• Aucun résultat trouvé

Conclusion

Dans le document POLITIQUE DE CHANGE DE L EURO (Page 68-77)

Dans ce chapitre, nous avons passé en revue différentes explications à la faiblesse récente du dollar. Puis nous avons comparé plusieurs mesures pos-sibles des taux de change d’équilibre de long terme. Trois résultats émergent :

• la faiblesse récente du dollar s’explique par l’évolution de la position extérieure nette américaine, le retournement de la politique monétaire de la Réserve fédérale et des anticipations des marchés, et le changement struc-turel d’allocation des portefeuilles dans le monde ;

• les différentes théories disponibles fournissent des indications très différentes sur les taux de change d’équilibre selon l’horizon auquel on se place (moyen terme, long terme, très long terme) et selon les hypothèses concernant l’ajustement des comptes courants (ampleur de l’ajustement souhaité, élasticités-prix du commerce, prise en compte ou non des effets de valorisation) ;

• néanmoins, toutes ces théories amènent à conclure que le dollar et l’euro étaient surévalués en termes effectifs réels à la fin de l’année 2007, le diagnostic étant moins clair sur le taux de change bilatéral euro/dollar.

Ces résultats ont trois implications pratiques :

• bien qu’il apparaisse surévalué en termes effectifs réels, l’euro ne se dépréciera pas nécessairement dans les mois à venir, notamment par rap-port au dollar, en raison des modifications encore en cours dans les alloca-tions internationales d’actifs. Depuis le milieu de l’année 2007, les politi-ques monétaires se sont avérées divergentes entre les États-Unis et la zone euro. Même si la baisse des taux d’intérêt américains pourrait être arrivée à son terme, une politique monétaire plus expansive aux États-Unis qu’en zone euro continue à se justifier car :

– le compte-courant américain n’a pas fini de s’ajuster à la hausse. Or cet ajustement correspond comptablement à une hausse de l’épar-gne domestique. Il doit donc s’accompal’épar-gner d’une croissance moindre, voire même d’une période de récession aux États-Unis ; – contrairement à la BCE, la Fed n’a pas comme objectif priori-taire la lutte contre l’inflation et réalise donc un arbitrage diffé-rent face à la résurgence de la hausse des prix ;

• la rapidité de la dépréciation du dollar, en particulier depuis le début de l’année 2007, pose des problèmes évidents d’adaptation pour les entre-prises de la zone. Néanmoins, une telle brutalité présente aussi des avantages : – dans la mesure où la chute du dollar n’est pas parfaitement anti-cipée, elle permet un ajustement puissant des positions extérieu-res nettes par effets de valorisation, ce qui réduit le besoin d’ajus-tement des comptes courants ;

– les fluctuations fortes mais limitées dans le temps des taux de change peuvent être absorbées grâce aux marchés dérivés ; ce n’est pas le cas des modifications durables des taux de change réels.

En bref, il est possible qu’une chute forte du dollar se substitue à une faiblesse moins marquée mais plus durable du dollar. Or, un tel scénario est cohérent avec des taux d’intérêt plus faibles aux États-Unis que presque partout ailleurs : les investisseurs n’acceptent de détenir des actifs peu ré-munérés aux États-Unis que s’ils anticipent un redressement de la monnaie américaine, à défaut de reprendre confiance dans la sécurité des actifs amé-ricains ;

• si le dollar et l’euro sont surévalués en termes effectifs réels, c’est qu’ils doivent tous deux se déprécier face à d’autres monnaies. Depuis 2001, le dollar américain s’est fortement déprécié par rapport à l’euro, au dollar canadien et, dans une moindre mesure, à la livre Sterling et au won coréen (voir graphique 6). Le yuan chinois a commencé à s’apprécier en juillet 2005, à un rythme qui s’est accéléré à la fin de l’année 2007. Mais il reste un chemin considérable à parcourir pour atteindre les valeurs d’équilibre estimées. L’appréciation du yen est encore plus récente.

6. Appréciation nominale par rapport au dollar, 2001-2008

Source : Datastream.

Ceci pose le problème des régimes de change en Asie et du rythme d’ap-préciation de la monnaie chinoise. Toutefois, le nœud du problème ne ré-side peut-être pas tant dans les régimes de change que dans le développe-ment encore insuffisant des marchés financiers dans d’autres monnaies que l’euro et le dollar. Le graphique 7 illustre la polarisation du marché finan-cier international sur deux monnaies : l’euro et le dollar. Cette polarisation est de nature à accentuer l’appréciation de l’euro lorsque les investisseurs réduisent la part du dollar dans leurs portefeuilles, la monnaie européenne étant vue comme le seul support alternatif à leurs investissements en dollars.

80

2002 2004 2005 2006 2007

2001

0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000 12 000

Obligations internationales Instruments dumarché monétaire Obligations internationales Instruments du marché monétaire En milliards de dollars (décembre 2007)

Dollar américain (USD) Euro Livre sterling Yen Franc suisse Dollar de Hong-Kong (HKD) Dollar australien (AUD)

Une solution à la polarisation du marché des changes résiderait dans l’émergence en Asie d’une troisième monnaie internationale, permettant aux investisseurs qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles de ne pas se reporter uniquement sur l’euro. Des initiatives comme l’Asian Bond Initia-tive (destinée à développer le marché obligataire asiatique) vont dans ce sens. Mais en l’absence de monnaie véritablement dominante dans la ré-gion, la création d’une monnaie panier (Asian Currency Unit) serait sans doute un complément utile. Comme l’ECU en son temps, un ACU pourrait permettre aux détenteurs de portefeuille de détenir des actifs asiatiques tout en diversifiant le risque de change intra-régional et en limitant les coûts de transaction.

7. Stocks de titres internationaux

Source : BRI (2008).

Annexe A

Un modèle BEER parcimonieux

Le logarithme du taux de change effectif réel à la période t, qt, est ici défini comme le prix relatif du panier de biens étrangers par rapport aux biens domestiques : qt augmente lorsque la monnaie nationale se déprécie.

Il est expliqué par le logarithme des termes de l’échange, tott, la position extérieure nette rapportée au PIB à la fin de la période t, nfat, et le loga-rithme de la productivité relative dans le secteur des biens non échangeables comparativement à celui des biens échangeables, zt(1):

(A1) qt = f tot nfa z

(

t, t, t

)

Cette équation est estimée par une technique de panel cointégré, sur des données annuelles de 1980 à 2005 pour un échantillon de quinze pays mem-bres du G20, soit le G7 augmenté des principales économies émergentes.

Les données sont issues des World Development Indicators (Banque mon-diale) et de la base en ligne de Lane et Milesi-Ferretti (2001 et 2007b).

Malheureusement, il n’existe pas de base de données cohérente de produc-tivité dans les secteurs de biens échangeables et non échangeables pour notre échantillon de pays. Ici, nous utilisons comme mesure pour zt le rap-port des indices de prix à la consommation (CPI) et à la production (PPI) relativement au même rapport dans le reste de l’échantillon (termes notés avec une astérisque)(2) :

(A2) /

/

t t

t

t t

CPI PPI z Log

CPI PPI

⎛ ⎞

= ⎜ ⎟

⎝ ⎠

(1) tott et zt sont exprimés relativement à la moyenne pondérée des autres pays de l’échan-tillon.

(2) Voir notamment MacDonald (1997), Alberola et al. (1999 et 2002), Schnatz et al. (2003).

Voir Bénassy-Quéré et al. (2008a) pour une analyse comparative avec une autre mesure de productivité.

Les résultats d’estimation de l’équation (A1) sont présentés dans le ta-bleau ci-dessous. Les signes obtenus sont cohérents avec la théorie : le taux de change réel s’apprécie (q diminue) dans le long terme si la position exté-rieure nette (nfa) augmente, si les termes de l’échange (tot) s’accroissent ou si la productivité relative des biens échangeables par rapport aux biens non échangeables (z) augmente comparativement au reste du monde. Les estimations montrent qu’une hausse de 10 points de pourcentage des avoirs extérieurs nets entraîne une appréciation de l’ordre de 3 % du taux de change effectif réel, tandis qu’une hausse de 10 % de la productivité relative con-duit à une appréciation de 8 à 9 %. Dans le texte, les résultats des désajustements sont basés sur ces estimations, la position extérieure nette étant à son niveau d’équilibre (voir Bénassy-Quéré et al., 2008a).

A1. BEER, résultats d’estimation en panel cointégré

Notes : (*) Significatif à 1 %. t de Student entre parenthèses.

Source : Bénassy-Quéré et al. (2008a)

Variable dépendante :q nfa tot ζ

– 0,283(*)

(– 3,37) – 0,419(*)

(– 8,73) – 0,878(*) (15,14)

Bien que différent de zéro, l’impact de la position extérieure nette sur le taux de change réel est limité. Par exemple, une baisse des avoirs extérieurs nets américains de 10 % par rapport au PIB entraîne une dépréciation de l’ordre de 3 % du dollar dans le long terme. Cette plasticité des portefeuilles internationaux face aux déséquilibres est peut-être surestimée par l’appro-che BEER qui repose sur les comportements passés des détenteurs de por-tefeuilles. Cela conduit à considérer l’impact des déséquilibres mondiaux sur les taux de change comme relativement bénin dans le long terme.

Annexe B

Le taux de change d’équilibre selon l’approche FEER

Le FEER est calculé en logarithmes comme suit :

(B1) t t

(

1

) (

t

)

m x

feer q ca uca

mβ xβ m

= + −

⎡ + − ⎤

⎣ ⎦

où qt désigne le logarithme du taux de change effectif réel observé, ucat le compte courant sous-jacent (le compte courant qui aurait été observé si la production avait été à son niveau potentiel) et ca la cible de compte cou-rant (le niveau de compte coucou-rant jugé « soutenable »). Les coefficients dans la fraction représentent les élasticités-prix des exportations (βx) et des importations (βm), ainsi que les ratios des exportations et importations au PIB (x et m respectivement)(*).

Le compte courant sous-jacent est quant à lui déterminé par (voir Isard et Faruqee, 1998) :

(B2) ucat = cat + (mβm + xβx ) (0,4dqt + 0,15dqt–1 ) + mψm ogt – xψx ogt où ogt, ogt désignent respectivement l’écart de production dans le pays con-sidéré et dans le reste du monde à la date t (ces écarts de production sont ici calculés à l’aide d’un filtrage Hodrick-Prescott), et dqt, dqt–1 représentent les variations du taux de change effectif réel entre les dates t – 1 et t, d’une part, t – 2 et t – 1, d’autre part. Les élasticités revenu des exportations et des importations sont fixées à 1,5, comme dans le modèle Multimod : ψx = ψm = 1,5.

(*) Nous utilisons ici les élasticités du modèle Multimod du FMI : pour les pays industriels, βx = 0,71 et βm = 0,92 ; pour les pays en développement, βx = 0,53 et βm = 0,69.

*

*

Références bibliographiques

Alberola E., S.G. Cervero, H. Lopez et A. Ubide (1999) : « Global Equili-brium Exchange Rates: Euro, Dollar, ‘Ins’, ‘Outs’and Other Major Currencies in a Panel Cointegration Framework », IMF Working Paper, n° 99/175.

Alberola E., S.G. Cervero, H. Lopez et A. Ubide (2002) : « Quo vadis Euro? », European Journal of Finance, vol. 8, n° 4, décembre.

Algieri B. et T. Bracke (2007) : « Patterns of Current Account Adjustment », ECB Working Paper, n° 762, juin.

Balassa B. (1964) : « The Purchasing-Power Parity Doctrine: A Reappraisal », Journal of Political Economy, n° 72, pp. 584-596.

Bénassy-Quéré A. (2002) : « Euro/dollar : tout le monde peut se tromper », La Lettre du CEPII, n° 215, septembre.

Bénassy-Quéré A., S. Béreau et V. Mignon (2008a) : « Equilibrium Exchange Rates: A Guidebook for the euro/dollar », CEPII Working Paper, n° 2008-02.

Bénassy-Quéré A., S. Béreau et V. Mignon (2008b) : « Perspectives à moyen et long termes sur le taux de change de l’euro » in CEPII, L’Écono-mie mondiale 2009, La Découverte.

Blanchard O., F. Giavazzi et F. Sa (2005) : « International Investors, the US Current Account, and the dollar », Brookings Papers on Economic Activity, n° 1, pp. 1-65.

Cheung Y.W., M.D. Chinn et A.C. Garcia-Pascual (2005) : « Empirical Exchange Rate Models in the Nineties: Are Any Fit to Survive? », Journal of International Money and Finance, n° 24, pp. 1150-1175.

Clark P. et R. MacDonald (1998) : « Exchange Rates and Economic Funda-mentals: A Methodological Comparison of BEERs and FEERs », IMF Working Paper, n° 98/00.

Engler P., M. Fidora et C. Thimann (2007) : « External Imbalances and the US Current Account: How Supply-Side Changes Affect the Exchange Rate Adjustment », ECB Working Paper, n° 761, juin.

Faruqee H. (1995) : « Long-Run Determinants of the Real Exchange Rate: A Stock-Flow Perspective », IMF Staff Papers, vol. 42, n° 1, pp. 80-107.

Fratzscher M., L. Juvenal et L. Sarno (2007) : « Asset Prices, Exchange Rates and the Current Account », ECB Working Paper, n° 790, août.

International Monetary Fund (2006) : « Methodology for CGER Exchange Rate Assessment », IMF Research Department, 8 novembre.

International Monetary Fund (2007) : World Economic Outlook, avril.

Isard P. et H. Faruqee (1998) : « Exchange Rate Assessment: Extensions of the Macroeconomic Balance Approach », IMF Occasional Paper, n° 167, Washington DC.

Lane P.R. et G.M. Milesi-Ferretti (2001) : « The External Wealth of Na-tions : Measures of Foreign Assets and Liabilities for Industrial and Developing Countries », Journal of International Economics, n° 55, pp. 263-294.

Lane P.R. et G.M. Milesi-Ferretti (2007a) : « Europe and Global Imbalances », Economic Policy, juillet, pp. 519-573.

Lane P.R. et G.M. Milesi-Ferretti (2007b) : « The External Wealth of Nations Mark II: Revised and extended Estimates of Foreign Assets and Liabi-lities, 1970-2004 », Journal of International Economics, vol. 73, n° 2.

MacDonald R. (1997) : « What Determines the Real Exchange Rate? The Long and the Short of It », IMF Working Paper, n° 97/21, janvier.

Meese R.A. et K. Rogoff (1983) : « Empirical Models of the Seventies:

Do They Fit out of Sample? », Journal of International Economics, n° 14, pp. 3-243.

Obstfeld M. et K. Rogoff (2004) : « The Unsustainable Current Account Position Revisited », NBER Working Paper, n° 10869, octobre.

Obstfeld M. et K. Rogoff (2005) : « Global Current Account Imbalances and Exchange Rate Adjustments », Brookings Papers on Economic Activity, n° 1, pp. 67-146.

Rogoff K. (1996) : « The Purchasing Power Parity Puzzle », Journal of Economic Literature, n° 34, pp. 647-668.

Samuelson P. (1964) : « Theoretical Notes on Trade Problems », The Review of Economics and Statistics, p. 145-154. compléter

Schnatz B., F. Vijselaar et C. Osbat (2003) : « Productivity and the (‘Syn-thetic’) euro/dollar Exchange Rate », ECB Working Paper, n° 225, avril.

Williamson J. (1985) : The Exchange Rate System, Institute for Internatio-nal Economics, Washington DC.

Williamson J. (2006) : The Target Current Account Outcomes, Mimeo, Peterson Institute for International Economics, Prepared for the Seminar on Global Imbalances ‘Time for Action’, Washington DC, février 2007.

Chapitre 3

L’euro et le marché des changes : l’angle des opérateurs de marché

Gilles Bransbourg

Conseil financier indépendant et enseignant à Sciences Po

Dans le document POLITIQUE DE CHANGE DE L EURO (Page 68-77)