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4 AUTRES DÉRIVÉS ET COMPOSÉS

2.2.3 Conclusions de l’analyse des dictionnaires

Avant de présenter les préoccupations des chercheurs en didactique du lexique, ayant généralement, comme nous, des expériences d’enseignement, et d’analyser en quoi elles peuvent converger avec celles des lexicographes, nous allons tenter de synthétiser les caractéristiques communes aux différents dictionnaires analysés et de faire ressortir celles qui paraissent incontournables dans la conception d’un dictionnaire de collocations du lexique scientifique transdisciplinaire (LST) dans une perspective d’aide à la rédaction. Nous remarquons d’abord un principe général d’organisation, commun à l’ensemble des dictionnaires s’attardant à recenser ou à décrire les collocations : l’accès à la collocation par la base, laquelle est, le plus souvent, de nature nominale et classée par ordre alphabétique. Quelques dictionnaires seulement proposent d’autres accès. Par exemple, dans le

Dictionnaire d’apprentissage du français des affaires, certaines collocations sont accessibles par recoupements sémantiques autour d’une famille de mots, et seul le dictionnaire d’Antidote propose un double encodage systématique des collocations. Si ce double encodage n’est pas généralisé, nous croyons que c’est simplement faute d’espace, puisqu’il s’agit d’une façon de faciliter l’accès aux collocations pour les usagers, et il s’agit là de l’objectif principal des dictionnaires spécialisés analysés.

Quant au traitement des collocations, il varie énormément d’un dictionnaire à l’autre, tout comme la structure des articles. Néanmoins, certains types de collocations sont presque systématiquement recensés en français, soit les collocations [Nom + Adjectif], [Verbe (+ préposition) + Nom], [Nomsujet + Verbe] et [Nom + préposition + Nom]. Cependant, la

façon dont sont présentés ces types de collocation dans les dictionnaires sélectionnés diffère sous plusieurs aspects qui peuvent être analysés à partir des pistes de modélisation des collocations de Grossmann et Tutin (2003 : 9) déjà présentées en 2.1.6 : la description 1) du sens de la collocation lorsqu’elle est opaque et de ses propriétés syntaxiques, 2) de sa relation sémantique et 3) de la relation syntaxique liant le collocatif à la base. La troisième piste est celle qui est appliquée le plus souvent. En effet, parmi les dictionnaires de langue générale, le Dictionnaire des combinaisons de mots et le Oxford Collocations Dictionary indiquent de façon systématique le patron syntaxique des collocations, ce qui se fait implicitement dans le Grand Dictionnaire des cooccurrences. C’est cette information qui sert dans ces trois dictionnaires pour classer et organiser les collocations au sein des articles.

Cohen (1986, 2011) suit également cette piste dans son Lexique de cooccurrents : bourse et conjoncture économique, de même que Binon et al. (2000) dans le Dictionnaire

d’apprentissage du français des affaires.

La majorité de ces dictionnaires (tous sauf le Grand Dictionnaire des cooccurrences) proposent, de manière systématique également, un sous-classement sémantique des collocatifs, ce qui permet de donner accès à des informations sur la relation sémantique reliant les deux éléments de la collocation, parfois sans ajout d’explication, de formule ou d’autre renseignement, cette relation de sens étant déduit par les usagers, notamment dans le Dictionnaire des combinaisons de mots et le Oxford Collocations Dictionary. Pour la décrire, certains dictionnaires procèdent toutefois par description plus explicite. Dans le Lexique de cooccurrents (1986, 2011), de grandes catégories sont établies en fonction du domaine : croissance, neutre/indéterminé, déclin; elles correspondent ici aux cycles de l’activité économique. Liées au domaine, ces catégories sémantiques sont facilement accessibles aux usagers du dictionnaire de spécialité, puisque ceux-ci n’utiliseraient pas un tel dictionnaire s’ils n’avaient pas déjà une certaine connaissance du domaine. Le DAFA explore aussi cette façon de faire plus explicite mais en proposant des étiquettes

sémantiques (TYPE DE VENTE, CARACTÉRISATION DE LA VENTE, MESURE DE LA VENTE…) inspirées des fonctions lexicales, comme dans le Lexique actif du français, lesquelles sont parfois accompagnées de symboles, notamment des flèches qui indiquent une hausse ou une baisse, etc. Dans le Lexique actif du français, c’est à l’aide de formules que sont précisés les liens sémantiques : paradigmatiques (ex. : Contrastif) ou

syntagmatiques (ex. : Nom pour W, X, Y, Z; Faite pour X, Y, Z...). Dans un souci de décrire le sens de toutes les collocations, ses auteurs ont multiplié ces formules et les énumèrent au fil des articles, ce qui a pour effet, à notre avis, d’annuler l’effort déployé pour révéler l’aspect systémique du lexique. En effet, l’abondance de formules, si elle peut être utile au langagier, ne permet pas au simple usager de percevoir les récurrences au sein du système lexical ou de repérer rapidement la collocation recherchée grâce à un sous-classement sémantique. Au contraire, dans le Lexique de cooccurrents et le Dictionnaire

d’apprentissage du français des affaires, les sous-classements qui sous-tendent la

Enfin, on remarque que la première piste de Grossmann et Tutin (2003 : 9) proposant une description du sens de la collocation lorsqu’elle est opaque et de ses propriétés syntaxiques est plus rarement appliquée dans les ouvrages. D’abord, par définition, les collocations sont rarement opaques (ce sont les locutions qui le sont), et les dictionnaires spécialisés dans ce phénomène linguistique visent plus une fonction d’encodage que de décodage. C’est donc du côté du dictionnaire de spécialité que l’on trouvera un exemple où le sens de la

collocation est décrit : dans le Dictionnaire analytique de la distribution, par exemple, un ouvrage qui s’adresse à la fois « à tous ceux qui désirent comprendre le monde de la distribution » (Dancette, dans la préface du Dictionnaire analytique de la distribution) et aux traducteurs, aux étudiants… qui doivent également rédiger des textes sur ce domaine. Les objectifs de ce dictionnaire dépassent donc ceux du dictionnaire de production, d’encodage, mais sa clarté et la sobriété avec laquelle les auteurs réussissent à illustrer les collocations et à mettre en relation différents termes du domaine, que ce soit dans les précisions sémantiques, les relations internotionnelles ou les exemples en contexte, méritent toute l’attention. La présence d’exemples peut être notée également dans plusieurs

dictionnaires; ils sont généralement extraits ou inspirés de corpus de manière à représenter l’usage. Quant aux propriétés syntaxiques des collocations, certaines sont décrites dans plusieurs des ouvrages, comme la place de l’adjectif, dans le Dictionnaire des combinaisons de mots et le Lexique actif du français notamment. D’autres relations formelles sont

également mises en relief dans quelques dictionnaires, comme, dans le Lexique de

cooccurrents, la possibilité qu’une même base appelle des collocatifs dérivés, de la même famille.

Toutes ces données convergentes puisées dans l’expérience lexicographique seront à prendre en compte dans la conception de l’« objet » que nous élaborons ici, rappelons-le, un modèle d’article de dictionnaire de collocations du lexique scientifique transdisciplinaire (LST), mais la simple présence des différents éléments au sein d’un article ne suffit pas dans une perspective didactique pour l’élaboration d’un tel dictionnaire d’encodage. En effet, comme pour un dictionnaire d’apprentissage, après avoir regroupé les informations, il est essentiel de :

- les présenter de façon claire, structurée et modulable, de façon à favoriser l’intégration, la mémorisation, c.-à-d., la construction du savoir, ce qui suppose une didactisation poussée et une typographie/un graphisme, une présentation (à l’écran) appropriés,

- rendre ces informations facilement accessibles en multipliant les voies d’accès.

(Binon, Selva et Verlinde, 2002 : 12).

Ainsi, les préoccupations pédagogiques des lexicographes peuvent rejoindre celles des enseignants de langue et des chercheurs en didactique du lexique, ce que nous explorerons dans la section suivante.