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1.5 Condensation sous excitation non-résonante

1.5.1 Condensation

Lors d’une excitation non-résonante, ce processus de condensation est caractérisé par une augmentation importante et non-linéaire de l’émission avec apparition d’une cohérence spontanée. Ce nouveau mécanisme d’émission de lumière cohérente, sans inversion de po-pulation, a d’abord été nommé boser, puis laser à polaritons ou condensat de polaritons.

Expérimentalement, à faible puissance, le mécanisme de relaxation vers la branche basse des polaritons est dominé par l’émission de phonons acoustiques. Celui-ci doit être plus efficace que les pertes dues à la partie photonique des polaritons (échappement de la cavité), afin d’atteindre le facteur d’occupation de 1 nécessaire au déclenchement de la stimulation bosonique [64].

L’excitation non-résonante consiste à injecter des paires électron-trou à une énergie plus élevée que celle de la branche basse des polaritons, correspondant souvent au premier creux de réflectivité de plus haute énergie dans les miroirs de Bragg [Fig. 1.9(b)].

Des paires électron-trou sont générées dans les puits quantiques et relaxent par émission de phonons optiques et acoustiques vers la région excitonique plate de la dispersion des polaritons [Fig. 1.9(a)], créant ainsi un réservoir d’excitons [54, 65]. À partir de ce réservoir, la relaxation par émission de phonons acoustiques vers le bas de la branche basse des polaritons est très inefficace. En effet, la dispersion des phonons acoustiques est trop faible pour conserver l’énergie et k

. L’énergie perdue par le polariton lors de la relaxation est donc majoritairement absorbée par la composante selon z du phonon. L’énergie du phonon est cependant limitée par une coupure dans le vecteur d’onde qz du phonon qui impose au taux de relaxation une diminution exponentielle. Cet effet empêche une relaxation efficace des polaritons vers k

= 0 et conduit à l’apparition d’un goulet d’étranglement de la relaxation des polaritons [66, 67].

Figure 1.9 – Schéma de la relaxation des polaritons vers le bas de la branche basse des polaritons (LP). Les excitons sont créés à haute énergie par une excitation non-résonante. Ils thermalisent en interagissant avec les phonons, puis la compétition entre la diffusion par phonon acoustique et la dissipation peut empêcher le système de thermaliser dans le bas de la branche LP. Figure extraite de [52].

Ce système est donc fortement hors équilibre. La population s’accumule dans le réservoir excitonique, formé par les états de grands vecteurs d’onde, pendant que la population dans le bas de la branche basse est déterminée par l’équilibre entre le taux de relaxation depuis le réservoir et les pertes par échappement du photon.

La dynamique de la relaxation est influencée par de nombreux facteurs, notamment les interactions avec des électrons libres [68, 69] et les collisions polariton-polariton [70]. Ce dernier facteur indique que la relaxation peut être accélérée par l’augmentation de la densité d’excitation, tout en maintenant la densité d’excitons en dessous de la densité de Mott afin d’empêcher la transition vers le couplage faible.

La première observation expérimentale d’un laser à polariton a été obtenue par L. S. Dang [71] puis confirmée par les travaux de J. Kasprzak dans une cavité CdTe [8, 72] [Fig. 1.10]. Grâce à la forte énergie de liaison des excitons dans le CdTe (Eb ∼ 25 meV, donnant une densité de Mott dix fois plus élevée que dans le GaAs) et à une relaxation par les phonons optiques et acoustiques plus efficace (par rapport au GaAs), la condensation est possible même avec des temps de vie très faible (Q ∼ 7000). Les auteurs mesurent une forte émission non-linéaire de l’état k = 0 de la branche basse des polaritons, associée à l’apparition d’une grande cohérence spatiale et temporelle. L’utilisation de matériaux possédant une énergie de liaison des excitons encore plus forte, tels que le GaN (Eb30 meV) [12, 73] ou le ZnO (Eb ∼ 70 meV) [13, 14] a permis l’observation du laser à polaritons à température ambiante.

Le goulet d’étranglement de la relaxation a d’abord empêché l’observation de la conden-sation des polaritons dans les cavités GaAs. En 2002, R. Butté a montré qu’en augmentant la puissance d’excitation dans une microcavité GaAs contenant 6 puits quantiques

d’In-(a)

(b)

Figure 1.10 – (a) Émission en champ lointain résolue en angle (kx, ky) pour trois intensités d’excitation croissantes (0,55Pth, 1Pth, 1,14Pth). (b) Mesures identiques résolues en énergie et en vecteur d’onde. Figures extraites de [8].

GaAs, le système entre dans le régime de couplage faible et un laser conventionnel est observé [52]. Différentes techniques ont été implémentées pour optimiser le mécanisme de relaxation dans les échantillons GaAs et surmonter le goulet d’étranglement. Le pompage de la cavité à l’énergie du réservoir excitonique a permis au groupe de Y. Yamamoto de diminuer la densité de charges libres qui contribuent à écranter les excitons et d’observer la condensation [74]. Grâce à un confinement spatial induit par des contraintes mécaniques, le groupe de D. Snoke a pu améliorer l’efficacité de la relaxation des polaritons et observer une émission fortement non-linéaire des états de polaritons [10].

Dans notre groupe au C2N, dirigé par J. Bloch, l’approche consiste à utiliser plusieurs puits quantiques avec une cavité de très grand facteur de qualité. En utilisant 12 puits quantiques, il a été possible d’augmenter le nombre total d’excitons dans la cavité avant d’atteindre la densité de Mott, ce qui a permis d’améliorer grandement l’efficacité de la relaxation par collisions polariton-polariton. De plus, un facteur de qualité nominal très élevé a permis de diminuer les pertes radiatives et donc de favoriser la relaxation.

En utilisant ces nouveaux échantillons, D. Bajoni montra en 2008 la condensation des polaritons dans les modes discrets d’un micropilier [11] et E. Wertz démontra en 2009

la condensation des polaritons dans l’état k = 0 d’une cavité planaire [24]. Différentes géométries pour la cavité ont aussi été étudiées comme des micropiliers couplés [75] ou des fils [25, 76]. L’étude des systèmes de dimensionnalité réduite sera abordée plus loin dans ce chapitre.