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Nous présenterons dans cette section notre capacité à réaliser différents réseaux uni-dimensionnels pour polaritons en s’appuyant sur la gravure de microcavité planaire. En modulant la largeur d’un microfil sur sa longueur, il est possible de créer un potentiel effectif pour les polaritons qui engendre de nouvelles propriétés et fonctionnalités de la microstructure.

Pour illustrer les possibilités apportées par l’ingénierie du potentiel effectif ressenti par les polaritons, nous évoquerons deux exemples : les fils modulés périodiquement [26] et la diode tunnel résonante [29], réalisés au LPN par Dimitrii Tanese et Hai-Son Nguyen respectivement. Leurs résultats étant à la base du principe de fonctionnement du routeur à polaritons, nous les présentons brièvement ci-dessous.

3.2.1 Fils modulés périodiquement

Un des premiers réseaux unidimensionnels étudié au LPN fut donc le fil modulé pé-riodiquement, revisitant les bases de la physique du solide par le biais des polaritons de cavité.

Considérons une particule de masse mp dans le potentiel carré périodique unidimen-sionnel V (x) montré sur la figure 3.1, de période P et d’amplitude V0.

L’hamiltonien correspondant à ce problème s’écrit :

ˆ

H = pˆ 2

2mp + V (ˆx) avec V (x + P ) = V (x) (3.1)

Le théorème de Bloch s’applique dans ce cas et les états propres de l’hamiltonien ˆH peuvent

alors s’écrire :

Ψk(x) = eikxuk(x) (3.2)

où uk(x) est une fonction périodique de période P qui satisfait l’équation de Schrödinger : ˆ

Hkuk(x) = E(k)uk(x) avec ˆHk= p + ~k)2

2m + V (ˆx) (3.3)

Dans l’espace des pseudo-moments k, l’état de Bloch Ψk(x) est défini au vecteur du réseau réciproque K = 2π/P près. Toutes les solutions sont contenues dans l’intervalle de −π/P à π/P , appelé première zone de Brillouin. Pour chaque k, plusieurs valeurs de l’énergie sont autorisées et peuvent être regroupées sous la forme de fonctions périodiques En(k) de période 2π/P . Ces dispersions donnent la structure de bande du réseau et En(k) est la n-ième bande d’énergie. Selon le potentiel étudié, certaines plages d’énergie peuvent se trouver sans solution et sont appelées bandes d’énergie interdite. Ces résultats sont valables pour tout potentiel périodique, mais nous nous intéresserons ici au cas particulier du potentiel carré périodique, pour lequel il est possible de calculer numériquement la structure de bande grâce au modèle de Kroenig-Penney [167]. En effet, pour notre potentiel [Fig. 3.1], la solution sur chaque site 1 et 2 est une combinaison d’ondes planes de la forme

Aeiαx+ Be−iαx et Ceiβx+ De−iβx, avec α = (2mE)1/2

~ et β = [2m(V0−E)]1/2 ~ .

1 2 1 2 1

𝐴𝑒𝑖𝛼𝑥 + 𝐵𝑒−𝑖𝛼𝑥 𝐶𝑒𝑖𝛽𝑥+ 𝐷𝑒−𝑖𝛽𝑥

E

x

P

V

0

0

Figure 3.1 – Représentation schématique du puit de potentiel carré.

En imposant la continuité aux interfaces pour des fonctions d’onde de la forme (3.2) ainsi que pour leur dérivée, il est possible de calculer numériquement la structure de bande du réseau ainsi que leurs éventuelles bandes d’énergie interdite.

k (µm-1) E ( me V ) k (µm-1) k (µm-1) n=1 n=1 n=1 n=2 n=3 n=3 n=3 n=2 n=2 V0 = 0 meV P = 2,6 µm V0 = 0,45 meV P = 2,6 µm V0 = 2 meV P = 2,6 µm 0 1 0 1 2 3 4 5 6 0 1 0 1 2 3 4 5 6 0 1 0 1 2 3 4 5 6 (a) (b) (c)

Figure 3.2 – (a-c) Structure de bande d’un potentiel carré périodique calculée à partir du modèle de Kroenig-Penney pour mp = 5,7 × 10−5me, P = 2,6 µm et (a) V0 = 0 meV ,(b) 0,45 meV,(c) 2 meV.

Sur la figure 3.2, les résultats de ces calculs sont obtenus en faisant varier uniquement la hauteur du potentiel V0 et en gardant constants la masse des polaritons mp et la période du réseau P . Dans chaque cas, plusieurs bandes d’indice n apparaissent. Pour V0 = 0 meV, nous retrouvons la dispersion d’une particule libre [Fig. 3.2(a)], tandis que pour des hau-teurs de potentiel V0 non nulles [Figs. 3.2(b,c)], des bandes d’énergie interdite de largeur croissante avec V0 apparaissent au bord de la zone de Brillouin. Les caractéristiques du réseau sont donc déterminées par l’amplitude du potentiel V0 déterminant la largeur des bandes d’énergie interdite, ainsi que par la période P déterminant la taille de la zone de Brillouin kB = π/P et par conséquent l’énergie à laquelle apparaissent ces bandes d’éner-gies interdites. Le choix de ces paramètres sera donc critique pour la réalisation de notre dispositif.

Pendant sa thèse, Dimitrii Tanese a étudié la condensation des polaritons dans ce type de réseaux et a pu montrer que le condensat de polariton s’établit à l’intérieur de la bande d’énergie interdite et forme des solitons de gap [26].

Pour notre cas, nous resterons en régime d’excitation linéaire et nous nous attacherons à choisir précisément les paramètres du réseau pour obtenir la configuration voulue pour notre dispositif.

3.2.2 Diode tunnel résonante

Le second dispositif que nous voulons décrire et qui exploite également l’ingénierie du potentiel effectif est la diode tunnel résonante réalisée par Hai-Son Nguyen au LPN.

[Fig. 3.4(a)]. La variation de la largeur du fil autour de l’îlot [Fig. 3.4(b)] correspond à une variation du potentiel effectif pour les polaritons montrée Fig. 3.4(c) : une double barrière de potentiel est réalisée autour de l’îlot. Dans l’îlot, les polaritons sont confinés dans toutes les directions et des états discrets apparaissent [Fig. 3.4(c)]. Un flux de polaritons est injecté par excitation résonante dans un des fils avec une énergie bien définie. Si l’énergie des polaritons est résonante avec l’énergie d’un état de l’îlot, les polaritons sont transmis au travers de la double barrière de potentiel. Si ce n’est pas le cas, le flux de polaritons est réfléchi par la barrière de potentiel.

S1 S2 S3

Figure 3.3 – (a) Image au microscope électronique à balayage (MEB) d’un dispositif ; (b) Schéma représentant la géométrie du dispositif observé ; (c) Potentiel simulé le long du fil autour de la région de l’îlot correspondant à (b). Les états confinés dans l’îlot sont indiqués en rouge.

Figure 3.4 – (a) Énergie de l’état confiné en fonction de la puissance du laser de contrôle ; (b) Transmission tunnel en fonction de l’augmentation d’énergie de l’état confiné ; (c-e) Émission résolue spatialement pour différentes valeurs de la puissance du laser de contrôle ; (f-h) Intensité intégrée correspondante à (c-e) (bleu) et schéma du potentiel (rouge).

Un laser de contrôle est utilisé pour modifier l’énergie des états confinés dans l’îlot. Il injecte une population d’excitons dans le réservoir qui interagissent de façon répulsive avec les polaritons et introduisent un décalage vers le bleu de l’énergie des états confinés. La population du réservoir excitonique est proportionnelle à la puissance du laser de contrôle

Pgateet l’énergie des états confinés peut être modifiée continûment sur 0,7 meV [Fig. 3.4(a)]. La valeur de la transmission au travers du dispositif est mesurée en fonction du décalage

vers le bleu ∆E de S1 [Fig. 3.4(b)]. La transmission est maximale pour ∆E = 111 µeV, quand le flux de polaritons incident est résonant avec S1, et est nulle dans le cas contraire. Ce résultat est illustré par l’émission résolue spatialement [Figs. 3.4(c-e)] et l’émission intégrée [Fig. 3.4(f-h)] pour différentes valeurs de l’énergie de S1. Grâce au contrôle de l’énergie des états confinés, il est donc possible d’autoriser [Figs. 3.4(d,g)] ou d’inhiber la transmission à travers la structure [Figs. 3.4(c,e,f,g)].

3.2.3 Proposition théorique

En 2013, H. Flayac et I. G. Savenko [42] proposèrent un dispositif permettant de contrô-ler la direction de propagation d’un flux de polaritons, appelé routeur à polariton. Le dis-positif s’inspire des résultats mentionnés précédemment. En effet, le dessin de la structure est similaire à celui de la diode tunnel résonante : un îlot est connecté par des constrictions à deux fils, dont la largeur est modulée périodiquement. Cela permet d’ouvrir des bandes d’énergie interdite, empêchant ainsi la propagation de polaritons dans les fils pour certaines plages d’énergie. Le fonctionnement de la structure repose donc sur ces deux propriétés essentielles : la présence d’états confinés dans l’îlot dont il est possible de contrôler l’énergie et l’ouverture de bandes d’énergie interdite dans les fils modulés périodiquement.

(a)

(b)

(c) (d)

Figure 3.5 – (a) Schéma du dispositif asymétrique permettant d’aiguiller les polaritons. (b) Valeur du potentiel correspondant à (a). (c-d) Emission du dispositif résolue en espace et en énergie pour l’énergie de l’îlot ES1 = 0,5 meV (c) et ES10 = 0,7 meV (d). Figures extraites de [42].

Dans le dessin de la proposition théorique, les paramètres de chaque fil modulé sont choisis de telle sorte que les bandes d’énergie interdite de chaque fil soient décalées en énergie [Fig. 3.5(a-b)]. Le fonctionnement du routeur repose sur l’injection de polaritons

dans l’îlot de manière non résonante. À l’aide du réservoir excitonique créé, l’énergie de l’état confiné dans l’îlot S1 est modifiée de ES1 = 0,5meV [Fig. 3.5(c)] à ES10 = 0,7meV [Fig. 3.5(d)]. Sur la Fig. 3.5(c), l’énergie de l’état confiné ES1 est plus faible que la bande d’énergie la plus basse du fil de droite et les polaritons ne peuvent propager que dans le fil de gauche. En revanche, sur la Fig. 3.5(d), l’énergie de l’état confiné ES10 est au niveau de la bande d’énergie interdite du fil de gauche et la propagation des polaritons n’est possible que dans le fil de droite.

Ainsi en contrôlant l’énergie de l’îlot on peut aiguiller les polaritons vers le fil de gauche ou de droite. Nous en avons entrepris l’implémentation expérimentale en exploitant le savoir-faire acquis dans l’équipe grâce aux précédents travaux de Dimitrii Tanese et Hai-Son Nguyen. Ce routeur à polariton est un nouvel élément qui permet, combiné à d’autres dispositifs, la création de circuits polaritoniques aux fonctionnalités variées.