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3.3 La bulle unique en lévitation

3.3.2 Conditions de stabilité d’une bulle unique

Ayant examiné le comportement dynamique des oscillations radiales d’une bulle, nous passons maintenant en revue les conditions de stabilité d’une bulle dans une cellule de lévitation.

Le mot « stabilité » sous-entend ici que la bulle doit, dans des conditions fixées dans le temps, présenter la même dynamique radiale pendant des milliards de cycles, son centre de masse restant toujours à la même position. Toutes les expériences de SBSL respectent ces conditions, et imposent bien sûr de plus que la bulle émette des photons. Cette dernière condition est optionnelle dans notre cas.

La notion de stabilité se décline donc sous les conditions suivantes :

1. la bulle doit être stable en translation, ce qui implique que la somme des forces s’exerçant sur elle doit être nulle ;

2. la bulle doit maintenir son rayon ambiant constant au cours du temps. Ce dernier étant l’image de la quantité de gaz à l’intérieur, cela sous-entend qu’en moyenne sur une période, la bulle n’échange pas de gaz avec le liquide environnant ;

3. le contenu de la bulle doit être stable chimiquement, et s’il ne l’est pas, les réactions chimiques et la diffusion doivent se compenser pour assurer un rayon ambiant constant. Ce point est assez subtil et d’une grande importance dans l’histoire de la SBSL et des présents travaux ;

4. la bulle doit rester sphérique.

Les deux premières conditions sont clairement contre-intuitives, puisqu’une bulle au repos montre une tendance naturelle à monter dans le liquide et à se dissoudre. Nous allons voir qu’il en est autrement pour une bulle oscillant radialement.

Stabilité translationnelle. Force de Bjerknes primaire.

Un objet plongé dans un liquide, subit une force de la forme F = −V ∇P . Cette force est connue comme la force d’Archimède si le gradient de pression est induit par la gravité.

En présence d’une onde acoustique, l’accélération du fluide engendre un gradient de pression additionnel, oscillant à la fréquence de l’onde acoustique (Magnaudet et Eames,2000). Donc la force nette sur la bulle est la moyenne sur un cycle de F et appelée « force de Bjerknes primaire », FB : (Bjerknes, 1906).

FB = −�V (t)∇P (t)�, (3.3.1)

Physiquement, la force de Bjerknes résulte d’une différence de pression (gradient) sur les parois de la bulle. La figure3.9 illustre ceci dans le cas d’une pression acoustique faible et une bulle plus petite que la taille de résonance. Pendant la partie négative du champ acoustique, la bulle grossit. Il y a une force de pression sur la bulle due à une légère différence de pression exercée de chaque côté de sa surface, qui la dirige vers le ventre de pression. Pendant la phase de compression du champ acoustique, la bulle est petite, et la force est dirigée vers le noeud de pression. Cependant, puisque le volume correspondant est plus petit, cette force est aussi petite, et donc, sur un cycle acoustique la force moyenne (Bjerknes) amène la bulle vers le ventre de pression.

Fig. 3.9 – Graphes illustrant le changement de signe de la force de Bjerknes selon la taille de la bulle. Les flèches indiquent la direction de la force. Les bulles plus petites que la taille de résonance sont attirées vers les ventres de pression, contrairement aux bulles plus grandes que la taille de résonance qui sont attirées vers les noeuds de pression. Les lignes solides sont la pression acoustique et les lignes pointillées sont le gradient de pression (T. Matula et al.,1997).

Dans la littérature, on trouve différentes évaluations de la force de Bjerknes, avec différents degrés de complexité (Louisnard,2008; T. Matula et al.,1997; Mettin,

2007). Un traitement simple est présenté par Akhatov et al. (1996). Supposons une bulle sphérique dans un champ acoustique stationnaire, l’équation (3.3.1) s’écrit :

FB = −

4 3π�R

3

(t)∇P (t)�. (3.3.2)

Dans une onde stationnaire à géométrie sphérique, présentant un ventre en r = 0, le champ de pression prend la forme :

p(r, t) = p0+

sin(kr)

kr pa(t), (3.3.3)

où p0 est la pression statique, pa(t) = −pasin ωt est la pression acoustique au centre,

r est la coordonnée radiale, ω et k = Cω

le champ acoustique, Cl étant la vitesse du son dans le liquide. Si on considère

le comportement de la bulle au voisinage du ventre, la distribution de pression (équation (3.3.3)) peut être estimée par :

p(r, t) = p0+ � 1 − (kr) 2 6 � pa(t), (3.3.4)

et le gradient de pression vaut alors : ∇P = −1

3k

2

pa(t)r, (3.3.5)

si bien que l’équation3.3.2 prend la forme :

FB = fBr fB =

4 9π�R

3

(t)∇P (t)�. (3.3.6)

Près du voisinage du ventre de pression, la force de Bjerknes primaire agit donc comme un ressort linéaire, avec une « constante de raideur » fB qui peut changer de

signe. Si �R3

(t)∇P (t)� est négative le coefficient fB est < 0, et la force de Bjerknes

est dirigée vers le ventre de l’onde stationnaire, et la bulle est piégée. Si �R3

(t)∇P (t)� est positif, fB > 0, la bulle est repoussée, et le ventre est un point d’équilibre pour

la bulle.

Pour pa � p0 le rayon de la bulle R(t) oscille comme un oscillateur harmonique.

La courbe Rmax/R0 en fonction du rayon d’équilibre R0 présente, un maximum au

rayon de résonance : Rres= 1 ω3κp0 ρ , (3.3.7)

pour une fréquence ω, une densité ρ et un exposant polytropique donnés. Les bulles plus petites que la taille de résonance linéaire oscillent en opposition de phase avec le champ acoustique (lorsque la pression acoustique croît, la bulle se contracte), tandis que les bulles plus grandes que la taille de résonance oscillent en phase. Donc les bulles de rayon d’équilibre R0 < Rres expérimentent une force de Bjerknes négative

(fB < 0) et se déplacent vers le ventre de pression, les bulles de rayon R0 > Rres

expérimentent une force positive (fB > 0) et se déplacent vers le noeud de pression

comme indiqué figure 3.10 (Young, 2004).

Ce comportement pour des bulles oscillant linéairement est en accord avec l’expérience (L. A. Crum et A. I. Eller, 1970). En revanche, son extrapolation à des bulles inertielles n’est pas immédiate et la force de Bjerknes doit dans ce cas être évaluée à partir d’une dynamique de bulle calculée numériquement.

Akhatov et al. (1996) ont montré que pour une bulle de l’ordre de 5 µm à 20 kHz, typique des expériences de lévitation, et donc bien plus petite que la taille de résonance, la force de Bjerknes primaire au ventre de pression était effectivement attractive. En revanche, elle change de signe pour une pression acoustique de l’ordre

Fig. 3.10 – Force de Bjerknes primaire agissant sur des bulles dans un champ d’ondes stationnaires (Young,2004).

de 1.7 bar, de telle sorte qu’il serait impossible de stabiliser une bulle au centre d’une cellule de lévitation pour des pressions acoustiques supérieures. Louisnard (2008) a affiné ce résultat par une solution semi-analytique, et montré que le seuil d’inversion pour la pression acoustique peut être écrit sous la forme universelle :

pinv a p0 = 0.269 R0p0 + 1.62, (3.3.8)

où σ est la tension superficielle et p0 la pression statique, ce qui donne p inv

a = 1.70 bar

pour une bulle de 5 µm dans l’eau, conformément aux résultats numériques.

Stabilité diffusionnelle

Une bulle au repos dans un liquide de pression p0, saturé en air à cette pression, a

une tendance naturelle à la dissolution à cause de la tension superficielle (Epstein et M. Plesset,1950). En effet, la loi de Henry impose que la concentration en gaz dissous à la paroi de la bulle vaut p0 + 2σ/R0

k , où k est la constante de Henry, alors qu’elle vaut p0

k infiniment loin de la bulle. Il y a donc un gradient de concentration centripète, qui entraîne une diffusion de gaz centrifuge. La bulle doit donc perdre son gaz pour maintenir ce flux de gaz dissous dans le liquide. Epstein et M. Plesset (1950) montrent que la variation de gaz dans une bulle de rayon R0 s’écrit :

dn dt = −4πR 2 0D p0+ 2σ/R0 k − CR0 , (3.3.9)

pour une concentration à l’infini Cquelconque. Si C< p0/k le liquide est sous-

saturé (ou « dégazée »), si C> p0/kle liquide est sursaturé (c’est le cas des boissons

gazeuses). À la saturation, C= p0/k, donc dn/dt est clairement < 0 et la bulle se

dissout.

À mesure que la bulle se dissout, la différence de pression entre la bulle et le liquide augmente (on peut voir dans l’équation (3.2.3) que la différence de pression est inversement proportionnelle à la taille de la bulle). Dans ces conditions, comment une bulle de gaz peut-elle rester stable pendant de nombreuses heures dans un liquide ? Nécessairement, la tendance naturelle à la dissolution doit être compensée par un effet engendrant un flux net de gaz du liquide vers la bulle. Cela est possible pour une bulle oscillant radialement, qui au-delà d’un certain seuil, peut gagner une faible quantité de gaz dissous à chaque période d’oscillation. C’est le phénomène de diffusion rectifiée (L. A. Crum,1980; A. Eller et Flynn, 1965; Fyrillas et A. Szeri, 1994; Leighton, 1995). Il existe deux mécanismes impliqués dans ce processus.

Le premier mécanisme est l’effet de surface (voir figure 3.11). Pendant la phase d’expansion de la bulle, la pression du gaz à l’intérieur diminue, donc il y a un transfert de gaz du liquide vers la bulle. En revanche, durant la phase de contraction de la bulle, la pression du gaz à l’intérieur de la bulle augmente et le gaz diffuse de la bulle vers le liquide. Le phénomène n’est pas à moyenne nulle car dans la phase d’expansion, où le gaz diffuse vers la bulle, la surface d’échange est plus grande et le flux l’est donc également. La bulle tend donc à gagner un peu de gaz à chaque cycle.

Fig. 3.11 – Cycle du mécanisme de surface. On peut voir que le flux de masse n’est pas équilibré. R est le rayon instantané et pg,e la pression d’équilibre à l’intérieur de la bulle (Leighton,1995).

Le second mécanisme est l’effet de couche (« shell effect »). Il se produit parce que le flux diffusif est proportionnel au gradient de concentration du gaz dissous d’après la loi de Fick. Or une couche de liquide de volume constant au voisinage de la paroi va s’affiner durant l’expansion, augmentant ainsi le gradient de concentration, tandis que ce dernier diminuera dans la phase de contraction. Le flux sera donc plus grand en valeur absolue pendant la phase d’expansion, lors de laquelle il est dirigé vers vers la bulle. Cet effet va donc dans le même sens que l’effet de surface.

(a) (b) (c)

Fig. 3.12 – (a) La bulle est à sa taille initiale R0, (b) La bulle se dilate, et le liquide se contracte en couche mince, (c) La bulle se contracte, et le liquide se dilate en couche épaisse (Leighton,1995).

Des solutions analytiques de ce problème ont été obtenues par A. Eller et Flynn (1965) et plus récemment par Fyrillas et A. Szeri (1994). La variation temporelle

du nombre de moles dans la bulle est égale à :

dn dt = −4πR 2 0D �pg�4 k − Cδ , (3.3.10)

où �pg�4 est une moyenne temporelle non-linéaire de la pression dans la bulle :

�pg�4 = �t 0pg(s)R 4(s) dst 0R4(s) ds , (3.3.11)

et δ une épaisseur de diffusion s’exprimant sous la forme d’une intégrale dépendant de la dynamique de bulle, mais généralement approximée par le rayon maximum de la bulle Rmax (Barber et al.,1997; M. Brenner,2002) ou par d’autres expressions

simples de Rmax plus précises (Louisnard et Gomez, 2003).

Le point important est que les deux lois (3.3.9) et (3.3.10) sont formellements identiques entre elles et constituent une loi de Fick simplifiée sur une couche de diffusion R0 dans le premier cas et δ dans le second. Pour une bulle en oscillation

radiale, l’expression (3.3.10) montre que tout se passe comme si la pression dans la bulle était la moyenne �pg�4. Clairement, si cette pression moyenne est suffisamment

faible, dn/dt peut devenir positif et la bulle peut gagner du gaz dissous au cours du temps, ce que nous avons montré qualitativement plus haut.

On voit de plus que pour une bulle oscillant faiblement, �pg�4 � p0 +

R0

et on peut montrer que δ � R0, de telle sorte que l’équation (3.3.10) se réduit à celle pour une

bulle au repos (3.3.9). En revanche, pour une bulle inertielle qui passe une grande partie de son cycle en expansion, la pression moyenne �pg�4 est très faible et dn/dt

peut devenir positif.

Physiquement, cela indique qu’une bulle oscillant faiblement suit la loi naturelle d’une bulle au repos. Dans un liquide à saturation, une bulle oscillant faiblement va donc se dissoudre, tandis qu’elle va croître si son oscillation radiale est suffisamment élevée. Il est donc intéressant de tracer les courbes dn/dt = 0 (la bulle conserve une quantité de gaz constante en moyenne sur un cycle) dans l’espace des paramètres (pa, R0) pour diverses concentrations C∞, par résolution numérique.

La figure 3.13 montre le résultat pour différents taux de saturation C/C0 où

C0 = p0/k. Pour une teneur en gaz donnée C/C0, un point à gauche de la courbe

représente une bulle qui se dissout (donc R0 diminue), un point à droite une bulle

qui croît (donc R0 augmente).

Par conséquent :

Les branches décroissantes sont des courbes d’équilibre instable. Dans une telle situation, la bulle ne peut que se dissoudre si la pression acoustique est inférieure au seuil, ou croître si la pression acoustique est supérieure. On appelle classiquement une telle branche « seuil de diffusion rectifiée » ;

Les branches croissantes sont des courbes d’équilibre stable. On parle alors d’équilibre diffusionnel ou de stabilité diffusionnelle. Les branches croissantes sont donc les points de fonctionnement qui nous intéressent puisqu’en ces points, la bulle gardera sa quantité de gaz interne constante, et donc également son rayon ambiant R0. De plus, à pression acoustique donnée, on voit que si on

nuclée une bulle suffisamment grande, elle ira naturellement « se bloquer » sur une branche croissante où elle restera indéfiniment.

C’est pourquoi il existe une grande variété de méthodes pour nucléer une bulle unique : dépôt d’une goutte entraînant une poche de gaz, ébullition par un fil chauffé, etc. La moindre poche de gaz ou de vapeur évoluera naturellement vers une bulle diffusionnellement stable.

Nous voyons en revanche que ces branches stables ne peuvent être obtenues que si le liquide est dégazé. Elles n’existent pas par exemple pour C/C0 = 0.5.

Les conclusions de cette section sont donc les suivantes :

1. il existe des régimes dans l’espace des paramètres permettant d’obtenir des bulles diffusionnellement stables, dont le rayon ambiant reste constant indéfiniment, 2. ces régimes ne peuvent s’obtenir que si le liquide est convenablement dégazé.

Fig. 3.13 – Courbes dn/dt = 0 dans l’espace des paramètres (pa, R0) (d’après S. Hilgenfeldt, D. Lohse et M. P. Brenner (1996). Des flèches (en rouge pour C/C0 = 0.5, en bleu pour C/C0 = 0.002) ont été rajoutées pour indiquer le sens de variation de n(t) dans les différentes zones du plan. Une flèche vers le haut est une bulle dont le rayon ambiant R0 croît en moyenne sur plusieurs cycles, une flèche vers le bas une bulle qui se dissout.

Cas des bulles d’air. Dissociation de l’air et rectification de l’argon.

Un point important dans la discussion sur la figure 3.13 est que ces courbes sont théoriquement valables quel que soit le gaz dissous considéré (air, azote, gaz noble) et l’on devrait donc obtenir des bulles stables avec les mêmes teneur en gaz quel que soit le gaz dissous utilisé. En fait, ces courbes sont en bon accord avec la réalité expérimentale pour des expériences réalisées avec des gaz nobles. On obtient par exemple des bulles d’Argon diffusionnellement stables pour des teneurs en gaz C/C0

de l’ordre de 0.002 de la saturation.

En revanche pour des expériences réalisées avec de l’air comme gaz dissous, il existe un fort désaccord entre ces prédictions et les observations expérimentales. On obtient en effet très aisément des bulles diffusionnellement stables pour des teneurs en air dissous C/C0 comprises entre 0.1 et 0.3. La figure 3.14 montre des résultats

expérimentaux obtenus avec de l’eau avec une teneur en air dissous de 0.2 (J. A. Ketterling et R. E. Apfel, 2000). Pour cette teneur, la courbe dn/dt = 0 (en traits pleins) ne présente pas de branche croissante, et on ne devrait pas observer de

bulle diffusionnellement stable. C’est pourtant le cas, et on observe deux groupes de points :

des bulles petites, de rayon ambiant décroissant avec la pression acoustique, diffusionnellement stables et n’émettant pas de lumière (cercles noirs) ;

des bulles plus grosses, de rayon ambiant croissant avec la pression acoustique, diffusionnellement stables et émettant de la lumière (triangles). Curieusement ces points s’alignent sur la courbe théorique C/C0 = 0.002 (traits pointillés),

au lieu de 0.2.

Physiquement, cela signifie que la bulle réussit à évacuer le surplus d’air pénétrant à l’intérieur, ce que Barber et al. (1997) ont formulé par « A yet unexplained ejection mechanism » dans leur revue.

Fig. 3.14 – (d’après J. A. Ketterling et R. E. Apfel,2000). Points expérimentaux dans l’espace des paramètres (pa, R0) correspondant à des bulles diffusionnellement stables dans de l’eau contenant de l’air dissous à 20 % de la saturation. Les cercles noirs correspondent à des bulles n’émettant pas de SL, les triangles à des bulles émettant de la SL. La courbe en traits pleins est la courbe dn/dt = 0 calculée pour C/C0 = 0.2, celle en traits pointillés pour C/C0 = 0.002. La zone indiquée « Dancing » indique des bulles présentant des mouvements erratiques en raison d’instabilités de surface.

Des résultats similaires avaient été trouvés par Hiller et al. (1994) qui avaient montré que si l’émission de lumière était observable avec de l’air à 20 % de la

saturation, elle disparaissait totalement avec de l’azote pur (Fig. 3.15 courbe verte) à la même saturation, ou bien avec un mélange 20% O2 / 80% N2. Un dopage en

Argon, même léger, dans de tels mélanges rétablissait l’apparition de la SL (Fig.3.15

courbe rouge).

13 % 26 % 39 % 53 % 66 %

Fig. 3.15 – (d’après Barber et al. (1997). Intensité de la SL mesurée pour différents gaz ou mélanges de gaz dissous, à différentes teneurs C/C0. Pour faciliter la lecture, nous avons ajouté (en bleu) les abscisses en pourcentage de la saturation, et la courbe correspondant à un mélange 1 % Ar / 99 % N2 (respectivement de l’azote pur) a été repassée en rouge (respectivement en vert).

Ces résultats ont conduit l’équipe de Lohse à conjecturer que les bulles diffusionnel- lement stables observées lorsque l’on travaillait avec de l’air dissous (par exemple les triangles Fig. 3.14) étaient en fait des bulles d’Argon, et que l’équilibre diffusionnel avait lieu non pas entre l’air dissous et l’air présumé dans la bulle, mais entre le 1 % d’Argon de l’air dissous et de l’Argon pur dans la bulle (M. Brenner,2002). L’air initialement présent dans les bulles est dissocié par les fortes températures à la fin du collapse, et les produits de réaction (notamment de l’acide nitrique), très solubles dans l’eau diffusent aisément de la bulle vers le liquide (D. Lohse, M. P. Brenner et al.,1997).

Cette hypothèse de dissociation chimique de l’air ou « rectification de l’Argon » a été largement vérifiée depuis, et lève toutes contradictions observées. En fait la dissociation de l’air s’effectue progressivement à mesure que la pression acoustique augmente. Ainsi, les cercles noirs sur la figure (3.14) correspondent à des bulles ayant déjà commencé à dissocier l’air, mais pas complètement. Elles n’émettent pas de lumière parce que l’air ayant un Cp/Cv faible, le collapse est encore trop froid pour

émettre de la lumière. Leur rayon ambiant diminue lorsque la pression acoustique augmente parce qu’un peu plus d’air est dissocié à chaque fois. Les points représentés par des triangles sont en revanche des bulles d’Argon pur, et elles suivent la courbe C/C0 = 0.002 parce qu’elles sont en équilibre diffisionnel avec le 1 % d’Argon

présent dans l’air dissous à C/C0 = 0.2.

Par conséquent, lorsque l’on augmente la pression acoustique, une bulle d’air dans un liquide saturé à C/C0 = 0.2 est initialement sur la courbe d’équilibre diffusionnel

C/C0 = 0.2 et à mesure que l’air est dissocié, elle traverse les courbes d’équilibre

diffusionnel à des concentrations de plus en plus faibles jusqu’à atteindre la courbe d’équilibre diffusionnel C/C0 = 1% × 0.2 = 0.002 lorsque l’air est complètment dis-

socié et que seul l’Argon subsiste dans la bulle. Ensuite lorsque la pression acoustique augmente, les points suivent cette dernière courbe qui est une branche croissante dans le plan (R0, pa). Ce comportement, aux incertitudes près, est clairement dé-

montré sur la figure 3.16, obtenue pour des expérimentations avec une teneur en air C/C0 = 0.14 (D. F. Gaitan et Holt, 1999).

Fig. 3.16 – (D’après D. F. Gaitan et Holt, 1999). Cette figure est similaire à la figure3.14mais les axes sont inversés. Les carrés noirs sont des bulles d’air en cours de dissociation, et n’émettent pas de SL. Les carrés blancs sont des bulles d’Argon pur, ayant brulé tout leur air, et émettent de la SL. Les courbes en traits pleins sont les

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