AUX SORTIES DE VOIE : AVERTISSEMENTS SIMPLES ET AMORÇAGE MOTEUR
IV. CONCLUSIONS SUR LA PARTIE EXPERIMENTALE
Les deux études de la partie expérimentale 1 ont montré l’apport de systèmes d’avertissement aux sorties de voie lors de la survenue de situations critiques, même si la variabilité de ces situations a rendu moins significatif l’effet global de ces dispositifs dans la deuxième étude. Le dispositif amorçage moteur s’est révélé plus efficace que les autres dispositifs d’assistance utilisés. Cette meilleure efficacité est attribuable à une intervention directe au niveau de la réalisation de l’action, tandis que les autres dispositifs d’avertissement agissent au niveau du diagnostic de la situation. L’étude 2 confirme que c’est bien le caractère incitatif de l’amorçage moteur qui génère de meilleures performances avec ce dispositif d’assistance qu’avec les autres dispositifs. Aucun dispositif ne s’est avéré modifier négativement le comportement des conducteurs, aussi bien en conduite nominale que lors de la mise en situation d’invalidité de l’assistance (contournement d’obstacle). La combinaison de l’amorçage moteur avec un avertissement auditif (de type bruit de passage sur des bandes rugueuses) offre une efficacité comparable à celle offerte par l’amorçage moteur seul, et semble être en mesure d’améliorer l’acceptabilité du dispositif.
La question de la latéralisation des assistances n’a pas été abordée directement. En situation critique, l’expérience 1 tend à montrer que les conducteurs prennent le temps d’analyser la scène visuelle avant d’apporter la correction volant nécessaire au replacement du véhicule dans une position sur la voie correcte. Des résultats du même ordre avaient été rapportés par Suzuki et Jansson (2003) lors d’une comparaison entre un avertissement sonore latéralisé et un avertissement sonore non latéralisé. Toutefois, il existe une littérature sur les compatibilités stimulus‐réponse qui tend à montrer qu’il est avantageux de donner une information du côté de la correction à effectuer. Par exemple, Wang, Proctor et Pick (2003) ont demandé aux participants de tourner un volant du côté d’un son, ou du côté opposé à ce même son. Les participants répondent plus rapidement et font moins d’erreurs si le son
provient du même côté que la réponse motrice à réaliser. Il est intéressant de noter que la position des mains sur le volant peut modifier la notion de droite/gauche perçue par les conducteurs et donc les résultats qui viennent d’être énoncés.
Dans le contexte de la conduite automobile, la question du bénéfice lié à l’usage d’une information latéralisée se pose donc. Si une information latéralisée est pertinente que doit‐ elle indiquer ? Le sens de la correction à réaliser comme des études décontextualisées (simple volant sans scène visuelle ; ex. : Wang et al., 2003) semblent le montrer, ou bien le côté de sortie de voie ? En effet, une approche plus ergonomique (Wickens & Holland, 2000) considèrerait que les conducteurs ont associé un événement (par exemple un son imitant celui d’une bande rugueuse) à une sortie de voie du côté de l’événement. Par conséquent, les assistances tireraient avantage d’une latéralisation du côté de la sortie de voie. Les deux études qui constituent la première partie de cette thèse ne répondent pas clairement à l’importance de la latéralisation du dispositif d’assistance. Particulièrement, l’amorçage moteur informe le conducteur sur le côté de la correction à réaliser tandis que les autres dispositifs d’assistance informent le conducteur sur le côté de sortie de voie. Une étude s’intéressant spécifiquement à l’importance de la latéralisation des assistances serait nécessaire afin d’éclaircir ce point.
Au‐delà de cette limite, la fréquence d’apparition des situations critiques dans nos études est beaucoup plus élevée que leur fréquence d’apparition en conduite naturelle. Les situations de sorties de voie imminentes, de par leur répétition, sont probablement moins surprenantes qu’en conditions réelles. Toutefois, des situations critiques plus surprenantes auraient certainement conduit à de plus forts effets des assistances évaluées, en mettant plus à profit leur composante alerte.
Avant d’envisager une utilisation commerciale, les dispositifs d’assistance évalués dans nos études, devraient être étudiés sur un plus grand nombre de personnes et sur des durées d’utilisation plus longues. Par ailleurs, un seuil de déclenchement tenant compte de la vitesse de dérive latérale du véhicule vers le bord de voie (comme le « time to lane crossing » par exemple, voir Van Winsum & Godthelp (1996)) pourrait améliorer l’efficacité de l’ensemble des dispositifs en ajustant plus finement le moment de déclenchement de l’assistance aux besoins des conducteurs.
Finalement, compte tenu de l’action de l’AM sur la colonne de direction du véhicule, le signal qu’il délivre pourrait être bruité par diverses vibrations du volant émanant du contact entre la chaussée et les roues du véhicule. Ces vibrations parasites, pourraient se montrer particulièrement présentes lors de sorties de route où les conducteurs roulent sur le bas‐côté de la chaussée. Néanmoins, avec le développement actuel du « steer‐by‐wire », cette limite semble destinée à disparaître rapidement. Cette nouvelle technologie consiste à décorréler physiquement les mouvements de volant de ceux des roues du véhicule. Elle offre ainsi la
possibilité de modifier les retours d’effort au volant sans strictement aucune incidence sur la trajectoire du véhicule. Cet avantage vient s’ajouter à celui de ne pas nécessairement retransmettre sur le volant l’ensemble des vibrations liées aux déformations de la chaussée. Il n’est toutefois pas question de supprimer toutes les vibrations dans le volant émanant du contact entre les pneumatiques et la chaussée, car certaines sont porteuses d’informations utiles aux conducteurs (ex. : vitesse inadaptée à la qualité de la chaussée).