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3.3 Modèle thermique monodimensionnel du lit fluidisé

3.3.2 La conduction vive du lit fluidisé

Dans ce modèle, le choix a donc été fait de représenter l’homogénéisation thermique du lit fluidisé par un terme de conduction λlit. Dans les lits fluidisés, l’homogénéisation verticale en température est principalement liée à la dynamique des bulles. A grande échelle, c’est le mouvement ascendant louvoyant des bulles qui crée les courants de mélange du lit. A petite échelle, le mélange a lieu dans le nuage tourbillonnant de particules accompagnant les bulles dans leur ascension (cf fig. 3.6).

Figure 3.6 – Mécanismes d’homogénéisation thermiques liés aux bulles, d’après citeFluidiza- tionEngineering

Dans un lit fluidisé, le transfert de chaleur est beaucoup plus effectif verticalement qu’ho- rizontalement. Cette différence peut atteindre des facteurs de 100 sur le terme de conduction vive. Ici, nous parlerons majoritairement de conductivité apparente verticale car c’est celle qui nous intéresse dans notre modèle 1D représentant l’évolution verticale de la température.

Dans un lit fluidisé dont la section est large, contenant des particules de faible diamètre (classe A de Geldart, cf. Annexe A) et dont le nombre de fluidisation est proche de l’unité, l’approximation de conductivité apparente est excellente car le lit fluidisé est mélangé à petite échelle par une multitude de petites bulles. Par contre, pour les lits fluidisés de particules de classe B, de faible section et à vitesse importante, ce qui est notre cas, l’approximation est moins bonne et certaines précautions doivent être prises afin de calculer un terme de conduction le plus représentatif possible.

D’après nos observations, le terme de conduction apparente est différent que l’on se trouve dans les zones inférieures du lit (zones 1 et 2) ou supérieures (zone 3). La conductivité équiva- lente du lit fluidisé λlit est donc définie de manière différente selon la zone du lit fluidisé dans laquelle on se trouve.

L’interface qui sépare la zone du ciel au reste du lit est positionnée en fonction de la hauteur moyenne du lit fluidisé mesurée expérimentalement et du diamètre de bulle. Le détail des choix du coefficient de conduction des deux zones ainsi que du positionnement de l’interface est explicité ci-dessous.

Conduction apparente dans les zones inférieures du lit, zone 1 et 2

Dans les zones inférieures 1 et 2, la valeur de la conductivité est très importante, d’où le palier à température constante pour les particules que l’on constate sur les champs de température expérimentaux.

Dans la littérature, il est très difficile de trouver une relation donnant directement la conduc- tivité apparente d’un lit fluidisé. Mais le transport de chaleur étant une conséquence directe du transport de particules, de nombreux travaux comme [61] et [62] assimilent la diffusivité thermique à la diffusivité massique. Avec une telle hypothèse, on peut donc estimer le terme de conductivité moyen du lit par :

λlit,moy = ρpCppDm λlit,x=

λlit,moyFV(x)

FV,moy

(3.3)

avec Dm la diffusivité massique, FV(x) la fraction volumique de particules dans le lit 1D et

FV,moy la fraction volumique moyenne du lit entier.

Quand on cherche une corrélation pour représenter ce terme de diffusivité massique, et que l’on étudie et compare les corrélations empiriques fournies par cette littérature, on trouve une multitude de corrélation pouvant mener à des résultats différents d’un facteur 5. En fait, chaque corrélation n’est effectivement applicable que pour un lit fluidisé très proche de celui utilisé par le groupe de recherche ayant développé la relation en question. Les revues scientifiques [63], [64] et [65] présentent un aperçu des multiples corrélations existantes. La plupart de ces modèles, pour les lits fluidisés bouillonnants, relient le phénomène de diffusion à des schématisations des flux de particules dans les lits fluidisés. Un exemple simple de modèle de circulation de solide est le modèle à contre-courant (cf fig. 3.7).

Dans le modèle à contre-courant, il y a deux flux de particules (vers le haut et vers le bas) couplés par un terme d’échange. Ce genre de modèle demande une connaissance de l’écoulement dans le lit fluidisé, notamment des propriétés des bulles (vitesse, taille, etc) afin de renseigner le débit des flux et le coefficient d’échange entre les phases. Le modèle de circulation est ensuite relié à un modèle de type diffusion et un coefficient de diffusion moyen du lit est calculé. Mais devant la difficulté de trouver le modèle et la corrélation adaptés à notre lit fluidisé spécifique, la diffusivité thermique de notre lit fluidisé est d’abord définie par simulation numérique sans passer par un modèle de circulation ni une modélisation théorique des propriétés des bulles.

Figure 3.7 – Modèle de circulation de solide à contre-courant dans un lit fluidisé bouillonnant En effet, la diffusivité massique d’un lit fluidisé peut être définie expérimentalement en intro- duisant brusquement une certaine masse de particules de couleurs différentes mais de proprié- tés physiques similaires dans un lit fluidisé de particules déjà établi. Ces corpuscules diffusent rapidement dans le lit qui devient rapidement de couleur homogène. Le temps écoulé entre l’introduction des particules et l’homogénéisation permet de définir ce coefficient de diffusion turbulente par la relation :

Dm =

L2

(3.4)

avec L la longueur caractéristique du lit fluidisé et τ le temps nécessaire à l’établissement de l’homogénéité.

Dans nos travaux, cette expérience est reproduite par une simulation numérique de la dy- namique du lit fluidisé dans lequel une certaine masse de particules est marquée à un instant t, puis le temps caractéristique est relevé une fois l’homogénéité atteinte. Les paramètres de cette simulation numérique sont définis dans le chapitre 5.

Parallèlement, le terme de diffusivité a aussi été calculé par les différentes corrélations dis- ponibles dans la littérature, ce qui a permis de confirmer que l’ordre de grandeur est respecté. De plus, il a été constaté que le modèle est très peu sensible à ce terme et que tous les ré- sultats théoriques obtenus par différentes corrélations donnent des conductivités équivalentes supérieures à 10 000 W.m2.K−1 et donc des champs de température constants dans les zones

inférieures du récepteur.

Conduction apparente dans le ciel du lit, zone 3

Dans la zone du ciel, les transferts thermiques ne sont pas aussi vigoureux que dans les zones inférieures, d’où la présence d’un fort gradient thermique constaté expérimentalement dans la bibliographie citée précédemment. Le phénomène thermique d’homogénéisation étant

différent dans le ciel du lit, la conductivité apparente du ciel ne peut pas être définie suivant la même méthode. Dans le ciel du lit, les transferts thermiques ne sont plus pilotés par le brassage turbulent vertical du lit engendré par les bulles. Dans cette zone, les modèles comme le modèle à contre-courant ne sont donc plus représentatifs du milieu. Dans la littérature parcourue, nous n’avons pas trouvé de corrélation permettant de calculer une conduction apparente spécifique à la région de ciel de lit. Les corrélations présentent toujours un calcul global sur l’ensemble du lit fluidisé.

Pour comprendre pourquoi la thermique du lit fluidisé est différente dans le ciel du lit, nous avons d’abord analysé de manière qualitative la dynamique des particules dans le ciel de lit sur des simulations numériques (protocole décrit dans le chapitre 5). Dans le ciel de lit, on trouve globalement des vitesses de particules montantes et descendantes élevées, supérieures à la vitesse de fluidisation. Dans la zone du cœur de la colonne, on trouve un flux de particules ascendantes entraînées par des bulles dont la taille est proche de celle de la colonne. Ces particules retombent ensuite vers le fond du lit dans une zone annulaire étroite et proche des parois. La concentration de particules dans la zone annulaire est supérieure à la concentration des particules montantes, mais en moyenne, pour chaque tranche de lit, le débit de particules montantes et descendantes est le même une fois le régime permanent établi.

Nous avons cherché à trouver quel est le phénomène pilotant les transferts thermiques dans cette zone. Sur les simulations numériques de l’écoulement des particules de notre lit fluidisé à changement de section, nous avons constaté deux flux de particules. A priori, ces flux de directions opposées devraient homogénéiser efficacement la température dans la partie haute du lit. Mais le fort gradient de température mesuré par expérience démontre le contraire. Si la chaleur n’est pas évacuée du haut du lit (zone d’absorption de l’énergie solaire) vers le bas, c’est probablement parce qu’en moyenne, le rayonnement est plus absorbé par des particules montantes que des particules descendantes. En effet, il n’est pas illogique de penser que le rayonnement soit d’abord absorbé par le nuage de particules peu dense ascendant au centre plutôt que par les particules proches des parois qui ne peuvent recevoir du rayonnement que lorsque celui-ci a déjà été atténué par les particules du cœur du récepteur.

Nous savons aussi que la diffusion de la matière ou de la chaleur se fait plus facilement verticalement qu’horizontalement dans un lit fluidisé. Il a été observé notamment dans les travaux de Heertges [66], Hirama [67] et Shi [68] que l’homogénéité du ciel de lit est engendré par un phénomène différent de celui de la zone dense. Ainsi, alors que les transferts de matière au sein de la zone dense se font principalement de manière verticale par le mouvement ascendant des bulles, le transfert de matière dans le ciel est lié à l’éclatement des bulles qui entraîne une dispersion des particules horizontale et verticale.

En première approximation, nous considérons donc que l’homogénéisation dans la partie haute du lit fluidisé est liée au phénomène de transfert de matière engendré par l’éclatement des bulles dans une zone débutant à un diamètre de bulle en dessous de la surface moyenne du lit. Le terme de conductivité thermique verticale dans cette zone étant difficilement quantifiable, il est considéré du même ordre de grandeur que la conductivité horizontale induite par l’éclatement

des bulles.

Pour obtenir une valeur de la diffusivité horizontale du lit, il existe comme pour la diffu- sivité verticale un grand nombre de corrélations. Winaya [69] propose une review ainsi qu’une comparaison de ces corrélations appliquées à un lit étroit de particules de sable de classe B à des vitesses de fluidisation importantes. Les résultats des corrélations sont ensuite comparés avec des résultats expérimentaux. Les conditions expérimentales étant proches des cas qui nous intéressent, nous avons donc choisi la corrélation présentant la meilleure concordance avec les résultats expérimentaux à savoir la relation de Borodulya [70] :

Dm = 0.013(U − Umf)H(

dc

H)

0.5F r−0.15

(3.5) avec U la vitesse de fluidisation, Umf la vitesse au minimum de fluidisation H, dc le diamètre de la colonne et F r = (U − Umf)2/(g ∗ Hmf) le nombre de Froude du lit fluidisé.

Même si cette relation basée sur de très nombreux essais expérimentaux fournit une valeur de la diffusivité horizontale globale du lit acceptable pour notre modèle, il est important de souligner que le modèle thermique est très sensible à la valeur de ce paramètre. Dans cette thèse, de nombreuses corrélations ont été testées pour calculer le terme de conductivité vive dans le ciel du lit et l’ordre de grandeur des résulats obtenus a pu facilement varier d’un facteur 10. A l’avenir, il serait donc intéressant d’approfondir la compréhension des transferts thermiques dans la partie haute du lit afin de vérifier la transposabilité à d’autres cas de cette corrélation et à défaut proposer une façon plus universelle de traiter les transferts thermiques.