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À partir de 1984, le législateur, par une série de lois, a apporté les premiers changements en profondeur d’adaptation du système judiciaire mis en place en 1960.

Cette réforme avait pour objectifs de rapprocher la justice du justiciable, de faciliter la compréhension du dispositif institutionnel, d’étendre le principe de la collégialité aux juridictions de base, de classer les juridictions selon l’importance de leur contentieux. Ces objectifs alliés à une fixation des postes budgétaires des juges et parquetiers tant au niveau des cours qu’à celui des juridictions d’instance devraient se traduire par une amélioration de la gestion des personnels magistrats et du fonctionnement des juridictions sur la base de l’existence de tableaux prévisionnels légalement fixés du nombre et des fonctions de magistrats pouvant être exercées au sein des juridictions du pays.

La mise en application de la réforme a fixé une articulation entre l’organisation administrative et l’organisation judiciaire, pour donner en lieu et place des tribunaux de première instance et des justices de paix, des tribunaux régionaux et des tribunaux départementaux, l’éclatement de la Cour d’appel en quatre cours d’appel (Dakar, Kaolack, Saint-Louis et Ziguinchor).

La réforme de 1984 a certes apporté des modifications dans l’organisation institutionnelle et dans le modèle de distribution de la justice par l’introduction, d’une part, de nouvelles règles de déploiement de la justice, et, d’autre part, par la consécration du principe de collégialité pour les juridictions du premier degré ; mais elle a péché par son absence de prévision de postes budgétaires pour les juges d’instruction ainsi que pour les autres personnels judiciaires nécessaires au bon fonctionnement des juridictions.

En tout état de cause, jusqu’aux années 2000, faute de mesures d’accompagnement, d’une politique de recrutement conséquente et de politiques d’ajustement structurel ayant profondément réduit les ressources budgétaires de l’État, toutes les régions ainsi que les départements n’avaient pas de juridictions fonctionnelles, et aucune nouvelle Cour d’appel n’a été ouverte non plus ; de facto, il y avait toujours la Cour d’appel de Dakar traitant le contentieux d’appel de l’ensemble des tribunaux régionaux et des appels des tribunaux

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départementaux en matière correctionnelle comme par le passé, alors que de jure existaient quatre cours d’appel.

En outre, la plupart des tribunaux régionaux, surtout ceux de l’intérieur, continuaient à siéger à juge unique, faute de magistrats suffisants au siège.

Au total, à part le changement de dénomination et des modifications formelles, la réforme de 1984 n’a pas apporté de changements significatifs, ni dans l’ossature institutionnelle qui a gardé sa structure pyramidale, ni dans sa philosophie d’unité de juridiction à dualité de contentieux, et encore moins dans le fonctionnement au quotidien de la justice.

Il faut toutefois saluer la suppression de la Cour de sûreté de l’État qui marquait la volonté de l’État sénégalais de se débarrasser des juridictions d’exception. À l’aune de cette volonté exprimée, certains juristes ont considéré que l’absence de mention de la CREI dans l’organisation judiciaire pouvait s’assimiler à une abrogation tacite.

Le système ne connaîtra pas de réformes d’envergure jusqu’en 2014, malgré les insuffisances de la réforme de 1984. Il connaîtra cependant des réformes sectorielles touchant essentiellement la Cour suprême et les cours d’appel.

D’abord, la Cour suprême va passer d’un éclatement total en trois entités autonomes en 1992 avec la création sur ses cendres du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour de cassation à un regroupement partiel pour renaître sous une nouvelle Cour suprême regroupant cette fois-ci les compétences de la Cour de Cassation et du Conseil d’État à nouveau supprimés.

Ensuite, la Cour des comptes, qui, sur recommandation d’une directive de l’UEMOA, avait été créée sur les flancs du Conseil d’État en 1999, survivra à la réforme de 2008.

Enfin, les Cours d’appel verront leurs Cours d’assises se professionnaliser en se délestant des jurés et en introduisant l’obligation de motivation des arrêts et la possibilité d’appel contre les décisions rendues en première instance.

Des réformes de procédure sont également intervenues dans les années 2000 avec l’institution du juge de la mise en état, du juge de l’application des peines et des peines alternatives à l’incarcération, ainsi qu’avec l’institution de commissions telles que celle de

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l’aide juridictionnelle et celle relative à l’indemnisation des victimes de détention suivie d’une décision de relaxe ou de non-lieu.156

La deuxième grande réforme n’interviendra qu’en 2014, soit trente ans après la première. Elle va, dans le sillage de la première, tenter de rapprocher davantage la justice du justiciable, en privilégiant cette fois-ci la logique économique au lieu de l’arrimer mécaniquement à la logique administrative qui, de toute manière, avait montré ses limites avec la création et l’installation de juridictions non viables qui n’ont pas corrigé la macrocéphalie des juridictions de Dakar.

Ce changement de philosophie, tout en entrainant un changement de dénomination des juridictions de base qui deviennent des TGI et des TI, allait également entrainer une nouvelle répartition des compétences entre CA, TGI et TI. Les TGI, dessaisis d’une partie de leurs compétences au profit des TI, se voient attribuer des compétences en matière criminelle avec la création des chambres criminelles en leur sein.

La réforme de 2014 allait donc gommer partiellement les insuffisances des prévisions budgétaires en matière de gestion du personnel magistrat, en prévoyant des postes budgétaires spécifiques aux juges d’instruction. Elle a néanmoins continué à occulter les autres catégories professionnelles qui concourent pourtant à l’œuvre de justice (administrateurs des greffes, greffiers en chef, greffiers, archivistes, secrétaires interprètes, cadis, etc.)

156 Loi organique n° 2008-35 du 7 août 2008 portant création de la Cour suprême. La dite loi exigeait un décret d’application pour la mise en œuvre des dites commissions. L’allégement apporté par la réforme constitutionnelle de 2017 de la Cour suprême consiste au transfert de la mise en fonction desdites commissions au Premier Président de la Cour suprême.

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