• Aucun résultat trouvé

Conjuguer développement humain et sobriété énergétique

REPÈRE 1

136e sur 186 pays en développement, l’Inde a encore de grands progrès à réaliser en termes de développement humain. Grâce aux technologies existantes, aujourd’hui, elle peut néanmoins et de manière réaliste espérer améliorer les conditions de vie de sa population à un moindre coût énergétique – et donc environnemental.

189

CHAPITRE 4

Bien qu’il soit difficile de quantifier le déve-loppement durable, la direction à prendre et les moyens pour y parvenir sont évidents. Il faut améliorer le bien-être humain tout en conservant l’équilibre entre les multiples considérations sociales, économiques et environnementales. Erling Holden et  al. [2014] ont évalué la situation de plusieurs pays au regard du développement durable en combinant quatre paramètres : l’IDH (0,64 minimum), l’empreinte écologique (2,4 hectares/habitant/an maximum), le coefficient de Gini (40 maximum) et la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique (26 % minimum). Ils ont constaté qu’en termes de répartition de la prospérité et d’empreinte écologique, l’Inde s’inscrit pleinement dans les limites du développe-ment durable. Néanmoins, le niveau global de prospérité est trop bas pour être tenable et le système énergétique indien est à la limite de la viabilité. Pour s’engager dans le développement durable, l’Inde doit donc rapidement augmenter son IDH et la part des énergies renouvelables. Étant donné le rapport incontestable existant entre l’IDH et la consommation d’énergie, l’enjeu peut se résumer à un objectif infrastructurel, à savoir : augmenter la part des énergies renouvelables à un prix abordable (cf. repère 2).

En Inde, la question de la dégradation de l’environnement, que ce soit au niveau national ou au niveau mondial, a toujours été envisagée comme faisant partie intégrante des enjeux du développement. Avec d’autres pays en développement, l’Inde a exprimé cette conception dès la première définition d’un programme mondial en faveur de l’environnement lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain qui s’est tenue à Stockholm en 1972. Elle a réaffirmé ce point de vue à l’occasion des négociations de 1992 à Rio. La communauté internationale l’a également fait sien dans des termes similaires et à des degrés divers. L’Inde a ardemment plaidé en faveur de l’article 4.7 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui reconnaît l’éradication de la pauvreté et

le développement socio-économique comme étant les « priorités premières et essentielles des pays en développement ».

Les mesures politiques prises par l’Inde pour faire face aux enjeux environnementaux ont, pour l’essentiel, également permis de répondre aux enjeux de développement. Augmenter la part des solutions énergétiques alternatives et non traditionnelles et encou-rager l’efficacité énergétique constituent les piliers de la stratégie indienne en matière de questions environnementales, et plus par-ticulièrement de changements climatiques. Les premières initiatives politiques du début des années 1970 sont dictées par les menaces immédiates qui pèsent alors sur la sécurité énergétique, à la lumière de la crise du pétrole de 1973. L’évolution du climat fait que les bénéfices du développement obtenus jusque-là risquent d’être compromis par les menaces qui planent sur les infrastructures naturelles, matérielles et économiques.

Face aux différents dangers qui pèsent sur la santé, la nutrition, l’accès à l’eau potable, les sources traditionnelles de revenus, les services rendus par les écosystèmes, la vie et la biodiversité le long et autour des côtes, les infrastructures existantes sont impuissantes à maintenir les bénéfices du progrès. Les changements climatiques ont donc ajouté un impératif de temps et d’échelle à la quête de développement de l’Inde. L’Inde a besoin de se développer rapidement et à un rythme plus soutenu, ce qui implique en retour de prendre des mesures radicales en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique afin que les nouvelles infrastructures requises produisent moins d’émissions de GES.

Principaux acteurs plaidant en faveur

d’une politique énergétique durable

C’est le gouvernement national qui a reconnu, au début des années 1970, la nécessité d’encou-rager de nouvelles formes d’énergie afin de protéger l’économie nationale des fluctuations du marché énergétique mondial. Partie aux principaux accords internationaux sur l’envi-ronnement, de la Déclaration de Stockholm en 1972 à la signature du Protocole de Kyoto

190

DOSSIER 2015

en 1997, l’Inde a adopté une législation et des politiques visant à intégrer la protection de l’environnement aux programmes et stra-tégies de développement, en mentionnant expressément les accords internationaux dans les préambules des textes [Atteridge et  al., 2012].

Depuis la fin des années 1980 et le lance-ment de programmes de modernisation et de rénovation visant à améliorer l’efficacité énergétique des installations industrielles, parallèlement à la libéralisation de l’écono-mie, le secteur privé est également devenu, quoique lentement, un acteur important. Dans le contexte d’une intégration croissante à l’économie mondiale et d’une concurrence accrue, les entreprises du secteur privé ont pris conscience de l’importance de l’efficacité énergétique en même temps que des obstacles technologiques et financiers pour parvenir à une meilleure efficacité tout en restant

compétitives sur le marché mondial. Le secteur privé est donc devenu un partisan de plus en plus convaincu des politiques en faveur de l’efficacité énergétique. La réussite de projets éoliens pilotes financés par le Danemark et l’Allemagne depuis la fin des années 1980 ainsi que l’essor d’entreprises comme Suzlon ont renforcé l’exigence de politiques en faveur des énergies renouvelables. À cela vient s’ajouter l’expérience du mécanisme de développement propre (MDP) qui a renforcé la confiance des acteurs privés et publics en la viabilité économique des solutions renouvelables et de l’efficacité énergétique.

Au cours de la dernière décennie, et plus particulièrement après la publication du quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et le lancement du Plan d’action national sur les changements cli-matiques (National Action Plan on Climate

Situer l’Inde dans le développement durable

L’Inde s’inscrit pleinement dans les limites du développement durable mais doit améliorer ses résultats en matière de lutte contre la pauvreté et de fourniture d’énergie. Deux objectifs intimement liés.

191

CHAPITRE 4

Change, NAPCC) de l’Inde, la société civile et les gouvernements des États fédérés sont eux aussi apparus comme des acteurs essentiels. Au vu du rapport du GIEC et de négociations internationales sur le climat – qui suscitent de moins en moins d’espoirs –, et face aux préoccupations concernant la sûreté et la sécurité d’une population nombreuse et vulnérable, la société civile réclame avant tout au gouvernement national des mesures plus audacieuses. On demande par ailleurs aux États fédérés de décliner le NAPCC en Plans d’action locaux sur les changements climatiques (State Action Plans on Climate Change, SAPCC) et de fixer des objectifs stratégiques (comme les obligations d’achat d’énergies renouvelables). Face aux ressources et capacités restreintes des États, les SAPCC permettent une meilleure coordination avec les politiques nationales, et donc l’obtention de davantage de moyens. De ce fait, les États sont eux aussi devenus d’importants promoteurs des politiques énergétiques ayant une incidence sur le climat. Ces évolutions ont aussi contribué à faire émerger de nombreux spécialistes et chercheurs qui ont très tôt défendu l’harmo-nisation envisagée des politiques climatiques et énergétiques.

Dans l’ensemble, la transformation du secteur indien de l’énergie a procédé d’une logique descendante dans laquelle le gou-vernement national a joué un rôle crucial, non seulement en déterminant la direction politique à suivre, les objectifs concrets, les infrastructures à construire, mais aussi en insufflant la motivation nécessaire aux autres acteurs. Le Programme accéléré de développement et de réforme du sec-teur de l’électricité (Accelerated Power Development and Reforms Programme, APDRP), entamé en 2002-2003 pour lutter contre les déperditions d’énergie lors du transport et de la distribution de l’électricité, illustre bien cette approche. Il a abouti à une réduction de plus de 9 % des déperditions entre 2005 et 2014. Afin de répondre aux préoccupations des différents acteurs, le gouvernement national a de plus en plus

recours à des processus de concertation pour élaborer les politiques et les programmes. Le dispositif Perform, Achieve and Trade (PAT)1, conçu dans le cadre de la Mission nationale sur l’amélioration de l’efficacité énergétique (National Mission on Enhanced Energy Efficiency, NMEEE), constitue un très bon exemple de la façon dont un organe du gouvernement national, le Bureau de l’efficacité énergétique (Bureau of Energy Efficiency, BEE), fait en sorte que toutes ces parties prenantes apportent largement leur contribution à l’élaboration des politiques. Le résultat est une politique climatique très précise et complexe, mais ambitieuse [Nandakumar et Shrivastava, 2013]. Néanmoins, les différends entre le gouver-nement fédéral et les gouvergouver-nements locaux restent encore parfois difficiles à résoudre en raison d’une insuffisance de moyens et de conflits de compétence, par exemple sur la question des subventions au secteur de l’électricité.

Le contexte de l’offre énergétique