• Aucun résultat trouvé

Configuration à deux faisceaux : mesure simultanée des corrélations 66

2.4 Dynamique de la polarisation des condensats de polaritons

2.4.2 Configuration à deux faisceaux : mesure simultanée des corrélations 66

Notre expérience dans la mesure de la statistique de l’émission des polaritons avec une résolution temporelle de l’ordre de la picoseconde [section 2.2.3] est mise à profit pour mesurer la polarisation en mode "single shot" avec une résolution temporelle d’environ 4 ps.

Le nombre de photons détectés par la caméra streak pour chaque réalisation expéri-mentale est de l’ordre de 1 par impulsion laser. L’intensité de l’émission est donc trop faible pour nous permettre de mesurer directement la dynamique de l’émission provo-quée par chaque impulsion laser. Pour étudier l’évolution dans le temps de la polarisation de l’émission des polaritons, nous devons mesurer la fonction d’autocorrélation gXX(2) (t,τ ) pour chaque direction de la polarisation. Pour une mesure plus fiable de la statistique de l’émission polarisée, nous avons amélioré la technique implémentée pendant la thèse de V. Sala dans le but de mesurer les corrélations croisées gXY(2) (t,τ ) entre deux polarisations orthogonales. V H Single shot

t

(ps

)

0 600

τ

τ

τ'

𝑔

𝐻𝐻(2)

𝑔

𝑉𝑉(2)

𝑔

𝑉𝐻(2) PBS λ/4 λ/2 Sphère de Poincaré Verticale Horizontale Diagonale Circulaire Droite Antidiagonale Circulaire Gauche θ φ

(a)

(c)

(b)

Figure 2.15 – (a) Schéma du setup expérimental et images prises avec la caméra streak en intégrant 5 × 109 impulsions. (b) Émission mesurée en fonction de temps dans le mode "single shot" de la caméra streak et en fonction des paramètres de Stokes. (c) Schéma de la sphère de Poincaré.

L’émission est maintenant sélectionnée en polarisation le long des six axes de Stokes de la polarisation [Fig. 2.15(c)] grâce à l’utilisation de lames d’onde λ/4 et λ/2 avec un cube

séparateur polarisant. Les photons émis sont séparés dans deux faisceaux de polarisations orthogonales, imagés simultanément sur deux positions de la fente à l’entrée de la caméra streak [Fig. 2.15(a)]. Cette séparation spatiale nous permet de reconstruire simultanément la fonction d’autocorrélation de chaque polarisation en comptant les photons séparés d’un temps τ appartenant à la même trace et les corrélations croisées en comptant les photons séparés d’un temps τ0 appartenant à deux traces adjacentes liées à la même impulsion [Fig. 2.15(b)]. L’intensité totale émise en fonction du temps peut aussi être retrouvée en additionnant le signal des deux polarisations orthogonales.

Nous avons donc besoin d’effectuer trois mesures dans chacune des trois bases de pola-risation pour effectuer une caractépola-risation complète de la statistique de l’émission polari-sée, comprenant l’autocorrélation de chaque polarisation et les corrélations croisées entre chaque polarisation orthogonale.

Ce dispositif expérimental en impulsions uniques nous permet d’étudier la polarisation initiale du laser à polaritons et sa dynamique dans le temps. Pour cela, nous divisons l’émission en deux faisceaux de polarisations orthogonales qui sont séparés spatialement sur la caméra streak, comme évoqué précédemment [Fig. 2.15(b)]. La détection conditionnelle d’un photon dans la polarisation Y à t + τ sachant qu’un précédent photon de polarisation opposée X a été détecté à t permet de reconstruire la fonction de corrélations croisées suivante :

g(2)XY(t,τ ) =aX(t)ˆaY(t + τ )ˆaY(t + τ )ˆaX(t)i

aX(t)ˆaX(t)ihˆaY(t + τ )ˆaY(t + τ )i, (2.3) où X et Y représentent la polarisation de détection horizontale (H) et verticale (V), ou diagonale (D) et antidiagonal (A), ou encore circulaire gauche (L) et circulaire droit (D).

2.4.3 Initialisation de la polarisation

La fonction d’auto-corrélation à délai nul gXX(2) (t,0) est déterminée par la probabilité du système d’amorcer l’effet laser dans une polarisation donnée X. Dans le cas d’une distribution de probabilité initiale totalement aléatoire, une valeur de gXX(2) (t,0) = 1,33 est attendue pour chaque polarisation. En revanche si l’émission est polarisée linéairement (et jamais circulairement) comme suggéré dans la référence [139], on attend gXX(2) (t,0) = 1,5 pour toute polarisation linéaire et g(2)XX(t,0) = 1 pour une polarisation circulaire.

Pour tester ces deux hypothèses, regardons les mesures effectuées sur le micropilier. Les valeurs de gXX(2) (tmax,0) mesurées pour le micropilier de 3 µm à P = 5Pthsont montrées dans la Fig. 2.16 (barres pleines) pour chaque axe de polarisation. Tout d’abord, gLL/RR(2) (tmax,0)

est plus grand que 1 dans la polarisation circulaire, ce qui montre que la distribution de polarisation n’est pas exclusivement linéaire et que le système a une probabilité non nulle d’amorcer l’effet laser avec une polarisation circulaire. Ensuite, la forte disparité entre les polarisations horizontale et verticale montre qu’une polarisation initiale verticale est plus probable, ce qui confirme une levée de dégénérescence de la polarisation le long de l’axe cristallin de l’échantillon.

Les valeurs de g(2)XX(tmax,0) sont qualitativement reproduites dans la Fig. 2.16 (barres

1.69 1.12 1.15 1.12 1.28 1.28

g

XX 2

t

max

,0

1.33 0 0.5 1 1.5 H V D A L R Expérience Théorie

Figure 2.16 – Valeurs expérimentales (barres pleines) et théoriques (barres hachurées) de la fonction d’autocorrélation à τ = 0 dans les polarisations du micropilier horizontale-verticale (rouge), diagonale-antidiagonale (bleu) et circulaire (vert) à P = 5Pth (issues de l’enregistrement de 250000 impulsions). Les valeurs théoriques sont obtenues en ajustant un unique paramètre ∆ = 1,4. Les barres d’erreur sont montrées au-dessus de chaque barre.

Nous utilisons une description statistique de la polarisation initiale dans la sphère de Poincaré [Fig. 2.15(c)]. Les états propres du système sont caractérisés par la séparation en énergie des états polarisés le long de l’axe vertical (|V i)/horizontal (|Hi). Un état de laser à polaritons peut être écrit de manière générale :

|ψi = A

"

cos θ(t) 2

!

|V i + expiφ(t)sin θ(t) 2

!

|Hi

#

(2.4)

où θ(t) et φ(t) sont, respectivement, les angles polaire et azimutal de la sphère de Poincaré [Fig. 2.15(c)], et A est une constante de normalisation. φ = 0 correspond à une polarisation linéaire le long de l’axe déterminé par θ. Quand nous sélectionnons la polarisation dans nos mesures, la fonction d’onde est projetée sur l’état de la polarisation de détection : |Deti = cos(α

2)|V i + expsin(α

2)|Hi ; paramétré par α et β, qui prennent en compte la position des lames d’onde λ/2 and λ/4. En particulier, la polarisation sélectionnée est linéaire si β = 0 et circulaire si β = ±π/2. L’intensité mesurée par le détecteur est alors :

I(α,β,θ,φ) = |hDet|ψi|2, et la fonction d’auto-corrélation mesurée est donnée par :

g(2)(t,τ ) = hI[α,β,θ(t + τ ),φ(t + τ )]I[α,β,θ(t),φ(t)]i

hI[α,β,θ(t + τ ),φ(t + τ )]ihI[α,β,θ(t),φ(t)]i (2.5)

On peut reproduire les résultats expérimentaux pour la polarisation initiale du laser à polaritons montrés en Fig. 2.16 grâce à la distribution de probabilité normalisée suivante :

pinit(θ) = sin θ

sinh ∆ × exp(∆ cos(θ)). (2.6)

Cette distribution est choisie de façon arbitraire et favorise la formation du laser à pola-ritons dans la polarisation verticale plutôt que horizontale pour des valeurs de ∆ > 0 et

elle suppose une probabilité égale pour les composantes D, A, L ou R de la polarisation initiale. ∆ caractérise la force du biais favorisant la polarisation verticale.

À partir de cette distribution de probabilité, nous pouvons calculer l’intensité initiale le long de l’axe du détecteur donné par α et β :

hIinit[α,β]i = Z π 0 Z π 0 dφ pinit(θ)I(α,β,θ,φ) (2.7)

Nous obtenons de la même façon le numérateur de l’équation (2.5), ce qui nous donne une expression analytique pour la valeur de la fonction d’auto-corrélation mesurée à délai nul :

g(2)(τ = 0,α,β) = (∆

2 + 3) cos(2α) − 4∆ cos(α) + ∆ coth(∆)[4∆ cos(α) − 3 cos(2α) − 1] + 3∆2+ 1 2∆2cos(α) + cos(α) coth(∆) + 12

(2.8) La fonction d’auto-corrélation à délai nul [Eq. (2.8)] dépend de α (le choix de la po-larisation détectée) et de ∆. Dans l’expérience montrée en Fig. 2.16, nous ne mesurons pas g(2)(τ = 0) à t = 0 mais à tmax, quelques dizaines de picosecondes après l’établisse-ment de l’effet laser. Nous avons vérifié que nos résultats expéril’établisse-mentaux ne changent pas sensiblement pour t < tmax. Les valeurs mesurées de g(2)(tmax,τ = 0) pour tous les axes

de polarisation sont qualitativement reproduites avec un unique paramètre d’ajustement ∆ = 1.4, comme montré dans la Fig. 2.16. Cette valeur de ∆ nous donnent une probabi-lité 4,5 fois plus importante pour l’état initial d’avoir une polarisation verticale V (état initial contenu dans l’hémisphère supérieur de la sphère de Poincaré, Fig. 2.15(c)) plutôt que horizontale H (état initial contenu dans l’hémisphère inférieur de la sphère de Poin-caré). En revanche, les chances d’obtenir les polarisations D, A, L ou R sont identiques. Notons que la plus faible probabilité d’amorcer l’effet laser dans la polarisation H aboutit à une augmentation de gHH(2) (tmax,0) par rapport à g(2)V V(tmax,0). Les plus faibles valeurs de g(2)(tmax,0) pour D et A dans l’expérience suggèrent que les probabilités respectives de D

et A doivent être plus élevées que celles de L et R.

Ces résultats montrent que malgré la présence d’une séparation intrinsèque des états polarisés qui favorise l’effet laser le long d’un des états propres de la polarisation (V dans notre cas), la polarisation initiale de l’émission présente un caractère stochastique et peut avoir lieu dans tout état de polarisation. Cela prouve que notre système est hors équilibre et que l’effet laser se déclenche plus rapidement que le temps nécessaire pour atteindre un équilibre thermodynamique, qui entraînerait alors une émission toujours polarisée V . Ce temps est de l’ordre de ~/∆V H, où ∆V H est la séparation d’énergie intrinsèque entre les états de polarisation V et H. Nous montrerons dans la suite que des résultats similaires sont obtenus dans la microcavité planaire.