• Aucun résultat trouvé

Des configurations de socialisation primaire où le loisir informatique et les savoirs scolaires s’articulent

distinction et accumulation des capitau

1. Des configurations de socialisation primaire où le loisir informatique et les savoirs scolaires s’articulent

L’articulation entre le loisir informatique et l’univers scolaire se met en place dès la socialisation primaire, que ce soit par l’intermédiaire d’une transmission familiale et/ou de médiations de nature scolaire. Nous distinguons trois configurations de socialisation primaire permettant un tel rapprochement. Une première configuration renvoie aux familles impliquées directement dans la transmission d’une culture mathématique et scientifique à haute valeur scolaire. Cela concerne des hackers d’origine moyenne et supérieure, où au moins l’un des parents est porteur d’une telle culture du fait de sa position socioprofessionnelle. Le cadrage parental inscrit la pratique informatique amateur dans une logique globale de reproduction sociale. Deuxièmement, certains enquêtés connaissent une mobilité ascendante soutenue par une pratique amateur ouverte à des médiations de nature scolaire. Leur force dépend de leur acceptation par les parents (Lahire, 1995), ceux-ci orientant dans une certaine mesure leur travail socialisateur afin de minimiser les dissonances cognitives propres à une socialisation primaire contrastée (Darmon, 2006). Un dernier type renvoie à une catégorie particulière d’héritiers qui opèrent une conversion entre deux formes de capital culturel. Si leurs parents les ont mis en contact très tôt avec une culture littéraire et artistique, leur pratique amateur permet en parallèle de se familiariser avec une culture scientifique. Si la réussite scolaire repose grandement sur l’héritage familial, du moins lors des premières étapes, le loisir informatique permet une conversion progressive vers une culture scientifique.

1.1. Des médiations familiales favorables à une affinité entre hacking et mathématiques

Nous avons rencontré des héritiers dont le contexte familial médiatise directement des pratiques informatiques légitimes et participe plus largement à la transmission de savoirs scolairement rentables. Un des parents, parfois les deux, occupent une profession proche de pôle technique et scientifique, dans le cadre de laquelle ils ont une pratique informatique plus ou moins experte. Le père, et parfois la mère, est ingénieur-e, architecte, professeur-e en technologie, en mathématique, ou en sciences, etc. Ils héritent donc d’une culture scientifique

qui se traduit par une certaine aisance à l’école. Ainsi, ils disent avoir particulièrement apprécié les mathématiques et les sciences, branches dans lesquelles ils ont généralement obtenu leurs meilleurs résultats. Ils sont généralement moins prédisposés vis-à-vis de la culture littéraire et artistique36, ce qui se traduit par un moindre intérêt et/ou des résultats moins bons dans les branches littéraires et les matières « à apprendre par cœur » comme l’histoire ou la géographie. Les deux extraits ci-dessous illustrent bien un rapport aisé à la culture scolaire, tout particulièrement dans les branches scientifiques. Le premier a des parents agrégés de mathématiques37, l’un enseignant à l’université, l’autre au lycée, et le second un père ingénieur en électronique (BTS) et une mère au foyer (il ne précise pas son niveau de formation).

« Quand tu as un père qui est prof de fac, qui est agrégé de math... Ouais, comment dire ? Je pense qu’ils ne m’ont pas vraiment poussé. Mais il y avait une sorte de contrat implicite, qui disait en gros qu’il fallait être le premier de la classe. (...) En fait, j’ai eu beaucoup de mal avec toutes ces matières où il fallait apprendre des choses par cœur, pour le plaisir d’apprendre, genre l’histoire géo. Ce n’est pas que j’avais des mauvaises notes, mais ça m’emmerdait. J’ai jeté mes cours de philo de terminal dernièrement. Je les ai retrouvés et en fait les pages étaient remplies sur le côté avec des équations (rire). » (Denis, 41 ans, doctorat, chercheur).

« Je dirai un bon élève, ouais. Chercheur : Ça se passait bien ?

Interviewé : Ouais ça se passait bien. Avec une préférence pour les maths par rapport au français. Je n’ai jamais été très très bon en français. (…) J’ai toujours été mauvais pour tout ce qui est orthographe et grammaire, cet aspect- là. » (H6, 43 ans, Bac, auditeur en sécurité informatique et autoentrepreneur).

36 Cela est particulièrement vrai lorsque la mère occupe également une position socioprofessionnelle proche du pôle technique et scientifique, ou lorsqu’elle est plus en retrait dans la transmission des capitaux familiaux en raison d’un niveau de formation moins élevé que le père.

37 En France, l’agrégation est un concours organisé pour recruter les professeurs aux niveaux secondaire et supérieur.

Le loisir informatique est partie prenante d’un processus global de reproduction sociale. En règle générale, l’un des parents introduit l’ordinateur dans le foyer familial et cadre dans une certaine mesure les pratiques informatiques des enfants. Notons que même lorsque les deux parents ont un rapport professionnel à l’informatique, la transmission de celle-ci opère de manière genrée, du père vers le ou les fils. Nous retrouvons ici la dimension genrée des pratiques informatiques familiales mise en évidence par Laurence Le Douarin (2004, 2002). Pour le dire autrement, l’appropriation de l’ordinateur familial et la valorisation des pratiques les plus « techniques » restent un bastion masculin. Ce principe de transmission masculine ne souffre que de peu d’exceptions. Les parcours de certaines femmes ne sont pas sans faire penser à l’hypothèse du « garçon manquant » qui permet d’expliquer en partie la féminisation de la profession d’ingénieur (voir entre autres, Marry, 2004 ; cf. aussi infra). Un seul homme, Romain (23 ans, étudiant en HES38), fait état d’une transmission de la part d’une mère

informaticienne qui l’élève seule. Elle peut donc investir l’informatique familiale sans devoir concurrencer un principe masculin de socialisation. La forte dimension genrée de la pratique informatique réapparaît par la bande, lorsqu’il se sent obligé de se distancier des pratiques de sa mère, comme pour réaffirmer symboliquement les frontières entre les territoires masculin et féminin.

« C’est un peu biaisé en fait. Ma mère, elle est ingénieure en informatique. Mais en fait, je ne me suis jamais intéressé à ce qu’elle fait. Enfin, son domaine ce n’est pas du tout quelque chose qui m’intéresse. Du coup, j’ai toujours eu un ordi à la maison, accès internet, etc. Par contre, ce n’est pas elle entre guillemets qui m’a transmis cette passion, c’est un peu tout seul. » (Romain, 23 ans, étudiant en HES).

38 En Suisse, les ingénieurs diplômés peuvent être issus d'une École polytechnique fédérale (EPF) ou d'une Haute école spécialisée (HES). Les secondes proposent des formations plus applicatives et moins interdisciplinaires que les premières, et les sortants des EPF font globalement des carrières plus ascendantes, notamment vers des postes de management ou de direction (Bühlmann, 2010). Pour plus de détails, voir l’annexe 2 sur les systèmes de formation en Suisse et en France.

Pour revenir aux rapports entre loisir informatique et reproduction sociale, l’ordinateur entre le plus souvent dans le foyer familial en tant qu’outil professionnel. Il est dès lors entouré d’une aura de légitimité, voire d’un certain prestige aux yeux des enfants, à l’image de cet enquêté dont le père est architecte : « On n’avait pas le droit de toucher à son bureau et à sa grande table à dessein. Donc ça, c’était quelque chose qui était un peu magique. Et lorsqu’il a laissé justement la table à dessein pour l’ordinateur, c’était encore plus magique. En tout cas pour moi. » (H9, 41 ans, bac+5, consultant en sécurité informatique). L’un des parents accompagne généralement les premiers pas, en offrant une aide directe, ou en orientant vers du matériel pédagogique (logiciel, manuel, ouvrage). D’une part, le fait de lire des manuels ou des ouvrages dédiés à l’informatique est souvent rapporté. Il s’agit soit de littérature achetée par les parents à l’attention de leur enfant, soit de la littérature professionnelle de l’un d’eux que nos enquêtés vont chercher à s’approprier à la hauteur de leurs moyens. D’autre part, les parents peuvent fournir à leur enfant des jeux mathématiques ou des logiciels initiant à la programmation. La Tortue Logo, citée par plusieurs enquêtés, en est très un bon exemple. Le Logo est à l’origine un langage de programmation développé au MIT et conçu dans une démarche pédagogique inspirée des travaux de Jean Piaget. La Tortue Logo en est une application à destination des enfants, en vue de les initier aux concepts de l’algorithmie et plus largement aux modes de pensée mathématiques.

« C’était l’époque quand on achetait un ordinateur, on avait aussi beaucoup de bouquins qui venaient avec. » Et : « Comme mon papa faisait des plans, j’étais intéressé par le côté graphique. Donc vraiment comment faire une droite. Et entre guillemets pour les enfants, il y avait ce qu’ils appelaient la Turtle [la Tortue Logo, nda] Il fallait la lever, tourner, donc moi j’ai commencé un petit peu sur ça. » (H9, 41 ans, bac+5, consultant en sécurité informatique).

« J’ai toujours été en contact avec des ordinateurs, depuis tout petit quoi. Assez tôt mon père m’a offert un Amstrad. (…) Je pense que mon père, il m’a fait découvrir le truc. Mais il n’a jamais passé beaucoup de temps dans les détails. Mais il m’a par exemple offert des livres dans lesquels il y avait des programmes qu’on pouvait recopier. » (Denis, 41 ans, doctorat, chercheur).

« Mon père était ingénieur en électronique, déjà à l’époque, l’informatique c’était un peu…

Chercheur : Déjà dans le milieu familial.

Interviewé : Ouais. (…) Mes trucs à moi, je les faisais moi. Et puis quand ça merdait vraiment trop, c’était mon père qui venait m’aider quoi. (…) Par contre, j’avais plein de bouquins, des revues ou des bouquins de programmation Basic. Du coup si j’étais vraiment bloqué, j’avais tout le temps quelqu’un. Je pense c’est venu de là. » (H2, 36 ans, bac+5, administrateur-système).

La manière dont le loisir informatique prend forme au sein du milieu familial participe à une stratégie globale de reproduction sociale. Du fait de leur profession, les parents sont en contact avec l’informatique et sont conscients de la valeur de cette discipline montante, qui colonise et transforme de nombreuses activités professionnelles. Notons à ce propos que les ingénieurs en électronique ont vu l’arrivée de l’informatique bouleverser leur métier, menaçant d’une certaine manière de le supplanter. Même lorsque l’informatisation est perçue négativement, on peut assister à des stratégies familiales visant à guider les enfants vers ce qui est perçu comme une discipline d’avenir : « Mon père était électronicien. Je voyais l’informatique comme étant ce qui allait tuer le métier de mon père. (…) Ben lui, il avait des collègues informaticiens, mais voilà lui était totalement réfractaire. Mais c’est marrant, parce qu’il m’a quand même poussé. Et voilà, ça s’est fait comme ça. » (H6, 43 ans, Bac, auditeur en sécurité informatique et autoentrepreneur). Nous avons également rencontré plusieurs enquêtés dont le père ne travaillait pas directement dans l’informatique, mais a été un précurseur dans l’informatisation de son métier. Ainsi, deux enquêtés mentionnent un père architecte qui fut parmi les premiers à s’équiper d’ordinateurs dans leur pratique professionnelle : « J’ai eu la chance d’avoir un papa qui avait acheté une des petites tours, un des premiers ordinateurs pour son travail. » (H9, 41 ans, bac+5, consultant en sécurité informatique) ; et : « Du coup, c’était un des premiers bureaux à X qui avait un ordi en fait. » (Chris, 23 ans, maturité professionnelle, étudiant en EPF). Un autre mentionne un père ingénieur de formation qui, en tant que directeur d’une PME, s’intéresse très tôt au potentiel de l’informatique : « Ils avaient acheté les premiers ordinateurs. » (Marcus, 47 ans, doctorat, fondateur d’une TPE en sécurité informatique).

L’articulation entre loisir informatique et reproduction familiale apparaît également avec force dans des cas où la trajectoire connaît une bifurcation ou des aléas mettant temporairement en veille l’orientation vers des études scientifiques. La pratique amateur devient une ressource pour réorienter la trajectoire et renouer avec les attentes parentales. Nous le voyons chez deux enquêtés qui ont exprimé à un moment de leur parcours un intérêt pour les Lettres et la philosophie. Cet intérêt semble naître à l’école, car aucun des deux enquêtés ne mentionne dans son entourage familial une volonté de transmission d’une culture littéraire et artistique. L’un d’eux mentionne explicitement un professeur de lycée qui le marque durablement et rend subjectivement possible une réorientation vers les Lettres : « Il y a un prof de français au collège [lycée, nda], en Suisse, qui m’a donné aussi envie de faire des études. Un gars qui avait fait quasiment jusqu’à la fin de la physique à l’uni, puis qui avait changé et qui avait fait du français. Qui est un type assez brillant. » (H2, 36 ans, bac+5, administrateur-système). Les deux enquêtés partagent de plus le fait d’avoir un père ingénieur en électronique. Cela laisse supposer une socialisation familiale ambiguë qui a pu faciliter l’expression d’un projet de vie alternatif, car leur père était en toute probabilité pris entre le désir de les orienter vers une discipline d’avenir et un ressentiment vis-à-vis de l’informatisation qui bouleversait par ailleurs leur propre activité professionnelle.

Le loisir informatique maintient une forme de continuité avec l’héritage familial lors du projet de réorientation en Lettres. Il devient même une ressource centrale lorsque celui-ci montre ses limites. Chez l’un, le projet d’étudier la philosophie se heurte très rapidement à l’opposition de ses parents. Il se conforme à l’injonction parentale et décide de miser sur sa passion pour l’informatique : « Moi je voulais faire philo en fait. Mais ça a très mal passé avec mes parents. Donc finalement, je me suis dit : “Ben je vais faire de l’informatique”. » (H6, 43 ans, Bac, auditeur en sécurité informatique et autoentrepreneur). Pour l’autre, le projet de réorientation prend plus d’ampleur : il fait un Bac littéraire et suit durant deux ans des études universitaires en philosophie. Il cherche toutefois à concilier sa passion pour l’informatique avec ses études – il suit des cours en histoire et philosophie des sciences – et finit par abandonner un cursus qui lui paraît de plus en plus précaire professionnellement parlant : « J’ai fait deux ans en philo à l’uni, dans le but d’être prof de philo. Puis après j’ai vu un peu ce que c’était un prof de philo et j’ai dit : “Non.” (…) C’était un peu facile pour moi [de décider où se réorienter, nda], du coup j’ai été à l’école d’ingénieur en info. » (H2, 36 ans, bac+5, administrateur-système). Face à l’impératif de redéfinir leur projet de vie, le loisir

informatique devient une sorte d’évidence et sert à définir une nouvelle orientation objectivement et subjectivement tenable. Tous deux renouent avec les attentes parentales : après une reprise partielle39 ou complète de leurs études en informatique, ils font carrière dans le secteur du hacking éthique.

En prolongeant certains aspects de l’héritage familial (culture scientifique), le loisir informatique aide à compenser des échecs scolaires, dès lors provisoires. Nous avons rencontré deux enquêtés chez qui la pratique amateur a aidé à renouer avec les attentes familiales en termes de réussite sociale. La reproduction passe ici par un père architecte, les mères étant moins formées (assistante infirmière, CFC laborantine). Une partie des difficultés scolaires qu’ils connaissent s’explique par ce décalage au sein du contexte familial. En effet, si le père est le principal vecteur de la reproduction sociale, nous pensons qu’il est également moins présent au foyer et donc moins à même de participer activement à la transmission familiale. Nous pouvons également noter des tensions lors de l’adolescence en raison d’un investissement intensif dans une sociabilité juvénile festive pour l’un (« Je n’étais pas bien. Et puis c’était un pote à moi qui fumais des joints, donc on s’en fumait avec lui puis, après c’est un peu une spirale. ») et du rejet de l’appartenance familiale évangéliste pour l’autre (« Grosso modo, j’ai tout envoyé balader à 16 ans. »).

Ces différents facteurs se combinent et entravent en partie la bonne marche de la reproduction familiale, le premier échouant au gymnase (Chris, 23 ans, maturité professionnelle, étudiant en EPF), le second en école d’ingénieur (Téo, 46 ans, ingénieur ETS40, autoentrepreneur et chef de division). Ces échecs sont perçus comme tels par ces enquêtes ainsi que par leur famille : « Pour mon père, c’était une déception totale, parce qu’il me voyait à l’EPF. J’étais apprenti, tu vois, c’était la fin ». Et : « Pour le milieu français et ma maman qui venait d’un milieu modeste, pour elle c’était le saint Graal quoi, que son fils

39 Le premier enquêté a suivi quelques années une formation universitaire en informatique, mais il décide de l’arrêter avant son terme en raison de son faible niveau (« Je m’ennuyais pendant les études. »). Son choix est également motivé par une pratique amateur et des médiations familiales qui lui ont permis d’obtenir deux postes en parallèle de ses études. Il obtient tout d’abord un poste par l’intermédiaire de son père, dans le cadre duquel il rencontre le patron d’une société informatique qui l’embauche également (« [Cette] personne

a vu ce que je savais faire. »). Son insertion professionnelle étant déjà sur les rails, l’abandon de sa

formation supérieure ne prétérite en rien la suite de sa carrière.

40 Téo est détenteur d’un titre décerné par une École technique supérieure (ETS), une catégorie d’établissements qui a été par la suite transformée en Haute école supérieur (HES).

soit ingénieur. D’ailleurs, je pense qu’ils ont dû être très déçus que j’arrête quoi ». Mais leur pratique amateur entretient une certaine continuité vis-à-vis de l’héritage familial et permet de renouer avec la réussite. Ils s’insèrent tout d’abord dans un domaine professionnel où ils peuvent la convertir avantageusement et ainsi essayer peu à peu de renouer avec les attentes familiales. En effet, en investissant leur passion au travail, ils reconstruisent leur estime de soi, mais aussi se distinguent avantageusement et nouent des contacts avec des personnes- ressources. Le premier entretient des rapports privilégiés avec son chef et bénéficie par conséquent d’une large autonomie dans son travail : « On y trouvait notre compte. Lui, il me foutait un peu la paix pour mes petites dérives. Et puis en échange, moi je bossais bien, je faisais vraiment le boulot d’un employé ou presque à la fin d’un associé ». Ayant ainsi pu reconstruire son estime de soi après son échec, il effectue une maturité professionnelle et suit une année préparatoire permettant de rejoindre une EPF. Il y réinvestit ses capitaux familiaux avec succès : « Je pense que jusqu’à maintenant, c’était l’année où j’ai le plus bossé pour réussir (rire). » Le second établit dans son travail des rapports privilégiés avec des ingénieurs EPF, rapports qui vont dans un second temps l’inciter à suivre une formation d’ingénieur en cours du soir.

« Je faisais vite mon boulot. Après j’allais vite programmer et puis leur [des ingénieurs EPF, nda] montrer : “Voilà ce qu’on pourrait faire avec le microprocesseur”. C’est là que j’ai eu certaines affinités. Il s’est créé des liens assez forts avec certaines personnes. Et puis, à ce moment-là, j’ai décidé de commencer une école du soir. Alors j’ai fait trois ans en informatique, pour avoir le titre ETS. »

Qu’il s’agisse de parcours exemplaires ou connaissant un échec provisoire, nous voyons bien que la pratique informatique amateur s’inscrit dans le prolongement du processus de reproduction familiale. Mais il ne s’agit pas du seul cas de figure observé. En effet, nous avons également rencontré des individus connaissant des mobilités ascendantes ou horizontales, pour lesquelles le loisir informatique joue un rôle central. Commençons par nous intéresser aux premiers.

1.2. Une ascension sociale entre médiations scolaires et soutien parental

Nous avons rencontré des hackers ayant connu une promotion sociale par l’école. Dans certains cas, il s’agit d’une ascension en demi-teinte, où la pratique amateur ne s’articule pas avec la culture scolaire, voire pèse négativement sur la mobilité sociale. Nous en analyserons plus en détail les tenants et aboutissants dans le prochain chapitre. Par analogie avec les trajectoires des héritiers, les mobilités ascendantes les plus solides reposent sur une