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Dans un contexte d’obligation nationale de former les enseignants du premier degré – dans le cadre de leur formation continue –, nous avons choisi d’analyser l’activité de conception d’une formation à distance, par l’intermédiaire d’un dispositif hybride, mêlant enseignement à distance et présentiel.

L’analyse, portée par le cadre théorique faisant intervenir la double approche et l’approche instrumentale, cherchait à mettre en évidence les représentations des formateurs concernant leur fonction enseignante. La question qui se posait alors était : « Quelles pratiques de

formation sont en jeu dans les formations à distance ? ».

À travers le filtre de la médiation prévue pour les apprenants, nous avons cherché à identifier les moyens d’action des formateurs pour pallier à certains obstacles liés aux distances plurielles du dispositif hybride. L’absence du formateur peut être appréhendée comme un manque, ou, si elle est médiée par des dispositifs interactifs, comme une présence à distance. L’accompagnement prend alors tout son sens et s'appuie sur des dispositifs qui permettent notamment le suivi des apprenants, et les échanges entre formateurs et apprenants. Ces dispositifs sont proposés par la plate-forme LMS utilisée dans le cadre de la formation des personnels de l’Éducation nationale, M@gistère. Mis à disposition des formateurs et des apprenants, des outils tels que le forum, les espaces de travail collaboratifs, etc., ne suffisent cependant pas en eux-mêmes à créer du lien et de la médiation. Les formateurs notent une difficulté d’implication des apprenants dans le parcours de formation à distance, un engagement qui est sans commune mesure avec leur propre implication dans la conception de leurs parcours. Un artefact qui semble faire consensus, tant de la part des formateurs qui l’ont employé que de ceux qui n’en ont pas encore eu l’occasion – pour diverses raisons liées à des compétences techniques et pédagogiques –, est la classe virtuelle. Ce dispositif de communication synchrone à distance repose sur le principe de la visio-conférence, rendant possible diverses actions telles que prendre la parole, se voir, partager les écrans, visionner des documents, et réaliser des actions. La faisabilité de la séance en classe virtuelle repose cependant sur des conditions techniques et logistiques optimales.

On remarque donc une transposition des pratiques présentielles à distance, et non la construction de nouvelles pratiques qui seraient caractérisées par de nouveaux types de médiations telles que l’utilisation de documents dynamiques, des feedback anticipés par le formateur, des vidéos interactives, etc.

La question des stratégies d’apprentissage développées par les formateurs a été évoquée à travers le prisme de la composante cognitive. Les situations d’enseignement-apprentissage intervenant lors d’une formation à distance n’ont pu être comparées à celles d’un présentiel, scénario et syllabus n’étant pas, pour les formateurs, transposables. En l’absence d’éléments de comparaison, nous avons relevé les stratégies d’apprentissage uniquement dans les parcours de formation à distance créés par les formateurs. Déclarées principalement comme une démarche collaborative, et socioconstructiviste, elles reposent en fait sur une médiatisation des contenus, et les apprenants sont mis en situation d’acteurs selon le principe inspiré de la pédagogie inversée. Le parcours de formation est conçu par les formateurs pour permettre aux apprenants de prendre connaissance à distance des ressources mises à disposition et de planifier l’organisation des mises en activités demandées, à leur rythme, dans un temps imparti estimé par le formateur. Le dispositif, hybride, intègre un présentiel, organisé selon les choix opérés par le formateur et les contraintes qui pèsent sur la scénarisation de son parcours. Ce temps de réunion, très attendu par les apprenants, permet d’échanger, discuter, questionner, et ajoute véritablement une valeur dans la mesure où les apprenants sont actifs (Lamontagne, 2016) et ont accès à ce dont ils ne peuvent bénéficier autrement. L’activité en présentiel, qui ponctue le parcours, est vécue par les formateurs comme facilitante, ils ne pensent pas que certaines tâches ou apprentissages puissent être empêchés par la distance, mais reconnaissent la difficulté pour les apprenants de travailler seuls, sur ordinateur, et en l’absence du formateur. Cependant le bénéfice de la formation à distance ne leur semble pas discutable, et tous les formateurs sont convaincus de la pertinence d’un tel dispositif d’enseignement-apprentissage, bien qu’ils émettent des réserves concernant leur approche actuelle de l’accompagnement et du suivi des apprenants. Il y a donc un décalage entre les intentions des formateurs et ce qui transparaît dans la description des pratiques : une part importante de transmission de contenus statiques, les aspects collaboratifs sont incités mais sans qu’il n’y ait de passage obligé par une co-construction, et la rétroaction de la situation se fait sous forme d’échanges synchrones avec un fort risque que cet échange ne permette pas la remise en cause des représentations initiales des apprenants comme cela devrait être le cas lors d’une démarche socioconstructiviste.

L’analyse des genèses personnelles et instrumentales des formateurs a mis en avant les liens entre l'artefact plate-forme de formation, le dispositif de formation instrumenté et la médiation pragmatique des échanges. L’approche anthropocentrée de l’activité instrumentée développée par Rabardel, (1995a) permet de considérer les médias, technologies, matériaux didactiques et

pédagogiques, outils méthodologiques, et techniques professionnelles comme des artefacts significatifs et interdépendants. Leur prise en compte dans l’analyse de l’activité de conception du parcours nous ont permis d’étudier les genèses instrumentales des formateurs. Et de constater, à l’instar de Caron, Becerril-Ortega, & Réthoré, (2010), que la production d’objets pédagogiques est plus difficile à acquérir en formation à distance, car elle nécessite des compétences impliquant différents savoirs instrumentaux.

Enfin, en nous appuyant sur les composantes institutionnelle, personnelle et sociale de notre cadre théorique, nous avons extrait des éléments de réponse quant à la possible modification de la fonction enseignante sous cette forme distante d’enseignement. Les formateurs s’accommodent des contraintes institutionnelles, continuent de s’appuyer sur les pratiques collaboratives de production de parcours de formation, et n’envisagent pas leur rôle d’enseignant à distance comme différent du présentiel. Cependant, la conception de parcours à distance fait appel à d’autres compétences, spécialisées en technopédagogie (Paquette, 2002) que tous ne maîtrisent pas. L’expertise nécessaire aux formateurs, selon Gérin-Lajoie & Potvin, (2011), repose sur l’expertise spécifique à l’enseignement distant et l’utilisation des TIC pour enseigner à distance. Les formateurs sont demandeurs de formation pour acquérir cette expertise, notamment ceux qui constatent que leurs parcours de formation n’atteignent pas les objectifs visés en termes d’efficience.

Ce travail de recherche, restreint à l’analyse des représentations de quatre formateurs sur leurs pratiques, met en avant une transposition des pratiques présentielles et un décalage entre le modèle souhaité par le formateur et le modèle que nous percevons comme étant à l’œuvre. Cela pose la question de la formation des formateurs. Le nouveau référentiel de compétences des formateurs du premier degré45 a bien intégré les responsabilités liées à la formation à distance, cependant quelle est la nature de ces nouvelles compétences ? Comment est-elle définie, par quels savoirs ? Et par ailleurs, toute une génération de formateurs a été formée antérieurement à la rénovation du CAFIPEMF.

Néanmoins, pour achever ce travail sur une note positive, nous conclurons qu’un formateur est un enseignant avant tout, et de citer Tony Bates : « Un bon enseignement peut compenser un mauvais choix technologique, mais une bonne technologie ne pourra jamais remplacer un bon enseignement » (cité par Glikman, 2014).

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