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Conclusions et perspectives de l’utilisation de l’imagerie satellitaire pour la gestion

CHAPITRE 4. UTILISATION DE L’IMAGERIE SATELLITAIRE DANS LA

4.7 Conclusions et perspectives de l’utilisation de l’imagerie satellitaire pour la gestion

Nous avons pu analyser dans ce chapitre l’apport de l’imagerie satellitaire à très haute résolution à l’analyse des dégâts consécutifs aux séismes. Deux études de cas ont relevé ses avantages ainsi que ses inconvénients, notamment dans une perspective de gestion de crise. La détection de dommages a été dans les deux cas fortement dépendante du type de constructions. Les immeubles modernes à plusieurs étages sont bien détectables, avec des contours et des caractéristiques morphologiques précises, qui facilitent la reconnaissance des endommagements. En revanche, le bâti traditionnel, en terre ou adobe, ou encore les anciens centres urbains, qui présentent généralement une densité de constructions beaucoup plus importante, rend l’analyse difficile et incertaine.

A l’aide de l’imagerie mono – temporelle, nous avons ainsi pu constater que les dommages sont facilement reconnaissables dans le cas de l’effondrement complet d’un immeuble non mitoyen, transformé en débris, tel qu’on a vu sur Bhuj, Zemmouri ou encore Boumerdes. D’autres critères basés principalement sur la reconnaissance des anomalies concernant le contour, la forme ou la radiométrie des bâtiments nous ont conduit à la détection des zones

affectées. A ces critères d’endommagement on peut ajouter l’absence des ombres ainsi que l’apparition d’une discontinuité des routes. Dans les zones urbaines à bâti dense, la reconnaissance est plus difficile, et donc la fiabilité des résultats est moindre.

L’imagerie multi – temporelle nous a montré que les endommagements consécutifs au séisme sont reconnaissables avec une fiabilité assez élevée, notamment lorsqu’on dispose des images provenant du même capteur, comme dans le cas de l’étude sur Boumerdes. Nous avons pu ainsi détecter les zones affectées à l’intérieur même des centres urbains, grâce à la mise en évidence des changements « avant – après ». Les possibilités apportées par ce type d’analyse sont prometteuses, car la cartographie des zones affectées est très précise et peut être réalisée au niveau du bâtiment. En absence d’autres informations, les cartes des dommages réalisés de cette manière peuvent être très utiles pour la gestion de crise, notamment pour le déploiement des forces de secours.

Cependant, l’une des limites de l’imagerie satellitaire réside encore dans l’impossibilité de détection des dommages modérés. De plus, à de rares exceptions, même la reconnaissance d’un type d’endommagement fort, qui est l’effondrement du rez-de-chaussée, reste indétectable, car en visée nadirale la structure du bâti semble intacte. Dans le cas de Boumerdes, nous avons pu détecter un seul cas de ce genre suite à une comparaison avant – après réalisée par rapport à un bâtiment mitoyen. La reconnaissance a été possible également grâce à la très haute résolution des images, qui a permis la détection de détails très fins.

La détection de dommages par photo-interprétation mono ou multi – temporelle se réalise assez rapidement. A titre d’exemple, la cartographie sur Zemmouri a été réalisée par une personne en moins de 3 heures, pour une surface d’environ 1,5 km2, et sur Boumerdes en environ 4 heures, pour une surface d’environ 5 km2 (analyse plus courte car multi – temporelle). Ceci représente un aspects très important pour ce qui est de la faisabilité d’une localisation rapide des zones affectées dans un but d’aide aux interventions humanitaires. Mais cette caractéristique à une moindre importance par rapport aux contraintes qui peuvent apparaître dans un tel contexte.

Ainsi, la contrainte principale est donnée par le temps d’acquisition des images, qui est pour l’instant de l’ordre de quelques jours, et donc largement supérieur aux délais requis habituellement par les forces de secours, présentes sur le terrain dans les 24h qui suivent la catastrophe. Une importante étude de faisabilité de ce type d’application a été réalisée par André (2002), qui quantifie les besoins des utilisateurs potentiels des cartographies rapides de dommages. Une deuxième contrainte est donnée par la couverture nuageuse, qui est aléatoire et qui empêche le traitement des images. Enfin, une troisième contrainte est donnée par le transfert de l’information, sous forme d’une carte des zones affectées, aux équipes de secours déjà présentes sur le terrain.

Le passage à la très haute résolution nous offre aujourd’hui la possibilité d’une cartographie très précise du bâti des zones endommagées, allant jusqu’au niveau d’un immeuble. Les images IKONOS, en 1999, et puis Quickbird, en 2001, ont ainsi ouvert des nouvelles perspectives dans l’utilisation des images satellitaires pour la gestion du risque sismique. Le lancement de plusieurs capteurs à très haute résolution dans le futur proche45,46 apportera des

45 Le satellite Orbview-3 a été lancé avec succès le 26 juin 2003. Il dispose d’une résolution spatiale de 1m en

mode panchromatique et 4m en multi – spectral.

46 Le satellite EROS B, dont le lancement est prévu pour la fin de l’année 2003, proposera une résolution spatiale

possibilités supplémentaires à l’imagerie disponible aujourd’hui, ce qui laisse envisager un accès plus facile à ce type de données ainsi que leur utilisation à une échelle plus large.

En dehors de l’aspect de soutien à la gestion de crise, l’imagerie satellitaire à très haute résolution peut apporter également des informations importantes pour les modèles d’estimation de dommages. Elle apporte ainsi des nouvelles perspectives concernant notamment le développement des inventaires urbains, car les différents typologies standard des constructions deviennent reconnaissables à travers une photo – interprétation (c. f. fig. 4.45).

(a) (b)

(c) (d)

Figure 4.45 Exemple des différents types de bâti, reconnaissables à l’aide de l’imagerie satellitaire. Centre urbain modern, formé par des bâtiments hauts, de plus de 10 niveaux (a) ; bâtiments à habitats collectifs, d’environ 5 étages (b) ; exemple des secteurs pavillonnaires (c) et (d). (source images : Space Imaging et

Des nouvelles perspectives peuvent être apportées également par l’utilisation des capteurs radar aéroportés47, pour la détection rapide de dommages ainsi que pour la réalisation d’inventaires urbains. La comparaison des MNE, réalisés avant et après un séisme, peut mettre en évidence d’une manière automatique les éventuels dégâts, au niveau du bâtiment près. La reconnaissance des niveaux d’endommagement modéré devient ainsi possible, grâce aux légers écarts en hauteur ou en horizontale détectables à travers ce type d’analyse. A titre d’exemple, nous présentons ci-dessous (c. f. fig. 4.46) une simulation des deux MNE réalisées avant et après un séisme, où les bâtiments endommagés peuvent être reconnus et extrait d’une manière automatique.

Figure 4.46 Exemple d’un couple des MNE encadrant un séisme, mettant en évidence les dommages simulés, représentés par les cercles bleus.

La reconnaissance des types de constructions à l’aide de l’imagerie satellitaire ainsi que la réalisation (ou l’accès à) des MNE sur les principales agglomérations urbaines permettront une quantification plus fine de la vulnérabilité, et apportera par conséquent une aide non négligeable à la gestion du risque sismique. Les différents modèles d’estimation de dommages vont bénéficier ainsi des données d’entrée plus fines, qui engendreront à leur tour une meilleure protection et prévention face aux séismes.

CHAPITRE 5. ESSAI DE MISE AU POINT D’UNE ECHELLE