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épidémiologiques et géologiques

5.4.5. Conclusions et perspectives

L’approche éco-épidémiologique de nos enquêtes consistait à rechercher dans l’environnement des cas de mésothéliome les sources naturelles de fibres d’amiante et les facteurs de dispersion de ces fibres. Une approche géologique et minéralogique exhaustive n’entrait pas dans le cadre du présent projet pour des raisons de budget et de temps. Le programme de cartographie détaillée et d'inventaire communal des sites aménagés potentiellement amiantifères, financé par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a démarré dans la commune de Houaïlou et s’est poursuivie dans les autres communes à risque.

Cette approche nous a permis :

- d’identifier les roches porteuses de fibres amiantifères et leur contexte géologique, - de mettre à jour la présence d’un facteur de risque d’exposition majeur : l’utilisation

Mésothéliome et amiante environnemental en NC Page 173 - de constater la non concordance entre l’occurrence des cas et l’exposition au Pö,

même trémolitique.

Dans ce projet, la dangerosité des matériaux a été vérifiée :

- par la présence de fibres dans les frottis de tous nos échantillons observés en microscopie optique à lumière polarisée ;

- par la présence de minéraux asbestiformes de la famille des amphiboles ou des serpentines, avec l’analyse minéralogique.

Les possibilités de la microscopie électronique n’ont pas pu être totalement utilisées dans le cadre de cette étude, notamment l’étude de la taille des fibres couplée à l’analyse chimique, qui pourrait peut-être être un facteur d’explication des différences de risque constatées.

L’amiante environnemental en Nouvelle-calédonie

Le couplage données épidémiologiques/données géologiques a montré que la principale source environnementale d’amiante était représentée par les filons de serpentinites, associés aussi bien à l’unité de la Boghen qu’aux schistes métamorphiques du Nord ou aux massifs de péridotite.

L’analyse des cartes géologiques à petite échelle (1 / 200 000) montre qu’il n’y a guère en Nouvelle-Calédonie de zones qui ne soient situées à moins de cinq kilomètres d’un affleurement potentiellement amiantifère, ou du moins d’un affleurement reconnu et cartographié comme tel (Baumann et al, 2007). La confrontation critique du terrain avec les cartes géologiques plus précises (1 / 50 000) met en évidence que ces dernières sont déficientes à plusieurs égards : la précision, la nature des roches, l’appartenance à telle ou telle unité manquent. La plupart de ces documents n’a pas été mis à jour depuis plus de vingt ans. Un inventaire cartographique géologique apparait nécessaire dans toutes les régions où des cas de mésothéliome d’origine environnementale ont été enregistrés.

Facteurs de risque d’exposition

Les cas étudiés présentent, pour la plupart, différents facteurs de risque possibles. Tous les cas nés avant 1960 dans une tribu ont vécu dans une case en torchis durant leur enfance, mais pour seulement deux tiers d’entre eux celle-ci était recouverte de

Mésothéliome et amiante environnemental en NC Page 174 fibreux. Par ailleurs il est troublant de noter que dans certaines tribus où la pratique du Pö était largement répandue, comme la tribu d’Ateu où tous nos échantillons de terre blanche sont constitués de trémolite, et où nos analyses montrent que ce Pö était saturé en fibres, aucun cas de mésothéliome n’a été signalé. Il conviendrait d’analyser plus en détail ces fibres ; leurs dimensions, leurs formes ou leur contexte pourraient peut-être expliquer la plus ou moins grande nocivité du matériau.

Nous avons noté plusieurs professions à risque possible, mais seul un mineur présente le temps de latence suffisant après le début de son activité pour être pris en considération.

Nos enquêtes ont montré que les cas avaient une relation de proximité avec les routes les plus empruntées (transversale ou territoriale de bord de mer), qui n’ont été goudronnées qu’à la fin des années 90 pour la plupart dans ce secteur. Ce résultat renforce l’une de nos hypothèses, qui concluait la 1ère étape sur la région de Houaïlou-Bourail. De nombreuses carrières de serpentinite ont été relevées aussi bien le long de la transversale que le long de la route de bord de mer, des tribus de Kokengone jusqu’à Ometteux. Ce matériau friable est facilement et préférentiellement extrait comme revêtement pour les pistes dans les zones rurales. Ces pistes représentent encore actuellement une source d’exposition non négligeable. Le risque peut alors exister à plusieurs niveaux :

- habitants des tribus situées le long ou sous le vent de ces pistes, - enfants et jeunes jouant dans les carrières,

- ouvriers travaillant à la voierie,

- passagers de véhicules empruntant le réseau de pistes.

D’autres études et analyses complémentaires sont nécessaires pour confirmer nos résultats. Les recommandations sont lourdes de conséquence car elles touchent à l’aménagement du territoire :

- interdire les travaux en zone de serpentinite et l'exploitation des serpentinites comme matériaux,

- trouver des ressources en matériaux de substitution,

- remplacer les revêtements de piste constitués de serpentinite par des matériaux neutres.

Mésothéliome et amiante environnemental en NC Page 175 - de procéder à un inventaire hiérarchisé des sites amiantifères aménagés,

- de reconnaître les tronçons de route revêtus avec des matériaux serpentineux.

A ce stade de notre étude, il n’était pas possible de hiérarchiser les différents facteurs de risque étudiés.

Facteurs de dispersion

Les fibres d’amiante elles ne sont libérées que lors d’une dégradation la roche, qui peut être d’ordre mécanique et/ou chimique. Les dégradations mécaniques résultent de l’action anthropique et se résument à l’activité extractive, qu’il s’agisse de l’exploitation de ressources naturelles (nickel, matériaux, pierre savon) ou de l’aménagement (carrière, voierie, bâtiments). Les dégradations chimiques correspondent à l’altération des roches dans le temps, leurs actions sur les fibres étant variables.

Afin d’évaluer le risque potentiel représenté par des roches amiantifères, il faudrait prendre en compte :

- le potentiel de dispersion des fibres : nature physique du sol, sa dénudation et son érosion naturelle ou anthropique, facteurs météorologiques (sécheresse/pluies, vents dominants) et aérologie des fibres (dimension, forme) ;

- le potentiel de contact des fibres avec la population: encaissement, densité du couvert végétal filtrant, nocivité des fibres transportées, etc.

Conclusions et perspectives

L’étude régionale de la région de Koné-Touho-Poindimié confirme la complexité du problème posé par l’exposition environnementale à l’amiante en Nouvelle-Calédonie, dévoilée par la première étape sur la région de Houaïlou-Bourail. Le Pö n’est pas toujours amiantifère, il ne concerne pas l’ensemble des cas, et la maladie est absente dans des secteurs où le Pö trémolitique a été largement utilisé ; il n’est donc probablement pas le seul facteur de risque du mésothéliome. Il faut noter que quelques habitations ont échappé à cette campagne destruction/reconstruction des cases à Pö trémolitique.

Mésothéliome et amiante environnemental en NC Page 176 Nos travaux ont mis à jour l’existence d’un facteur de risque important : l’utilisation de serpentinite potentiellement amiantifère comme matériau pour recouvrir les pistes. Ce problème ne concerne plus la route territoriale de bord de mer ni la transversale de Koné-Tiwaka qui sont goudronnées depuis des années. Cependant il persiste sur les routes secondaires qui représentent un kilométrage considérable. Suite à nos résultats, la mise au point d'un capteur basé sur les propriétés magnétiques des serpentinites a été financée par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie afin de recenser les tronçons de piste concernés.

Les analyses minéralogiques des échantillons, dans les différents secteurs où des cas de mésothéliome avaient été notifiés, ont montré la présence d’un risque associé à des roches de la famille des serpentines. Comme sur le secteur Houaïlou-Bourail, le risque parait peu important dans des secteurs plus riches en amphiboles. L’explication viendrait-elle d’un facteur lié à la dimension ou à la forme des fibres que l’on rencontre dans l’environnement calédonien ?

Afin d’évaluer le risque actuel, un test d’utilisation de capteurs passifs (plaquettes de dépôt) a été réalisé dans les régions de Houaïlou-Bourail et de Koné-Touho-Poindimié pour mettre en évidence la présence des fibres dans l’air. Bien que la méthodologie soit à améliorer, et n’ait pu être utilisée qu’à titre qualitatif, les résultats ont montré l’omniprésence de fibres dans tous les secteurs à risque testés.

En dernière étape, une étude éco-épidémiologique a été mise en place sur un vaste secteur de la Nouvelle-Calédonie, prenant en compte à la fois des zones où le mésothéliome a été enregistré et des zones indemnes de cas, afin d’évaluer la part des différents facteurs de risque évoqués: Pö trémolitique, présence de fibres de serpentine ou d’amphibole dans les affleurements, encaillassement des routes avec de la serpentinite, activité minière, etc. Cette étude ne pouvait se réaliser qu’après la poursuite de l’enquête épidémiologique sur l’ensemble des cas recensés de mésothéliome en Nouvelle-Calédonie, afin d’évaluer les incidences de la maladie dans toutes les tribus du territoire.

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5.5. Extension de l’enquête épidémiologique à tous les cas de

mésothéliome malin pleural recensés en NC de 1984 à