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IV.4.a.i) Les afférences du complexe amygdalien

Différentes régions projettent vers l’amygdale afin de permettre la transmission des informations, notamment sensorielles sous différentes modalités (olfactives, auditives et visuelles) (LeDoux, 2007) (Figure 31).

Dans le contexte de peur conditionnée, plusieurs modalités sensorielles peuvent être utilisées comme SC (auditif, visuel ou olfactif) au sein des mammifères (Domjan, 2006). Le transfert des informations des stimuli discret et aversif s’opère vers l’amygdale à travers différentes voies parallèles : 1/ la voie directe sous-corticale (pré-thalamique), 2/ la voie passant par le thalamus dorsal, 3/ et celle empruntant le cortex cérébral, principalement par les aires corticales associatives (LeDoux et al., 1990a, 1990b; Linke et al., 2000; McDonald, 1998; Turner and Herkenham, 1991).

Figure 31: Schéma des afférences de l’amygdale cérébrale provenant de diverses régions cérébrales.

La : noyau latérale, B : noyau basal, itc : cellules intercalées, Ce : noyau central, et M : noyau médial. (D’après LeDoux, 2007)

Initialement, le noyau latéral de l’amygdale reçoit les informations auditives et somatosensorielles provenant des afférences thalamiques et corticales (LeDoux, 2007). Il est ainsi le site de convergence des afférences traitant les deux types de stimuli conditionné et inconditionné ce qui lui confère un rôle clé dans la plasticité synaptique (Maren, 2003; Romanski and LeDoux, 1993; Romanski et al., 1993). Il est le premier acteur intervenant dans

la transmission de l’information du stimulus discret jusqu’au noyau du CeA permettant l’expression comportementale de la peur.

Toutefois, la transmission des informations provenant des divers systèmes sensoriels n’utilise pas le noyau latéral comme seul entrée. En effet, bien que les afférences associatives corticales établissent des synapses principalement au niveau de la LA, les voies thalamiques et sous thalamiques projettent sur le CeA et le noyau basal (LeDoux et al., 1985; Linke et al., 2000; McDonald, 1998; Turner and Herkenham, 1991). De plus, une voie majeure nociceptive provenant de la moelle épinière et du noyau sensoriel trijumeau arrive au CeL par le noyau parabrachial pontique et contourne complètement le LA (Bernard and Besson, 1990; Bernard et al., 1993; Neugebauer et al., 2009).

Ainsi, il apparaît que le LA, le BA et le CeA sont nécessaires pour intégrer les informations relatives à l’association des stimuli discret et aversif au cours du conditionnement de peur.

Suite à l’entrée de ces informations et au conditionnement, une potentialisation des synapses apparaîtrait permettant aux neurones de la LA de déclencher le comportement de peur par le recrutement des cellules effectrices du CeM. En effet, des enregistrements intra- et extracellulaires ont mis en évidence une augmentation des réponses des neurones de la LA induite par la présentation du SC suite au conditionnement de peur (Collins and Paré, 2000; Goosens et al., 2003; Quirk et al., 1995; Repa et al., 2001; Rogan et al., 1997; Rosenkranz and Grace, 2002a).

Toutefois, relativement peu de neurones du LA (environ 20%) répondent fortement au SC malgré qu’un grand nombre d’entre elle reçoivent les afférences nécessaires (Han et al., 2007). Il existe ainsi des neurones particuliers possédant une forte excitabilité intrinsèque et recrutés préférentiellement pour permettre la mémoire de peur (Han et al., 2007, 2009; Kim et al., 2013). Il s’avère que des neurones exprimant le facteur de transcription CREB activé montrent une augmentation de leur excitabilité et sont préférentiellement recrutés pour permettre la formation de la trace mnésique (Han et al., 2007, 2009; Viosca et al., 2009; Zhou et al., 2009). Cependant, malgré les modifications de l’expression de CREB dans la LA, la proportion de neurones recrutés pour former la trace mnésique n’est pas modifiée (Han et al., 2007).

Cela suggère que même si la haute excitabilité intrinsèque influence les neurones principaux de la LA à devenir plastique, le nombre de cellules plastiques final est limité par les interactions synaptiques.

D’autre part, de nombreuses études ont mis en avant que la transmission GABAergique régule le conditionnement de peur et la plasticité synaptique (Ehrlich et al., 2009; Paré et al., 2003). Les neurones principaux de la LA sont sous le contrôle inhibiteur de circuits locaux impliquant notamment les cellules intercalées localisées latéralement (ICML), mais également d’autres interneurones au sein du noyau lui-même. Il a été montré que lorsque l’inhibition GABAergique est réduite, la plasticité synaptique est augmentée dans les neurones du LA (Bissière et al., 2003; Shaban et al., 2006; Shin et al., 2006; Watanabe et al., 1995). Inversement, l’activation des récepteurs GABA-A dans le LA altère l’acquisition de la peur conditionnée (Muller et al., 1997; Wilensky et al., 1999). De plus, le conditionnement de peur est associé à une réduction des niveaux de GABA dans la BLA et de l’ARNm des enzymes synthétisant le GABA (Bergado-Acosta et al., 2008; Heldt and Ressler, 2007; Pape and Stork, 2003; Stork et al., 2002).

Ces résultats suggèrent que la désinhibition des cellules principales de la LA est un facteur important dans l’acquisition du conditionnement de peur.

Les neurones GABAergiques sont des cibles importantes des neuromodulateurs comme la dopamine (DA), la noradrénaline (NE), la sérotonine, le peptide libérant la gastrine (GRP) et les endocannabinoides (Bissière et al., 2003; Marowsky et al., 2005; Marsicano et al., 2002; Rainnie, 1999; Shumyatsky et al., 2002; Stutzmann and LeDoux, 1999; Tully et al., 2007). Par exemple, suite à l’apprentissage aversif, des neurones de l’aire tegmentale ventrale et du locus coeruleus sont activés libérant respectivement de la DA et de la NE dans la LA (Brischoux et al., 2009; Chiang and Aston-Jones, 1993). La DA et la NE suppriment le feedforward inhibiteur des neurones principaux de la LA à travers l’inhibition à la fois des interneurones et des cellules intercalées latérales (Bissière et al., 2003; Marowsky et al., 2005; Tully et al., 2007). D’autres études allant dans le même sens ont montré que l’activation des récepteurs à la NE et à la DA dans l’amygdale est impliquée dans l’acquisition de la peur conditionnée et que la sérotonine et la GRP excitent les interneurones inhibiteurs (Bush et al., 2010; Greba et al., 2001; Guarraci et al., 1999; Nader and LeDoux, 1999; Shumyatsky et al., 2002; Stutzmann and LeDoux, 1999).

Ainsi, il semble que la DA et la NE favorisent la plasticité synaptique dans la LA par la désinhibition des cellules principales, facilitant l’acquisition de la peur conditionnée (Bissière et al., 2003; Tully et al., 2007).

Les endocannabinoides jouent également un rôle important dans la transmission synaptique dans la LA. Par exemple, une étude a montré qu’un agoniste des récepteurs aux cannabinoïdes entraîne une diminution des courants postsynaptiques médiés par les récepteurs

GABAA et AMPA, conduisant à une réduction de la transmission GABAergique et glutamatergique dans la LA. Le système endocanabinoide modulerait donc la transmission inhibitrice et excitatrice dans la LA (Azad et al., 2003).

Ainsi, les différents acteurs participant au contrôle des circuits locaux d’inhibition des neurones principaux de la LA semble influencer la plasticité synaptique permettant de moduler l’acquisition de la peur conditionnée.

IV.4.a.i) Les efférences du complexe amygdalien

Outre le fait que l’amygdale reçoit de nombreuses informations à traiter, elle intervient dans la sortie de l’expression de réponses comportementales différentes à travers la grande diversité de structures cérébrales sur lesquelles elle projette (Figure 32).

Figure 32: Schéma des efférences de l’amygdale cérébrale vers diverses régions cérébrales.

La : noyau latérale, B : noyau basal, itc : cellules intercalées, Ce : noyau central, et M : noyau médial. (D’après LeDoux, 2007)

Dans le contexte du conditionnement de peur, les cibles de projections de l’amygdale sont diverses selon les noyaux engagés (Pitkanen, 2000).

Le noyau clé permettant l’expression comportementale de peur est le CeA. Ce dernier émet de nombreuses projections vers les noyaux du tronc cérébral qui génèrent les réponses comportementales et viscérales liées au conditionnement de peur, incluant la substance grise périaqueductale (periaqueductal gray - PAG), le noyau parabrachial, le noyau solitaire et le complexe vagal dorsal (DVC) (Hopkins and Holstege, 1978). De plus, il s’avère qu’une forte

corrélation existe entre la réponse des neurones du CeM conséquente à la présentation du SC et les niveaux d’expression de peur (Ciocchi et al., 2010; Duvarci et al., 2011). Par exemple, pendant l’apprentissage d’extinction, la décharge des neurones du CeM et les réponses de peur diminuent parallèlement (Duvarci et al., 2011).

Quant à la BLA, elle projette principalement vers le striatum, le thalamus et le cortex cérébral. De nombreuses régions corticales sont ciblées par l’amygdale dont notamment le cortex préfrontal médian (CPFm) qui joue un rôle essentiel dans la régulation de la peur conditionnée (Sotres-Bayon and Quirk, 2010). D’autre part, la BLA est fortement connectée de façon réciproque avec l’hippocampe ventrale. Ces connexions sont impliquées dans la peur contextuelle et l’anxiété (Felix-Ortiz et al., 2013; Narayanan et al., 2007) (cf Chapitre IV.4.c.i), page 96).

D’autres projections de l’amygdale interviennent dans le conditionnement de peur dont celles vers le BNST et vers divers noyaux hypothalamiques (Pitkanen, 2000; Dong et al., 2001). L’amygdale peut également influencer indirectement l’excitabilité du prosencéphale dans sa globalité via ses projections vers des groupes de cellules neuromodulatrices (libérant de l’ACh, de la NA, ou de la DA) du BF et du tronc cérébral (Steriade and Paré, 2007).