de misère !

On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres. Des combats : peu ou pas.

Les beaux orangers que mon vandalisme va abattre… J’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ 200, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés2. »

Après la colonisation des villes côtières par lesquelles la France était entrée, c’est au tour des autres villes et villages de l’Algérie d’être envahis. Elle adopta le même système de dévastation et de dépossession. Les richesses des villages qui consistaient en terres cultivées et en troupeaux seront pris et donnés aux colons. Le paysan se retrouvera souvent mis au service du colon sur sa propre terre.

Pour étendre sa colonisation sur tout le territoire algérien, la France devait conquérir le Sud algérien. Surtout que le Sahara algérien constituera une porte d’accès vers ses autres colonies africaines. Après plusieurs études3 et expéditions sur les territoires du Sud,

1 Idem.

2 Ibid. p. 21.

3 Les deux études établies par Carette sur le commerce de l’Algérie méridionale et les routes suivies du Sud apparues en 1844, qui s’intitulent : Recherches sur la géographie et le commerce de l’Algérie méridionale et Etudes des routes suivies

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d’importantes informations (sur la politique, le commerce sous tous ses aspects : types d’échanges commerciaux, type de marchandises, les routes empruntées…) furent récoltées et purent fournir des détails qui permirent, dès 1844, d’étendre la colonisation vers le Sud.

Des bases militaires furent établies dans les villes qui servaient dans les échanges commerciaux entre le Nord et le Sud. La même année fut colonisée Biskra, une ville clé dans le commerce saharien de la circonscription Est du pays.

L’extension de la colonisation jusqu’au Sud se fera en deux étapes (selon une politique établie par l’administration coloniale et ce jusqu’à 1890) : la première consistait à y accéder par la colonisation des hauts plateaux, puis en progressant petit à petit vers les territoires nord du Sahara non pas à travers une campagne militaire mais par des pressions économiques et politiques sur la population, l’obligeant à accepter l’idée de la présence française.

Cette progression vers le sud rencontrera une résistance de la population (celle des Ouled Sidi Cheik et Bouamama, celle des Chaanba…) qui l’obligera à recourir à son armée. Ces résistances ne purent tenir devant la puissance de l’armée française et c’est à partir de 1881 que la France commença petit à petit à maîtriser les territoires du Sud Oranais.

Dans son effort d’expansion, la France allait réaliser plusieurs projets parmi lesquels des routes, des ponts qui relieraient les régions conquises et faciliteraient les déplacements. Un projet de chemin de fer qui s’étendait jusqu’à Aïn-Séfra fut réalisé. Ce moyen de transport lui servira à transporter ses forces et à les alimenter plus rapidement en armes et en munitions. De même, il lui sera bénéfique dans ses échanges commerciaux.

Sa volonté de développer cette voie de chemin de fer jusqu’aux autres territoires du Sud fut freinée par l’échec de la mission du colonel Flatters en 1881 qui devait regrouper des informations susceptibles de les aider dans la réalisation de ce projet au Sud. Le projet sera suspendu et jusqu’à 1901, les territoires du Sud connaîtront un ensemble d’opérations militaires contre la lutte armée qui permettront à la colonisation de se maintenir dans la région. Ces opérations se poursuivront jusqu’à 1912 et permettront de coloniser la majorité de la région.

par les arabes dans la partie méridionale de l’Algérie et la régence de Tunis,

ainsi que l’étude qui a été faite par Rozet et Carette, qui s’intitule L’Algérie, et qui regroupe une description et une étude approfondie sur l’Algérie et le peuple algérien( histoire, description, religion, mœurs, coutumes…) présentent des informations très importantes et très précises qui permirent de facilité la connaissance du colonisateur du pays et faciliter sa pénétration jusqu’au Sud.

Après son installation dans la région, la France va développer une politique qui lui permettra d’exploiter les richesses du pays et d’en bénéficier alors que l’indigène se retrouvera étranger, dépossédé, exploité. La présence coloniale, surtout au Sud va anéantir le commerce dans cette région alors qu’il constituait la principale ressource de la population. Cette situation va détériorer le vécu quotidien, propager la famine et les maladies qui toucheront principalement la population.