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1.4 Cycle expérimental

1.4.2 Condensation dans la seconde chambre de science

Le refroidissement des atomes jusqu’à la dégénérescence dans un piège ma- gnétique requiert à la fois un accès optique important (6 axes occupés pour le piège magnéto-optique) ainsi qu’un fort encombrement lié à l’utilisation d’un piège magnétique comprimé pour l’évaporation. Dans la première cellule, il ne reste de fait qu’une seule ouverture permettant d’imager des structures de po- tentiel créées optiquement dans la direction perpendiculaire à l’axe de la pince optique. Si cette configuration est raisonnable pour étudier des phénomènes de transport quantique à une dimension, il n’est pas envisageable de réaliser une expérience de transport à deux ou à trois dimensions dans cette cellule. Afin de permettre ces études, nous allons transporter le nuage froid à l’aide de la pince optique jusqu’à une deuxième cellule, qui nous servira de "chambre de science". Le nuage froid y est ensuite refroidi jusqu’à la condensation dans un piège dipolaire croisé, via une étape d’évaporation tout-optique.

1.4.2.1 Transport dans une pince optique

Le transport d’atomes froids est une méthode désormais utilisée dans de nom- breux groupes, souvent pour maximiser les accès optiques. Diverses méthodes ont déjà été démontrées, telles que le déplacement de la position du minimum d’un champ magnétique, soit en modulant les courants [133–135], soit en dé- plaçant les bobines qui le génère [136, 137] ; ou encore l’utilisation d’une pince optique dont le waist est déplacé [138, 139]. C’est cette dernière méthode que nous utilisons et que nous allons décrire ici.

Nous utilisons pour cela le piège optique du piège hybride, avec le waist minimum accessible (w0 ∼ 27 µm) afin que sa fréquence de piégeage longitu-

dinale ω

/2π soit maximale. Une platine de translation (Aerotech ABL80040 )

permet de déplacer les optiques de focalisation sur une distance 35 cm à une vitesse maximale de 2 m.s−1 avec une répétabilité de ±0, 2 µm sur les positions initiales et finales. Le plateau mobile est porté par un coussin d’air comprimé à 5, 5 bars et mis en mouvement par un moteur linéaire commandé par une élec- tronique de contrôle externe. L’ensemble de la platine est fixé à un plateau en granit de 250 kg, isolé de la table par des plots de sorbothane, afin d’éviter la transmission de vibrations au reste de l’expérience, particulièrement pendant les phases d’accélération et de décélération de la platine.

Le mouvement de la platine est programmé sur l’ordinateur et les informa- tions sont envoyées à l’électronique de contrôle au début de chaque cycle. Celle-ci attend alors un signal de commande du séquenceur pour lancer le mouvement, permettant ainsi une synchronisation parfaite avec les autres éléments interve- nant au cours du cycle expérimental.

Bien qu’il soit possible de transporter directement un condensat [138], nous avons choisi, pour plus de robustesse, de déplacer le nuage atomique froid di- rectement après son transfert dans la pince optique, les atomes étant alors très proches du seuil de condensation. Afin de capturer un maximum d’atomes, la puissance de la pince est dans ce cas de 1 W ce qui correspond à un confine-

t (ms) Position (mm) Vit esse (mm/s) Ac célér ation (mm/s²)

Figure 1.24: Mesure de la trajectoire de la platine de translation en position, en vitesse et en accélération pendant le transport dans la pince optique.

ment transverse d’environ 1, 5 à 2 kHz et un confinement longitudinal d’environ 10 Hz. Le transport est effectué en 2, 7 s, avec une trajectoire z(t) très lisse (Fig. 1.24), de manière à perdre le moins d’atomes possible et à ne pas exciter d’oscillations dipolaires [139]. Grâce à cette méthode, nous transportons quasi- ment l’intégralité des 3.106 atomes chargés dans la pince. Le transport conduit inévitablement à du chauffage, et la température du nuage à l’issue du transport est typiquement de quelques micro-kelvins.

50 µm

a)

b)

Figure 1.25: Image du nuage dans la pince optique avant (a) et après (b) le transport, après un temps de vol de 1 ms. Le nombre d’atomes initial est 3, 7.106 et le nombre d’atomes final 3, 5.106, correspondant à une efficacité du transport de 95%.

1.4.2.2 Piège dipolaire croisé

Afin d’arriver à la condensation de Bose-Einstein à partir du nuage trans- porté, nous le recomprimons dans un piège dipolaire croisé, puis nous y effectuons une évaporation tout-optique en baissant l’intensité de chacun des faisceaux jus- qu’à obtention d’un condensat de Bose-Einstein (cf. e.g. [140]).

Montage Afin de recomprimer les atomes dans la direction de propagation de la pince (axe horizontal z), nous utilisons un faisceau disposé selon l’axe vertical y, perpendiculaire à la pince. Le montage optique correspondant est représenté Fig. 1.26. Le faisceau est obtenu à partir du même laser Yb de longueur d’onde λL = 1070 nm que celui utilisé pour la pince optique. Afin d’obtenir un condensat

le plus sphérique possible (et ainsi une expansion isotrope de celui-ci), le second bras est mis sous forme elliptique grâce à un télescope cylindrique. Ses waists au niveau des atomes dans les deux directions sont wz = 105 µm et wx= 210 µm.

De la même manière que pour la pince optique, la puissance de ce faisceau est asservie à l’aide d’un modulateur acousto-optique (AA Optoelectronic MTS80 ) permettant une amplitude d’extinction de 50 dB16. En pratique, le croisement des deux faisceaux est réalisé directement sur le signal atomique en maximisant le nombre d’atomes capturés (ou condensés).

Laser Yb 20W /2 Pince optique M A O f=-50 f=100 f=300 c c Pince optique f=50 f=20 Dichroïque Imagerie f=-50 f=200 y z Photodiode (asservissement de puissance) f=200 f=-50

Figure 1.26: Montage optique du faisceau vertical du piège dipolaire croisé.

Chargement dans le piège croisé La première étape consiste à capturer les atomes dans le piège dipolaire croisé. Pour cela, on allume le faisceau ver- tical du piège dipolaire croisé à pleine puissance (environ 7 W sur les atomes, i.e. ωzPC/2π ≈ 200 Hz), en 1 ms. La profondeur du piège optique est alors de quelques dizaines de micro-kelvins. La quasi-totalité des atomes est ainsi pié- gée, conduisant à une augmentation de la densité dans l’espace des phases qui nous rapproche de la condensation : c’est l’effet dimple [132]. Nous attendons en pratique 500 ms à l’issue de cette étape afin que la thermalisation s’effectue (Fig. 1.29).

16. Cette dynamique est nécessaire afin de permettre une décompression maximale du piège dipolaire croisé, lorsque les atomes sont tenus par la lévitation magnétique. Une telle décompres- sion permettra de générer des échantillons atomiques extrêmement froids pour les expériences de localisation d’Anderson à trois dimensions (§ 2.4).

50 µm

OD

0 15

Figure 1.27: Images en absorption du transfert du nuage dans le piège dipolaire croisé après un temps de vol de 1 ms.

Caractérisation De la même manière que pour mesurer les fréquences du piège optique dans la première chambre de science (cf. § 1.4.1.5), on peut mesurer les fréquences du piégeage associées au faisceau vertical du piège croisé. Pour cela, on l’éteint pendant un court instant (typiquement 1 ms), puis on laisse évoluer les atomes dans le piège croisé, et on mesure la position du nuage après un temps de vol de 15 ms (oscillations dipolaires). On mesure par ailleurs la taille du nuage, dont la fréquence d’oscillation, pour une nuage thermique comme celui utilisé dans cette calibration, est le double de celle de piégeage (oscillation quadrupolaires). L’ensemble des résultats est présenté Fig. 1.28.

ωz PC/2 π (H z) Pvert (W) Position (µm) Taille (µm) t (ms)

Figure 1.28: Fréquence de confinement du faisceau vertical du piège dipolaire croisé en fonction de la puissance optique, mesurée à partir des oscillation dipolaires (carrés rouges) et quadrupolaires (triangles verts) du nuage. L’ajustement donne ωzPC/2π = 68, 5Pvert1/2, compatible avec la valeur du waist du faisceau wz= 105 µm.

Condensation tout-optique Pour réaliser l’évaporation dans le piège op- tique, on diminue progressivement la puissance dans les faisceaux du piège croisé, de manière à déverser les atomes les plus chauds. Les conditions initiales sont dans ce cas particulièrement importantes puisque le confinement, et donc le taux de collisions, diminue en même temps que la profondeur du piège17[143]. En pra- tique, on commence par relâcher le confinement de la pince, puis simultanément diminue la puissance des deux faisceaux du piège croisé. La condensation est atteinte pour des fréquences de confinement de l’ordre de 100 à 150 Hz. Cette étape d’évaporation a une durée totale d’environ 4 s. Les condensats obtenus contiennent typiquement quelques 104 atomes (Fig. 1.29.b), ce qui correspond à un potentiel chimique de l’ordre de 1 kHz.

Plaser

t

Transport Transfert Evaporation 1 Evaporation 2

50 µm a) vertical b) horizontal D ensit é in tég rée (u .a.) Position

Figure 1.29: a) Chronogramme typique de l’évolution des puissances laser dans les deux bras du piège dipolaire croisé. b) Image en absorption du condensat de Bose-Einstein obtenue après 15 ms de temps de vol (NBEC∼ 6.104)

Ouverture adiabatique Afin d’obtenir des condensats de Bose-Einstein en- core plus froids, il est possible de décomprimer très fortement le piège dipolaire croisé avant de relâcher les atomes dans le potentiel magnétique de lévitation. Afin d’éviter que le centre du piège ne soit déplacé vers le bas du fait de la gravité (sag), on compense celle-ci à l’aide d’un gradient de champ magnétique. Celui-ci est généré par les bobines du système de lévitation magnétique décrit dans la suite. On procède en deux étapes :

1. Afin de ne pas prolonger l’évaporation, on augmente la puissance du fais- ceau horizontal (i.e la pince), tout en augmentant son waist par un dépla- cement de la platine de translation. Typiquement, le waist est augmenté d’un facteur√2 par un déplacement de la platine d’environ 4 mm (∼ zR),

et la puissance est parallèlement augmentée d’un facteur 4 afin de conser- ver une courbure transverse du piège optique identique. Cette étape est réalisée en environ 500 ms.

2. Il nous est ensuite possible de décomprimer le piège optique horizontal. Ty- piquement, on divise par deux la puissance du faisceau en environ 100 ms, 17. Une méthode alternative qui permet d’atteindre le régime d’emballement a été proposée dans notre groupe pour cela [141, 142].

afin de refroidir efficacement le condensat. Ceci nous permet de gagner un facteur 2 sur la température du nuage18, i.e. d’atteindre des températures inférieures à 10 nK.

Les résultats préliminaires semblent montrer que cette méthode est particu- lièrement robuste et pourra à l’avenir être poussée à l’extrême pour atteindre des températures de l’ordre ou inférieures au nano-kelvin, à l’instar de celles obte- nues dans le groupe de W. Ketterle [144]. Elle est en particulier nécessaire pour observer la localisation d’Anderson à trois dimensions, comme nous le verrons au chapitre 2. 50µm 50ms 90ms 150ms Temps d’expansion T~20nK Ouverture adiabatique T~10nK

Figure 1.30: Expansion d’un condensat de Bose-Einstein dans le potentiel de lévitation magnétique, avec et sans l’étape de décompression adiabatique.

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