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L’APD, un outil mal aimé ?

Malgré une mobilisation politique réitérée, l’APD reste une source modeste et fragile de financement des pays en développement.

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création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il fallut cependant attendre 1987 pour que le rapport Notre avenir

à tous (Our Common Future), commandé par les Nations unies à une commission présidée par la première ministre norvégienne, Madame Gro Harlem Brundtland, préconisât un arbi-trage différent entre le bien-être humain et l’environnement, tout en sauvegardant les besoins des pays en développement. Le rapport inspira la Conférence sur l’environnement et le développement organisée par les Nations unies à Rio en 1992.

Désignée « Sommet de la Terre », cette conférence préconisa un « développement durable » reposant sur les trois piliers, économique, social et environnemental1. Le Sommet de la Terre produisit plusieurs documents, dont deux sont d’une actualité particulière en 2015 : la Convention sur le cli-mat (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – CCNUCC) et le document « Action 21 » (ou « Agenda 21 »), plan d’action pour le

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e siècle. Action 21 abordait la gamme des défis du développe-ment durable : pauvreté, santé, logedéveloppe-ment, pollution, « protection de l’atmosphère » (y compris la lutte contre le réchauffement et la variabilité climatiques), gestion des mers, des forêts et des montagnes, gestion des res-sources en eau et assainissement, agriculture et déchets, etc.

Pendant le dernier quart du

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e siècle, les organisations de la société civile s’affirmèrent à l’échelle mondiale, ébauchant les prémices d’une démocratie participative à niveaux multiples : local (rural et urbain), national et mondial. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) établit en 1980 sa stratégie pour la conservation de la nature. Ces mouvements n’étaient pas sans connotation politique, réagissant à l’idéolo-gie néolibérale qui s’étendait pendant cette période ; ils atteignirent leur paroxysme lors des manifestations de Seattle, à l’occasion du

1. L’expression « développement durable » remplaça le terme « éco- développement » utilisé après la Conférence de Stockholm [Sachs, 2007].

sommet de l’OMC en 1999. Sous la pression des organisations non gouvernementales, la Conférence de Rio accéléra l’entrée de l’envi-ronnement dans le champ de compétences des institutions financières internationales (IFI). Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM – Global Environment Facility, GEF) fut créé en 1992. Les procédures des IFI furent modifiées pour intégrer des évaluations envi-ronnementales systématiques.

Paradoxalement, l’environnement, long-temps considéré comme un frein pour le développement, constitua une aubaine pour les IFI au cours des années 1990 : la fin de la guerre froide, la crise des dettes et, surtout, l’émergence depuis les années 1980 d’un marché financier international qui irrigua les principaux pôles de croissance, notamment l’Asie du Sud, eurent pour conséquences d’affecter la capacité d’intervention des bailleurs. Le FEM innovait en montrant les possibilités de financer des biens publics mondiaux environnementaux comme le cli-mat, la biodiversité, ou encore la lutte contre la désertification et la dégradation des terres. Le protocole de Kyoto signé en 1997 et ratifié en 2005 crée un « mécanisme de développe-ment propre » qui justifie la mise en place de « fonds carbone » alimentés par les entités polluantes afin d’indemniser les victimes des effets de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Les aides budgétaires et les programmes climat stimulèrent la recherche sur les méthodes d’accompagnement des réformes et sur l’amélioration de l’efficacité des opérations environnementales.

En 2008, la « transition verte » apparut comme une solution générale à la crise, ce que l’économiste Nicholas Stern avait suggéré dans son Review of the Economics of Climate

Change, publié en 2006. Certains pays comme la Corée du Sud se lancèrent dans la technolo-gie environnementale, y voyant un avantage compétitif à saisir, tandis que d’autres, en Europe (Allemagne, Danemark et Pays-Bas notamment), comprirent vite les potentialités de cette filière.

Réunie à Rio de Janeiro du 20 au 22 juin 2012 pour célébrer le 20e anniversaire du Sommet

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de la Terre, la Conférence des Nations unies Rio+20 souligna, dans sa déclaration finale

L’avenir que nous voulons, la continuité de la pensée de l’ONU depuis Stockholm. La confé-rence demanda que soient définis un ensemble d’ODD fondés sur Action 21 et intégrés au programme de développement de l’ONU pour l’après-2015. Parmi 26 domaines thématiques passés en revue dans la déclaration, le change-ment climatique suscitait une « vive préoccu-pation », appelant des décisions urgentes pour limiter la hausse de la température à 2° C en 2100 par rapport au début de l’ère industrielle. Pour élaborer les ODD, la conférence préconisa la constitution d’un « groupe de travail ouvert » (GTO – Open Working Group, OWG) qui mobi-lisa en 2014 70 pays se répartissant 30 sièges, la France partageant le sien avec l’Allemagne et la Suisse, l’Inde avec le Pakistan et le Sri Lanka.

Émergences et contraintes

Émergence de la Chine

La performance économique de la Chine pendant la trentaine d’années s’étendant de 1978 à 2010 est probablement, de par la rapi-dité et le caractère massif de la sortie de la pauvreté, un des faits économiques les plus spectaculaires des temps modernes. Entre 1978 et 2010, la croissance moyenne du PIB dépassa 9,7 % par an. Le PIB par tête crut au taux annuel moyen de 8,5 % sur la période, grâce notamment à une progression maîtrisée de la population et à la réalisation du « dividende démographique » (l’avantage d’une proportion élevée de la population en âge de travailler). La part de la population vivant dans la pauvreté, disposant de moins de 1,25 dollar par jour, fut ainsi ramenée en Chine, pays de 1,3 milliard d’habitants, de 60 % en 1990 à 12 % en 2010.

La performance chinoise fut le résultat d’une démarche endogène et autocratique, éloignée de la vision libérale de l’OCDE. Conduite sous l’autorité du Parti communiste chinois (PCC), l’expérience débuta, après la prise de pouvoir du PCC en 1949, dans des conditions de difficulté extrême, le pays, réduit à la misère, coupé de l’aide internationale (à l’époque, principalement américaine), ne comptant d’abord que sur ses seules ressources [Aglietta

et Guo Bai, 2012]. L’aide du camp soviétique contribua ensuite, dans les années 1950, à l’effort de construction de l’industrie lourde. Cette difficile période d’investissement ne fut pas sans déboires. Le nombre de victimes de la famine résultant du funeste « Grand Bond en avant » de 1960 est estimé à plusieurs dizaines de millions, sans inclure d’autres souffrances et massacres causés notamment par la « Révolution culturelle » une dizaine d’années plus tard.

Cependant, la Chine a aussi su tirer les leçons de ses erreurs et s’adapter à l’évolution de son économie. L’accès au marché américain et le maintien d’un taux de change incitatif ouvrirent la voie au développement d’une industrie d’exportation. Répercutée sur des filières devenues mondiales, cette industria-lisation profita au monde entier. Reproduit ci-dessus, le graphique paru dans le Rapport

2014 du PNUD sur le développement humain présente l’évolution de l’IDH dans 141 pays pendant la période 1990-2010 ; le graphique aide à comprendre comment certains OMD ont pu être atteints. L’émergence d’autres puissances montantes, qu’il serait trop long d’évoquer ici, n’eut pas un effet d’entraînement équivalent à celui de l’intégration de la Chine dans l’économie mondiale (cf. repère 3).

Néolibéralisme mondial

À partir de 1980, l’arrivée au pouvoir de partis conservateurs en Occident initia la « contre-réforme néo-libérale » qui devait s’accompa-gner d’une montée des inégalités. Les analyses ne manquaient pas pour souligner les risques de cette contre-réforme. Amartya Sen, prix Nobel d’économie (1998), pointa le lien entre inégalités et pauvreté, et avança l’idée de « capabilités » pour faire valoir le rôle des facteurs sociaux du développement. En 2006, sous l’impulsion de François Bourguignon, économiste en chef de la Banque mondiale, le rapport sur le développement du monde intitulé Équité et Développement ne s’avéra pas à l’unisson des courants les plus libéraux, y compris ceux qui paraissaient influencer le propre président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz. Le rapport montrait que

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les inégalités constituaient un obstacle non seulement au bien-être social mais aussi à la croissance économique. En outre, il obser-vait l’incapacité de certains systèmes écono-miques inspirés du laissez-faire à promouvoir le développement « pour tous » et à éliminer la pauvreté.

L’attitude du FMI lors de la crise asiatique de 1997, déclenchée peu de temps après que celui-ci eût pris position en faveur de la libéralisa-tion des comptes de capitaux, décida la Chine à constituer d’importantes réserves de change pour réduire sa dépendance à l’égard des insti-tutions de Bretton Woods. La libéralisation des comptes de capitaux, encouragée à l’époque par la direction du FMI1, faisait fi d’un des prin-cipes fondateurs du FMI, acté à la Conférence

1. Plus que par les États-Unis, nonobstant l’attitude favorable du représentant américain au Board [Abdelal, 2009].

de Bretton Woods (1944). Selon ce principe, les autorités nationales devaient conserver leur indépendance monétaire permettant de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux bas, de manière à stimuler l’investissement privé en cas de conjoncture ralentie, surtout en période de sous-emploi. Or, de telles marges de manœuvre étaient neutralisées par l’ouverture internationale des mouvements de capitaux [Stiglitz, 2002 ; Morel, 2011 ; PNUD, 2014].

La crise financière de 2007 finit par remettre en cause la doctrine du laissez-faire écono-mique. Dans ce contexte, le « consensus de Washington », qui caractérisait l’idéologie des institutions de Bretton Woods, fut assimilé sans doute exagérément à un type de laissez-faire économique outrancier. Cependant, les « Printemps arabes » et autres contestations populaires surgies à partir de 2011 montrèrent les conséquences tragiques des inégalités et

La frontière du développement humain

La mesure du développement n’est pas seulement économique. Différents indicateurs – dont l’indice de développement humain (IDH) développé à partir des travaux d’Amartya Sen – tentent d’en rendre compte. Son évolution montre à la fois une tendance globale à l’amélioration et la persistance de conditions de vie très difficiles dans un groupe de pays.

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des fractures sociales à la fois sur la cohésion des sociétés et sur les trajectoires de croissance et de développement. Ajoutés aux effets de la dérégulation sur l’environnement, ils confir-mèrent les fonctions inséparables des trois piliers (économique, social et environnemen-tal) du développement durable, préconisés par le Sommet de la Terre à la suite du rapport Brundtland.

La négociation climatique

Depuis 1992 au moins, le réchauffement climatique est une des principales préoccupa-tions environnementales, et sans doute celle qui est le plus liée à l’aspiration au développe-ment des pays. Dans la mesure où le réchauf-fement climatique résulte de l’émission de GES, elle est en lien avec l’industrialisation, avec la croissance du PIB et avec le déve-loppement des économies. Il en résulte une opposition entre les intérêts des pays en déve-loppement, qui ont besoin de s’industrialiser, et ceux des pays industrialisés, à même de se préoccuper des émissions de GES menaçant la planète. Les pays en développement estiment que les pays industrialisés portent la princi-pale responsabilité des désordres climatiques que leur inflige prématurément le réchauffe-ment climatique.

Depuis le Sommet de la Terre, la CCNUCC a donné lieu à des réunions régulières des Conférence des Parties (COP selon le sigle anglais) rassemblant les 192 pays adhérents. En 2009, la quinzième COP à Copenhague devait déboucher sur un accord remplaçant le Protocole de Kyoto sur le climat, initié en 1997. Il s’agissait de s’entendre sur les enga-gements en faveur d’un développement sobre en carbone traduisant en termes opérationnels la préoccupation évoquée plus haut de limiter l’augmentation de la température moyenne à 2° C en 2100. Bien que les Parties ne par-vinrent pas à s’accorder, les pays industriels s’engagèrent à fournir 100 milliards de dollars de « finance climat » par an à partir de 2020 afin de financer l’investissement requis pour réduire les émissions (atténuation de l’effet de serre) et pour remédier à leurs effets négatifs (adaptation au réchauffement). Ce qu’on

appelle « finance climat » désigne les transferts financiers des pays développés vers les pays en développement, destinés à aider ceux-ci, à atténuer le changement climatique et à s’y adapter.

La séparation de l’engagement financier « climat » des autres flux d’aide au dévelop-pement reflétait la double préoccupation des pays en développement : d’une part, avoir plus nettement voix au chapitre ; d’autre part, créer une source séparée de transferts dès lors que les pays riches montraient, une fois encore après Monterrey, qu’ils ne tenaient pas l’engagement des 0,7 %. En 2010, la COP16 décida à Cancún la création d’un « Fonds vert » pour le climat, qui serait géré à parité entre pays donateurs et pays en développement. La constitution du Fonds vert à hauteur des 100 milliards de dollars promis par les pays développés est un des principaux objectifs de la COP21 à Paris en 2015.

L’année 2015

Les ODD proposés et leur financement

L’année 2015 s’est ouverte sur un sentiment de préparation accomplie. Le GTO a proposé 17 ODD. Le comité intergouvernemental d’experts pour le financement du développe-ment durable (Intergoverndéveloppe-mental Committee of Experts on Sustainable Development Financing, ICESDF) a également remis son rapport tandis que le secrétaire général de l’ONU a produit une synthèse1 présentant le résultat de l’ensemble des efforts de prépa-ration de l’échéance de 2015. Par ailleurs, en adoptant le Lima Call for Action, la COP20 a posé une base de travail pour la COP21 de Paris.

Les ODD proposés s’inspirent des OMD en déclinant avec davantage de détails les services de base (eau, énergie, éducation et santé – « vie saine » –), les composantes du développement durable (croissance, emploi, industrialisation et villes durables, modes de production et de consommation) et celles de la protection de l’environnement.

1. Intitulée : Le Chemin de la dignité d’ici 2030 : Mettre fin à la

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On reconnaît aisément, dans cette décli-naison, les trois « piliers » du développement durable (social, économique et environnemen-tal). L’ODD n° 1 (« Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ») ajoute, à un rang relativement éminent, dans sa cible 1.31, la protection sociale, même si celle-ci reste cantonnée au niveau des cibles (comme l’était le plein emploi dans les OMD). Le changement climatique apparaît à l’ODD n° 13 (« Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions »), avec cependant un astérisque pour rappeler qu’il fait l’objet d’un processus de négociation particulier2. La gouvernance, qui ne constituait pas un des piliers du développement durable évoqués en 1992, fait l’objet de l’ODD n° 16 (« Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable, assurer à tous l’accès à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes »).

Cependant, on retiendra surtout que les ODD se distinguent des OMD par leur carac-tère universel, conformément au souhait de la Conférence Rio+20. Ils doivent dès lors s’appliquer aussi bien aux pays riches qu’aux pays pauvres. Ils sont ambitieux (éliminer la pauvreté…) tout en constituant un accord volontaire, une déclaration d’intention (« a statement of aspirations »), plutôt qu’un traité contraignant ; chaque gouvernement doit fixer ses propres cibles nationales en fonction de l’ambition mondiale, mais en tenant compte des circonstances nationales. On notera enfin le souci de légitimité, concré-tisé par une vaste consultation populaire mondiale, touchant des millions de contribu-teurs en ligne, outre les experts internatio-naux mobilisés, notamment dans le « Panel

1. « Mettre en œuvre des systèmes et des mesures appropriés de

protec-tion sociale pour tous, y compris des planchers, et d’ici 2030 assurer une couverture substantielle des populations pauvres et vulnérables. »

2. L’astérisque renvoie à la précision suivante : « *Étant entendu que la

Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est la principale structure intergouvernementale et internationale de négo-ciation de l’action à mener à l’échelle mondiale face aux changements climatiques. »

de haut niveau », présidé par le Premier ministre britannique David Cameron.

L’ODD n° 17 (« Revitaliser le partenariat mondial au service du développement durable et renforcer les moyens de ce partena-riat ») traite du partenapartena-riat mondial de 1992, objet de l’OMD n° 8 (« Mettre en place un partenariat pour le développement »). Le défi que représente ce partenariat est évoqué plus loin, mais on peut déjà noter la Réunion du « partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement », orga-nisée conjointement par le PNUD et l’OCDE à Mexico en avril 2014. Cette réunion résultait du programme d’efficacité de l’aide lancé par le CAD de l’OCDE avec la Déclaration de Paris en 2005, à la suite du Sommet de Monterrey (2002). Reste à voir dans quelle mesure la Réunion de Mexico aidera à concrétiser l’organisation du partenariat mondial au service du développement durable.

Dans son rapport sur le financement du développement durable, le comité intergou-vernemental d’experts évoque le consensus de Monterrey et son accent sur la mobilisation « holistique » de toutes les formes de finance-ment : public, privé, interne et international. En 2014, l’OCDE a fait porter son rapport sur la coopération au développement sur le même sujet, en considérant le problème principale-ment comme un défi de transfert d’épargne des pays riches vers les pays pauvres [OCDE, 2014].

Comparativement, le rapport du comité intergouvernemental insiste sur le respect des politiques et des priorités nationales, ainsi que des stratégies nationales de déve-loppement durable, sur lesquelles doivent être alignés les plans de financement natio-naux. Le comité estime que le financement du développement ne saurait résulter d’une solution simple ni unique et qu’il faut plutôt considérer la panoplie des mesures permet-tant à chaque gouvernement de faire le choix de la combinaison désirée.

Il observe enfin que, sans un système finan-cier international stabilisé, le programme de développement post-2015 restera vulnérable aux crises financières.

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Convergences

Au terme de ce chapitre, quelle appréciation peut-on porter sur la convergence des trois programmes évoqués au début ? Il convient d’abord d’assimiler les ODD au plan d’action pour le développement durable, ou Action 21, puisque L’avenir que nous voulons (la déclara-tion de la Conférence Rio+20) a pris soin de préciser la filiation des ODD par rapport au plan d’action de 1992. Dès lors, la convergence des actions de coopération internationale, qui se référaient aux OMD, s’avère obliga-toire par rapport aux ODD qui en prennent le relais. Cette convergence particulière repose, peut-on observer, sur la légitimité des ODD : dans la préparation des ODD, le soin apporté à asseoir leur légitimité a pu faire comprendre, par comparaison, que les OMD, initialement formulés par le Comité d’aide au développe-ment de l’OCDE, ne reflétaient peut-être pas suffisamment les aspirations du Sommet de la Terre – nonobstant leur adoption à l’ONU en 2000, que certains ont pu considérer trop précipitée.

La légitimité recherchée pour les ODD est par ailleurs révélatrice de l’opposition qui persiste entre les pays riches et les pays pauvres. Ces derniers considèrent que le discours libéral des pays de l’OCDE et le consensus de Washington contribuent à maintenir la situation d’infério-rité des pays « périphériques », hors OCDE. Pour ceux-ci, les appels récurrents en faveur des chances égales qui doivent être données à tous, et d’un terrain horizontal (« level playing

field  ») dans les relations internationales, constituent une manière habile pour les pays du Nord, employant un langage moralisateur, de favoriser les plus forts et de maintenir le

statu quo géopolitique. Déjà, il y a cinquante ans, les pays latino-américains, conduits par Raúl Prebisch (1901-1986), directeur argentin de la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), plaidaient en faveur d’une autre forme de coopération et de relations économiques au sein des Nations unies. La création de la CNUCED en 1964 fut le principal résultat de ce plaidoyer [Toye et Toye, 2004].

Plutôt qu’un level playing field évoquant des conditions de concurrence égales pour

des partenaires inégaux, la coopération en