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Dans ce dernier chapitre, je vais reprendre les questions de recherche afin d’essayer d’y apporter une réponse ; ensuite j’explorerai les possibles ouvertures de cette recherche et finalement je vous présenterai brièvement une conclusion non pas sur le travail en soit, mais sur sa réalisation.

6.1. Conclusion du travail

L’idée de ce travail est née à partir d’un désir de comprendre le travail de l’association Casa dos Curumins et son fonctionnement.

Je vais ici reprendre les questions qui ont guidé le déroulement de mon travail, afin de leur apporter une réponse :

- Comment l’association Casa dos Curumins est-elle structurée ? o Quels sont ses objectifs ?

o Comment s’inscrit-t-elle dans la communauté locale ?

o Comment l’école de musique et la Banda dos Curumins sont-elles structurées ? - Quel est le rôle de la musique dans la vie des personnes participant à la Banda dos

Curumins ?

Le but du travail était donc celui de comprendre l’association dans son ensemble, en commençant par les objectifs qu’elle se pose et son fonctionnement bureaucratique. À travers l’analyse réalisée, il m’a été possible de comprendre ces objectifs, qui trouvent origine dans le désir tant des concepteurs que des personnes faisant partie du cadre de donner la possibilité aux jeunes du quartier de sortir de la pauvreté et de l’environnement de la favela. Cet objectif que nous pouvons définir comme étant ‘général’ d’aide à la jeunesse, s’articule de différentes manières dans les discours des acteurs : il comprend notamment la volonté de transmettre des valeurs (comme par exemple la communication non-violente) et des compétences de différents genres (musicales, artistiques, de culture générale, etc.). Il comprend aussi le désir d’offrir un environnement sécurisé au sein duquel les jeunes peuvent trouver un espace pour se développer et développer leur potentiel, pour vivre sereinement du moins une partie de leur journée, apprendre des nouvelles choses, être curieux et développer un sens critique qui puisse leur permettre de réfléchir et aspirer à atteindre un ‘état de vie meilleur’. Ce dernier point semble être particulièrement important pour Fernanda, qui à plusieurs reprises décrit l’association comme étant ‘une lumière dans le quartier’ et qui exprime le désir de permettre aux jeunes de devenir des citadins critiques. Les objectifs de l’association et de l’école de musique comprennent tout aussi bien des aspects plus identitaires comme par exemple le fait de montrer aux jeunes qu’ils ont la capacité d’apprendre un nombre indéfini de choses, allant de la lecture et l’écriture, jusqu’à la musique, l’informatique, l’art, etc. Cela aurait, d’après les interviewés, un impact positif sur la perception de soi des élèves, et sur leur perception du monde et des possibilités qu’ils peuvent cueillir. Un autre élément de l’objectif de l’association est celui sur lequel Fernanda, Dora et Vitor insistent : offrir aux jeunes la possibilité de voir autre chose, de visiter des nouveaux endroits et connaître des nouvelles personnes et réalités, ce qui permettrait aux élèves d’avoir une vision plus élargie du monde et des possibilités qui s’offrent à eux. Tous ces objectifs se regroupent donc sous un seul propos général qui est celui d’aider les jeunes à atteindre ‘un état de vie meilleure’ pour employer les mots de Jenny. Afin d’atteindre cet objectif, l’association opère sur plusieurs niveaux. Une forte cohérence caractérise l’association sur ce point, puisque l’objectif est partagé par tous les acteurs (qui ont été interviewés) faisant partie du cadre, mais tout aussi bien par les jeunes, qui font activement partie du processus d’évolution de l’association et jouent un rôle actif dans leur propre formation dans le cadre de l’école de musique. Leurs besoins sont en effet compris et se voient remplis par l’objectif de l’association ; ceci contribue à rendre l’ONG cohérente à son interne. Le travail que l’association Casa dos Curumins réalise pourrait donc être (fortement) résumé en une phrase :

elle ouvre, rend visible et rend cohérentes des opportunités pour les jeunes de la favela en opérant sur plusieurs niveaux et plusieurs éléments à la fois.

Une deuxième voie d’exploration de ce travail concerne le côté contextuel de l’association : notamment comment elle arrive à s’insérer dans le contexte socio-culturel et politique de la favela. Le lecteur aura remarqué dans ce travail, que la Casa dos Curumins offre un cadre qui est opposé, sous différents aspects, à celui dans lequel elle opère, et pourtant elle s’y insère de manière naturelle. Cela est expliqué par Alessandra, Fernanda et Dora, qui affirment que l’association bénéficie d’un grand respect dans le quartier (un fort indice de cela est que, contrairement à toutes les habitations se trouvant à côté, elle n’a jamais subi d’effractions depuis ses 10 ans d’opérât), mais surtout elle est très appréciée.

Dora raconte que la liste d’attente pour faire partie de l’association est aussi longue que le nombre de jeunes y étant déjà, et cela en se basant uniquement sur le bouche-à-oreille comme moyen de se faire connaître. L’association offre des possibilités non seulement aux jeunes, mais en quelque sorte aussi aux familles : elle donne par exemple l’occasion d’assister aux concerts du groupe de musique, qui commence à devenir de plus en plus connu (en ce moment, 2018, ils ont participé à une transmission télévisée suite à leur collaboration avec une artiste de São Paulo), outre des aides matérielles comme la distribution d’habits et nourriture qui est organisée pour les familles les plus dépourvues.

L’association joue donc un rôle non seulement pour les jeunes, mais pour toute la communauté. Tous ces éléments, et probablement aussi le fait que le personnel de l’association provient en grande partie des favelas et connaît donc bien la réalité que les jeunes et les familles vivent, permettent à l’ONG de s’insérer dans un contexte plus large qui est bien différent du cadre qu’elle offre.

Concernant la Banda dos Curumins et la musique, il est possible de voir que la musique constitue une ressource symbolique importante pour les personnes participant au groupe de musique, tant pour les professeurs comme pour les élèves ; cela pourrait être possible que les professeurs aient transmis de quelque manière leur façon de voir et se servir de la musique afin de donner un sens à leurs vies et leurs expériences. Que cela soit le cas ou pas, la musique joue un rôle fondamental dans la vie des professeurs, tout comme le groupe de musique (et la musique) joue un rôle très important dans la vie des jeunes y faisant partie.

Si je devais résumer en une phrase la Casa dos Curumins et l’école de musique, je dirais qu’il s’agit d’institutions qui, en prenant les destinataires dans le processus d’évolution, évoluent de manière cohérente et rendent des nouvelles voies accessibles aux jeunes.

6.2. Ouvertures

S’agissant jusqu’ici d’un travail exploratoire, cela serait intéressant de pouvoir mieux approfondir certains aspects afin d’atteindre une meilleure compréhension de l’association. Le premier de ces points concerne les différences rencontrées en comparant ce travail avec les travaux de Muller Mirza et Perret-Clermont, d’après qui des décalages seraient nécessaires à l’évolution d’un dispositif. Afin de mieux comprendre ces différences, une recherche longitudinale pourrait être de grand aide. En analysant dans le temps l’évolution de l’association, il serait possible de mieux comprendre le processus évolutif en lien avec la présence ou absence de décalages dans les discours des différents acteurs, mais il serait aussi possible de mieux comprendre comment les jeunes participants sont activement pris dans le processus et comment ils contribuent à l’évolution du dispositif.

Au moment de la réalisation de ce travail le dispositif est cohérent, mais est-il cohérent à tout moment ou bien il y a-t-il des moments où la présence d’un décalage lui permet de réaliser un saut dans son évolution ? Ceux-ci seraient quelques questionnements intéressants à analyser.

Le deuxième point permettant de pousser plus loin la compréhension du travail de l’association, est en relation avec le travail de Hundeide à Jakarta. En découvrant après quelques années les parcours entrepris par les jeunes faisant partie du groupe de musique et de l’association, cela serait possible de mieux analyser l’institution en se servant du modèle de Hundeide, et donc de mieux comprendre si et de quelle manière l’association ouvre en effet pour les jeunes avec qui elle travaille, de nouveaux life-paths possibles ou en rend congruents certains qui ne l’étaient pas auparavant.

6.3. Conclusion personnelle sur la réalisation du travail

Maintenant que le travail proprement dit est terminé, j’aimerais partager avec le lecteur ce que la réalisation de ce dernier a représenté pour moi.

En effet cette recherche a comporté toute une série d’apprentissages, mais aussi de frustrations. Pour commencer, il m’a permis de découvrir ce que signifiait mener un travail de recherche d’une certaine taille, avec les difficultés et les petites victoires que cela comporte. L’expérience de partir sur un terrain qui est loin de la maison et où il n’y a donc pas beaucoup de marge d’erreur (car si les données ne sont pas utilisables, ce n’est pas tout simple de s’y rendre à nouveau pour refaire les entretiens) a été extrêmement enrichissante. Il a fallu apprendre à coordonner les besoins de la recherche et le manque de temps sur le terrain pour pouvoir comprendre et survenir à ces besoins.

Comme le lecteur peut bien l’imaginer et comme cela arrive à tout chercheur, il a aussi fallu apprendre à gérer les hauts et les bas survenant lors des transcriptions et des analyses. En transcrivant les entretiens le sentiment plus commun était en effet celui de la frustration : ‘pourquoi j’ai pas approfondi ça ?’, ‘j’aurais dû relancer ici, ça avait l’air intéressant’, ou encore ‘j’ai dit quoi là ?!’. Alors que lorsque cela a été le moment de passer aux analyses, je passais de ‘oh là, c’est bien ça !’, à ‘ouais bon…’. Mais tout ce processus, y compris les hauts et les bas, les moments d’espoir et ceux remplis par le sentiment de défaite, a permis la création de ce travail et m’a donné l’occasion d’apprendre énormément de choses, à propos du travail de chercheur, mais aussi à propos de moi-même et de mon terrain.

Avec le recul qu’il n’est possible d’avoir qu’une fois la rédaction du travail terminée, je considère que plusieurs choses auraient dû être faites différemment, mais globalement ce travail m’a permis de réaliser un important développement personnel, et ça me rend heureuse de l’avoir mené à bien.

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