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2. Cadre théorique

2.2. Les relations pédagogiques : le modèle du « triangle pédagogique »

2.3.3. Conditions d’intégration des outils numériques dans la relation

Comme je le mentionnais en parlant de « non-neutralité » des outils numériques, Catroux nous met en garde contre l’apparente transparence de l’usage de moyens techniques tels qu’ils peuvent sembler être présentés lorsqu’ils sont suggérés par les instructions officielles qui encouragent leur usage. Pour

M. CATROUX Perspective co-actionnelle et TICE - 2006 - 6 -

référence au sujet est primordiale, c'est par rapport à lui que se définit l'instrument, c'est-à- dire le moyen que le sujet associe à son intention.

Néanmoins, ces modèles ne semblent pas totalement satisfaisants dans la mesure où ils ne prennent pas en compte la dimension sociale de l’apprentissage.

C’est pourquoi, le modèle quadripolaire décrit par Rabardel (1995, p. 77) nous paraît plus approprié : aux rapports habituels entre les sujets, les objets et les instruments, viennent s'ajouter les interactions du sujet avec les autres sujets, les collaborations et les coopérations. L'instrument remplit ainsi une fonction de médiation collaborative pour l'atteinte des buts communs au sein des activités collectives. C'est ce modèle qu'il appelle S.A.C.I. : Situations d'Activités Collectives Instrumentées.

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Modèle SACI, Rabardel (1995, p. 77)

On le voit, ce modèle permet de se placer dans un contexte d’apprentissage d'inspiration socio-constructiviste où le statut des technologies d'apprentissage se trouve modifié. Les logiciels ne sont plus des tuteurs mis à la disposition de l'enseignant, comme dans le paradigme du modèle instructionniste. Ils ne sont plus seulement des outils cognitifs pour l'individu apprenant, mais ils constituent des environnements d'apprentissage : à la fois partenaires cognitifs et moyens de travailler avec une communauté de partenaires. C’est cette approche qui nous semble correspondre à la perspective actionnelle et co-actionnelle proposée par le Cadre Européen de Référence.

30 qu’intervienne le changement postural et la modification des relations pédagogiques, encore faut-il que les outils numériques soient véritablement inscrits dans le processus de didactisation de l’enseignant et qu’ils remplissent un rôle de médiation. Pour Michèle Catroux, une utilisation efficace de ces outils ne peut qu’être corrélée à une scénarisation didactique appropriée qui doit être conçue dans le but de tirer parti de toutes leurs fonctionnalités. Il s’agit là d’une mise en garde qui revient comme une rengaine dans la littérature spécialisée sur la question : c’est aussi le parti pris de Nicolas Guichon, professeur des universités spécialisé en apprentissage d’une langue médiatisé par la technologie, en conclusion de son ouvrage de 2012 Vers

l’intégration des TIC dans l’enseignement des langues. Au terme de son étude des

courants de recherche autour de la formation des enseignants de langue-culture appuyée sur une étude de quelques cas empiriques, l’auteur enjoint néanmoins à faire preuve de prudence face aux discours inflationnistes qui voudraient gonfler les mérites de la technologie. Pour lui, ce qui doit primer reste le rôle de l’enseignant, l’outil numérique n’étant alors qu’un « révélateur » ou « levier » pour des postures enseignantes tournées vers l’apprentissage. Rémi Thibert, chargé d’étude et de recherche à l’Institut Français de l’Éducation de l’École Normale Supérieure de Lyon, concluait aussi son billet de veille en 2012 sur cette réflexion : « Ce n’est donc pas l’impact du numérique sur les résultats qu’il faut évaluer, mais les conditions pédagogiques dans lesquelles ces usages ont lieu. Ce sont les stratégies

pédagogiques qu’il convient d’analyser, conditions d’une intégration réussie des

TICE » (2012 : 14). En 2015, le rapport Pisa « Connectés pour apprendre ? » faisait, là encore, la même conclusion, de même que Jean-Paul Delahaye, Inspecteur Général de l’Éducation Nationale, dans son rapport pour le ministère « Grande pauvreté et réussite scolaire. » :

Le numérique ne sert à rien en lui-même, s’il n’est pas intégré à une stratégie pédagogique ou éducative, s’il n’est pas accompagné de médiation humaine, si son usage n’est pas sous-tendu par des objectifs clairs et précis. [...] Les outils numériques ne sont pas une solution en eux-mêmes, ils n’ont pas d’efficacité intrinsèque et directe sur les apprentissages, mais ils peuvent faciliter et démultiplier les effets de certaines pratiques pédagogiques ou éducatives (travail collaboratif, démarche de projet, interdisciplinarité, individualisation, évaluation positive...). (2015 : 113) »

Ainsi, pour tous les acteurs, l’introduction de la médiation technique est indissociable de la conception didactique des apprentissages au cœur des perspectives actionnelles et socioconstructivistes qui gardent la primauté face à une volonté d’utiliser l’outil. Pour Catroux, le « scénario pédagogique » en DLC doit donc

31 s’entendre en relation avec la notion de tâche d’apprentissage englobée dans une action sociale. Elle propose un balisage des critères de vigilance permettant d’évaluer la pertinence de l’utilisation de la médiation technique : S’agit-il d’une tâche à résoudre ? Les apprenants sont-ils mis dans une situation d’interactivité autour, sur ou à travers l’outil numérique ? L’approche didactique est-elle systémique ou bien se trouve-t-elle dissociée du travail réalisé en classe sans médiation technique ? L’élève peut-il construire ses connaissances de manière autonome grâce à l’étayage de l’enseignant ? L’outil médiateur permet-il un contrôle métacognitif de l’activité par l’élève qui prend conscience du processus d’apprentissage et établit des stratégies propres ? Comme le concluait déjà Monique Linard en 1996, il existe une très forte corrélation entre la qualité de la médiatisation technique de l’apprentissage et « la médiation des Hommes qui la font vivre sur le terrain. » (1996 : 251).