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2. Aspects théoriques

2.5. La cadre théorique

2.5.6. Auteurs

Dans ce dernier sous-chapitre du cadre théorique je vais vous présenter les travaux de deux auteurs, desquels je vais me servir lors du chapitre de la discussion.

2.5.6.1. L’analyse d’un projet de formation au Madagascar, par Muller Mirza

Muller-Mirza dans des nombreux travaux s’est intéressée aux décalages qui peuvent survenir lors de la rencontre des motivations des concepteurs d’un dispositif de formation et celles qui amènent les destinataires d’un tel dispositif à y participer. Sa recherche a lieu à Madagascar, où une ONG suisse implémente une projet de formation destiné aux paysans malgaches. Avec son travail l’auteure explore tant le point de vue des concepteurs du projet, que celui de ses bénéficiaires, en analysant les décalages et la manière dont ceux-ci sont affrontés et résolus. L’objet principal de son travail étant de découvrir comment le dispositif est perçu et interprété par ses usagers, son postulat est que :

l’élaboration et l’implémentation d’un dispositif s’inscrivent de fait dans des interactions entre différents acteurs qui participent à une situation de communication, dont les différents éléments sont objets de représentations et d’interprétations, sont référés à des univers d’activités spécifiques, et sont alors travaillés, transformés, dans des relations parfois conflictuelles, souvent asymétriques.

(Muller Mirza, 2002b, p. 11).

Les situations de formation d’adultes peuvent être associées à des espaces où « se déroule une

rencontre entre deux groupes, ancrés dans des pratiques, orientés par des objectifs et des enjeux spécifiques » (Muller, Perret-Clermont, & Marro, 2000, p. 6). Les acteurs du dispositif

sont donc vus comme étant :

des participants à une situation de communication :

- En tant que porteurs de représentations, d’attentes explicites ou implicites… qui ne coïncident pas toujours ;

- Jouant avec leurs identités réciproques : les identités revendiquées ne correspondant pas nécessairement à celles qui sont attribuées […] ;

- S’étonnant des nouvelles symétries et asymétries émergeantes dans ces conditions […] ; - Reformulant et réinventant la définition même de la situation […].

(Muller et al., 2000, p. 6)

En se servant de la démarche comparative utilisée dans l’étude au Madagascar, Muller-Mirza et Perret-Clermont (2016) montrent que la même intention n’est pas interprétée de la même manière par les différents partenaires du programme de formation, et que toute la conception et l’implémentation du dit programme est profondément influencée par les dynamiques des relations existant entre les concepteurs et les bénéficiaires, mais aussi par les traditions de ces différents groupes. Un dispositif d’intervention ne serait pas en effet, selon les auteures, un processus linéaire, mais plutôt un objet qui est interprété par des groupes et individus situés dans des systèmes d’activités différents ; il s’agit donc d’un processus qui se développe à travers les décalages et contradictions et qui est donc une potentielle source de changement (Muller Mirza & Perret-Clermont, 2016).

Le cadre du travail présenté ci-dessus n’est pas exactement le même que celui du dispositif que je m’apprête à explorer. Toutefois la recherche de Muller-Mirza représente un élément très intéressant pour mon travail puisque, tout comme cette auteure, je vise à explorer les points de vue des différents acteurs d’un dispositif de formation implémenté par une ONG suisse, afin de les mettre en confrontation pour en dégager les éventuels décalages et en observer et comprendre le fonctionnement.

2.5.6.2. Les life-paths de Karsten Hundeide

Hundeide (2005) part de l’idée que :

one way of looking at development is to picture the developing person as embarking, metaphorically, on a journey in a socio-historical landscape with different paths or tracks, leading to different destinations depending upon in which position in the landscape the person is located / situated. On this journey there are some stops or stations where other tracks are crossing, leading to other destinations, and it is at these points that possibilities arise to change direction and jump on another train … to a new destiny.

(Hundeide, 2005, p. 242)

L’auteur souligne l’importance du contexte socio-historique et culturel dans lequel le développement de l’individu a lieu : les lignes du développement existeraient en dehors des individus, au même titre que le langage, et ce serait à la personne de trouver sa place et son parcours à l’intérieur de ce panorama de possibilités (Hundeide, Socio-cultural Tracks of Development, Opportunity Situations and Access Skills, 2005). D’après l’auteur ce concept est bien visible dans les sociétés fortement divisées en classes sociales (comme celle que nous retrouvons au Brésil) : en effet le fils d’un propriétaire foncier et celui d’un travailleur agricole n’ont pas les mêmes opportunités de carrière devant eux, et leur entourage ne s’attend pas les mêmes choses d’eux (Hundeide, Socio-cultural Tracks of Development, Opportunity Situations and Access Skills, 2005). L’auteur continue sa réflexion en affirmant que ces « tracks » ou « paths » comprennent tout un paquet identitaire, aussi complexe comme le nombre de facteurs qui peuvent les influencer et qui en font partie, comme par exemple l’ethnie, le sexe, la classe sociale, les objectifs personnels, le réseau social, le niveau et type d’éducation, etc. (Hundeide, Socio-cultural Tracks of Development, Opportunity Situations and Access Skills, 2005).

Hundeide (2005) développe dans son travail un modèle qui explique le concept de « situation d’opportunité » :

Figure 2 : A model of psychological 'opportunity situation' (Hundeide, 2005, p. 248)

Ainsi donc, à un certain instant de sa vie, l’individu se trouve dans une « position existentielle », qui comprend tant son paquet identitaire, que le contexte dans laquelle la personne se trouve . A partir de cette position l’individu peut voir des opportunités et leurs respectives trajectoires (a, b et d), mais une seule trajectoire est possible et congruente avec la situation de la personne, les autres possibilités étant soit non perceptibles (c), soit non atteignables (b), ou encore non congruentes (d) (Hundeide, Socio-cultural Tracks of Development, Opportunity Situations and Access Skills, 2005). D’après l’auteur, dans cette situation le choix a n’est pas forcément dicté par la réflexion, mais est choisi simplement parce qu’il correspond à la voie naturelle à entreprendre. Dans le contexte de mon travail, pour les enfants issus des familles pauvres de la favela et qui n’ont pas accès à une bonne éducation ou à d’autres opportunités, le choix a étant la voie naturelle, elle comporte un grand risque puisqu’il s’agit souvent de travailler dans la criminalité afin de tenter d’assurer un revenu suffisant à leur permettre de survivre.

Hundeide applique ce modèle au cours d’une étude qu’il réalise auprès d’enfants d’un slum à Jakarta. Il observe que le choix entre la scolarisation, le travail dans le marché ou le travail en tant que polisseur de chaussures, détermine si ces individus vont travailler dans le slum en tant que nettoyeurs urbains ou s’ils vont pouvoir sortir du slum pour vivre dans la ville (Hundeide, 1989). Dans le système d’opportunités du slum, certaines positions ont des sorties alors que d’autres n’ont pas ; pour pouvoir accéder à ces ouvertures il est nécessaire d’avoir ce que l’auteur appelle des « access skills », c’est à dire des capacités qui rendent la personne qualifiée pour accéder à un certain « life-track » ou « life-path » (Hundeide, 1991).

L’auteur présente les différentes manières possibles pour intervenir dans le cas où des « life-tracks » négatifs seraient les options plus plausibles pour les individus, comme cela pourrait être le cas pour les jeunes d’une favela :

1. En rendant disponibles des voies qui ne le sont pas en donnant les « access skills » nécessaires ;

2. En montrant les voies qui sont possibles mais ne sont pas perçues ;

3. En donnant accès à des voies qui sont possibles mais pas congruentes pour la personne. (Hundeide, 2005)

a reflection of his individual characteristics—though they are certainly part of it—but in addition there were preformed institutionally estab-lished identities and life-tracks or ‘lifestyle clusters’ (see Figure 1, central part) that he entered into or appropriated, in his special way. He could accept these identities and lifestyle clusters because they were more congruent and plausible in relation to his background experience, that is, his losses, humiliations and oppositional experi-ences, his bitterness towards society, his isolation and initial identity formation. Despite all his disadvantages, the neo-Nazi-movement was able to accommodate him—something the official social authorities could not.7

Opportunity Situations

In order to further the theoretical analysis I need to introduce the concept of ‘opportunity situation’.8 This refers both to which tunities are available in his social environment, and which oppor-tunities the actor (P) can perceive as relevant and available from his position. This is a perspectivistic model which refers to the limitations involved in being in a certain position—in this case an existential position (Hundeide, 1985; Mannheim, 1936). This is illustrated in Figure 2. A person P is located in a certain existential position A (based Culture & Psychology 11(2)

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Figure 2. A model of psychological ‘opportunity situation’

P in A: Existential position Choice-point in P’s opportunity situation Available, c but not perceived Not available life-tracks b d a Possible, congruent life-tracks or careers

A perspectivistic model of P’s perception of his/her opportunity situation of possible life-tracks from a certain existential position.

Available, but not congruent life-tracks

Hundeide explique que pour qu’un développement ou changement personnel ait lieu, un certain nombre de processus doivent prendre place, ainsi que l’on peut le voir dans la figure ci-dessous :

Figure 3 : A model of change through social support (Hundeide, 2005, p. 256)

According to this model, it is not enough merely to obtain some new access-skills (2) and learn the ‘hidden curriculum’ and a new presentational style, because this is part of a package which also contains a new self-definition (1), a reself-definition of the past and the self-definition of a new future as a ‘new person’ with a new life-career where new competencies become relevant. […] But for this to take place, there is a need for social support (3), a ‘tutor’ who can mediate and inspire him to embrace this new life opportunity and at the same time support him to acquire the new self-image with all its expressive manifestations and skills.

(Hundeide, 2005, p. 256).

L’auteur souligne donc le fait que le développement individuel ne peut être compris qu’en prenant en compte ce qu’il appelle le niveau supra-individuel, donc le contexte social, historique et culturel au sein duquel la personne se développe (Hundeide, 2005).

Le modèle présenté ici peut se relever être très intéressant pour mon travail puisque l’association Casa dos Curumins essaye de donner des nouvelles opportunités aux jeunes de la favela en leur offrant des cours, des formations, et un endroit sécurisé avec des adultes qui les soutiennent et leur transmettent un certain nombre de type de valeurs, qui ne correspondent pas à ceux présents dans l’environnement habituel de ces jeunes, et qui pourraient donc potentiellement leur ouvrir des nouveaux « life-paths » possibles.

The Prerequisites for Personal Change and the Acquisition of New Skills

But development and personal change is more than mastering some meta-cognitive access skills related to the situation, as indicated in Figure 4. According to this model, it is not enough merely to obtain some new access skills (2) and learn ‘the hidden curriculum’ and a new presentational style, because this is part of a package which also contains a new self-definition (1), a redefinition of the past and the defi-nition of a new future as a ‘new person’ with a new life-career where new competencies become relevant. Assume that our candidate is going to become a ‘public school boy’ in the British tradition. In order for this to happen, there first of all needs to be an opportunity situation not only in an objective sense (the presence of this type of school, economy, etc.), but also as a subjective and relevant (motivational) possibility for this person (4). This new opportunity has to be relevant and congruent with his self- aspirations—with the kind of person he aspires to become, with all that is involved in (1): a new person, a new future, redefinition of the past, a new expressive style, ‘manners’ and, very importantly, new cognitive competencies and knowledge and (2): for example, conversational skills about exclusive topics like ‘fox hunting’ and other domains of ‘marked’ social knowledge belonging to the privileged class. But for this to take place, there is a need for social Culture & Psychology 11(2)

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Figure 4. A model of change through social support

Redefinition of self (1)

past and future:

New presentational skills New motivation and hope

Access skills (2) Social support (3)

metacognitive ‘scaffolding’ and contextual skills confirmation from and ‘style’ a trusted Other

Relevant opportunity situation (4)

seeing new opportunities in one’s situation/environment

Personal change, new competencies and development into a new life track

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