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CHAPITRE II : FAIRE SIENNE L’ÉGLISE D’AILLEURS

2.1 Portrait de la mission

2.1.1 Mieux connaître les MNDA de Bequimão

Lors de la fondation de la mission en 1961, trois pionnières commencent l’aventure brésilienne de la congrégation. Sœur Sainte-Colette (Gisèle Desloges), sœur Sainte-Agnès d’Assise (Lucie Laberge) et sœur Marie-de-Liesse (Hélène Fischer). Elles sont ensuite rejointes la même année par sœur Sainte-Christine (Jeannine Hébert) qui vient leur prêter assistance. Tour à tour, ce sont 24 autres femmes qui s’établissent, pour un court moment ou plus d’une décennie, au nord-est du Brésil4. Le tableau suivant, réalisé à partir de la compilation des informations provenant des fiches des sœurs, fournit un aperçu de leurs caractéristiques sociodémographiques:

Tableau 2.1 : Données sociodémographiques des MNDA ayant œuvré à Bequimão (1961-2006)

Nationalité Canadienne Brésilienne 18 5 Péruvienne 3 Tahitienne Congolaise 1 1 Âge à

l’arrivée

20-25 ans 26-30 ans 31-40 ans 41-50 ans > 50 ans

1 8 8 5 6

Expériences antérieures

Aucune Afrique Amérique latine Asie Canada

4 4 7 6 11

Années en poste

Moins d’un an 1 à 2 ans 3 à 5 ans 6 à 10 ans > 10 ans

0 5 10 6 7 Profession des parents Mère au foyer Profession

libérale Commerçant Ouvrier Agriculteur

28 2 5 9 12

Milieu d’origine

Village (rural) Ville (urbain)

19 9

Source : Adaptation des informations provenant des fiches de sœurs.

Concernant la nationalité, les Canadiennes sont majoritaires avec 64,3% des membres. Les Brésiliennes représentent 17,9% des effectifs, les Péruviennes 10,7% et la Tahitienne et la Congolaise 0,04% respectivement. Pour ce qui est de l’âge à l’arrivée, on remarque que la plupart des MNDA arrivent au Brésil avant leur 40e anniversaire. En effet, 28,6% de ces femmes ont entre 26 et 30 ans lorsqu’elles s’installent à Bequimão, et 28,6% ont entre 31 et 40 ans. De plus, 14,3% n’ont jamais connu de mission antérieure, alors que 39,3% de ces femmes ont commencé leur vie religieuse avec les œuvres canadiennes5. Le quart des religieuses a œuvré précédemment en Amérique latine, 21,4% ont œuvré en Asie et 14,3% en Afrique. Finalement, elles restent longtemps en poste, le quart demeurant plus de 10 ans et un peu plus de la moitié, soit 57,1%, y œuvre entre 3 à 10 ans.

5 Tel qu’expliqué au chapitre précédent, les MNDA maintiennent des œuvres au Canada pour stabiliser leurs

revenus et mousser le recrutement. Il s’agit les jardins d’enfants de Victoriaville et de Montréal, la maison pour dames âgées de Loretto Hall de Victoria ou encore, dans la même ville, la mission chinoise.

À ces données brutes doivent cependant s’adjoindre quelques nuances. Premièrement, la majorité canadienne révélée par ces chiffres peut porter à croire qu’elles ont toujours été en supériorité numérique. En effet, jusqu’aux années 1980, bien qu’une Brésilienne et une Tahitienne œuvrent à Bequimão, la quasi-totalité des effectifs demeure canadien. Cependant, à partir des années 1980, la mission prend une tournure internationale, et dans les années 1990, les Canadiennes sont à parité ou minoritaires. Deuxièmement, concernant l’âge et les expériences antérieures, il est important de souligner que les pionnières sont toutes âgées de moins de 30 ans et n’ont connu que des expériences au Canada. La mission débute avec des femmes peu expérimentées, ce qui peut expliquer la facilité avec laquelle elles s’investissent dans les CEB, d’autant plus que cette implication résulte d’une directive des prêtres. Quant aux missionnaires qui ont œuvrées auparavant en Asie, en Afrique et/ou en Amérique latine, elles participent à la mission de Bequimão surtout à partir des années 1970, pouvant enrichir leurs collègues de leurs expériences. Finalement, la plupart des MNDA qui s’engagent pour le Brésil y demeurent longtemps, d’autant plus que celles qui quittent Bequimão partent parfois œuvrer à Pinheiro, l’autre mission brésilienne. Ceci suggère une appréciation pour ce milieu apostolique6.

Une fois ces nuances établies, un questionnement persiste. Qu’est-ce qui explique l’affinité des missionnaires pour les CEB? Les données sociodémographiques et la

6 Tel que révélé par l’étude de Catherine Foisy, l’aggiornamento qui suit la tenue Concile Vatican II favorise

le dialogue entre les missionnaires et les supérieures. Voir Catherine Foisy, « Des Québécois aux frontières : dialogues et affrontements culturels aux dimensions du monde. Récits missionnaires d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine (1945-1980) », Thèse de doctorat (humanities), Montréal, Université Concordia, 2012, p. 288-294. Cette observation et la lecture des chroniques indiquent que les préférences de chacune quant au pays de mission sont désormais prises en considération lors des nominations, qui ne sont donc pas uniquement circonstancielles.

littérature fournissent quelques pistes d’analyse. Tout d’abord, la plupart des religieuses œuvrant à Bequimão demeurent longtemps en poste. Parmi celles-ci, deux des trois pionnières de la mission, sœur Gisèle Desloges, affectée au secrétariat de l’évêché et sœur Lucie Laberge, impliquée en catéchèse et auprès des CEB, restent au Brésil plus de 20 ans. Sœur Majella Brousseau, arrivée en 1965 et affectée à l’infirmerie et sœur Cécile Drouin, arrivée en 1967 et impliquée auprès des Clubs des Volontaires et à la coordination diocésaine, restent aussi plus de 20 ans. Ces femmes, aux premières loges de l’essor des CEB, peuvent transmettre aux nouvelles venues la somme de leurs expériences. La présence d’au moins une de ces fondatrices sur place assure également une certaine cohérence dans les décisions à prendre et une continuité dans les œuvres, malgré les changements de personnel. À cela s’ajoute l’intégration d’une première novice brésilienne en 1967, sœur Leocádia Morães Castro, ce qui facilite le dialogue puisqu’elle peut démystifier aux sœurs canadiennes certaines pratiques, tout en leur permettant d’identifier plus adéquatement les besoins des gens. L’intégration de quatre autres sœurs brésiliennes à la mission dans les années 1980 et 1990, sœur Maria Goretti Oliveira Silva, sœur Maria Lúcia Pinto Ribeiro, sœur Maria Benedita Mendes et sœur Maria Rita Ferreira, poursuit cette orientation.

Ensuite, l’étude des caractéristiques des missionnaires québécois des années 1960 met en lumière certains traits ayant pu favoriser une proximité, voire une fraternité spontanée entre les Québécois et les Brésiliens. Tel que le démontre Catherine Foisy, « [les missionnaires québécois des années 1960] proviennent en majorité d’un milieu rural ou semi-urbanisé, leurs parents sont principalement des agriculteurs, des petits

commerçants ou des journaliers, ils ont entre 20 et 21 ans en moyenne […]7 ». Les pionnières de la mission partagent donc avec la population de Bequimão des origines modestes, un vécu en milieu rural et un âge similaire8. La prévalence des sœurs provenant d’un milieu rural (67,9%) et qui ont des parents agriculteurs ou ouvriers (75,0%) persiste tout au long de la mission. Ainsi, travailler à établir des communautés de base devient non plus seulement une orientation pratique, mais une action porteuse de sens. Cependant, leurs actions s’étendent bien au-delà de l’accompagnement des CEB.