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1.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons vu comment mettre en place un interféromètre atomique en utilisant des transitions Raman stimulées à deux photons. Nous avons également vu comment extraire l’information de l’accélération subie par les atomes à partir du déphasage des franges d’interférence. Nous avons alors distingué deux cas : celui où les atomes étaient soumis à une accélération constante comme pour un gravimètre et pour lequel nous réalisons un interféro-mètre en simple diffraction et celui où les atomes étaient dans un régime de faibles accélérations et de faibles vitesses comme cela peut être le cas lorsque l’expérience est en micropesanteur ou, au sol, lorsque les faisceaux Raman utilisés sont horizontaux et pour lequel nous réalisons un double interféromètre en simple diffraction. Dans cette configuration, les transitions Raman sont dégénérées et nous créons simultanément deux interféromètres symétriques. Ceci présente l’avantage de pouvoir séparer les contributions inertielles et non-inertielles au déphasage. Ceci sera particulièrement utile lors de l’estimation des effets systématiques comme nous le verrons au chapitre 5.

Nous avons également étudié la réponse de l’interféromètre aux vibrations de son en-vironnement. Nous avons également décrit plusieurs méthodes d’analyses nous permettant d’extraire des informations de nos données malgré le bruit de notre environnement dans le cas d’un interféromètre double espèce. Parmi toutes ces méthodes, la plus utilisée sur l’expérience reste la méthode FRAC. En effet, même si elle rajoute un biais à nos mesures à cause de l’accéléromètre mécanique nécessaire à sa mise en place, elle fonctionne quelque soit la valeur de la phase différentielle entre les deux interféromètres. En outre, contrairement à la méthode Bayésienne, aucune information sur le bruit de l’expérience n’est nécessaire.

Nous verrons au chapitre 5 qu’une des applications possibles de l’interférométrie atomique est d’utiliser les atomes pour faire de la navigation inertielle. Dans ce cas, l’analyse des données interférométriques sera différente puisque les vibrations font partie intégrante du signal.

Chapitre 2

Dispositif expérimental

L’expérience ICE a été pensée dans le but de tester le principe d’équivalence faible à un niveau de précision de 10−10. Cela correspond à un temps d’interrogation de l’ordre de la seconde si l’on considère un rapport signal à bruit de 1000. Atteindre de longs temps d’interrogations sur Terre implique la construction de gros appareils comme la fontaine de Stanford [46]. Un autre choix pour augmenter le temps d’interrogation reste de s’affranchir de la chute des atomes. L’expérience a donc été conçue pour fonctionner en micropesanteur à bord de l’avion ZERO-G qui réalise des vols paraboliques. Cet environnement particulier a des conséquences directes sur le dispositif expérimental qui seront détaillées dans une première partie. Nous verrons ensuite l’architecture du système laser et les choix technologiques qui ont abouti à une source stable et compacte. Nous verrons enfin les éléments composant la chambre de science.

2.1 Contexte des campagnes de vol

2.1.1 Campagne de vol dans l’avion A310 ZERO-G

Plusieurs fois par an, la société Novespace réalise des campagnes de vol scientifiques à bord d’un airbus A310 ZERO-G. Ainsi, plus d’une dizaine d’expériences allant de la phy-sique fondamentale, à la biologie en passant par des études de physiologie ou la préparation d’astronautes ont accès à un environnement de micropesanteur. Suivant les campagnes, ces expériences sont sélectionnées par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) ou le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES).

L’expérience ICE effectue entre une et deux campagnes de vol par an. Une campagne se déroule sur deux semaines. La première est utilisée pour installer, préparer et mettre aux normes de sécurité les expériences à bord. Les vols se déroulent durant la seconde semaine. Il s’agit avant tout d’un laboratoire volant ou l’on peut agir physiquement sur l’expérience. A l’heure actuelle, ICE en est à sa douzième campagne de vol, elle possède donc 6 heures de microgravité à son actif.

Lors d’un vol, l’avion réalise trente et une paraboles réparties par groupe de cinq, espacées de cinq minutes. Les paraboles sont séparées d’environ une minute. Entre chaque groupe de paraboles, l’avion vole de façon stabilisée à 6 km d’altitude. Trois pilotes sont nécessaires à la réalisation d’une parabole, chacun contrôlant un paramètre différent de l’avion. Au début de la parabole, l’avion est cabré pendant 20 s afin d’atteindre une assiette de 45. Les expériences sont alors en phase d’hypergravité puisque l’on ressent à bord une accélération de 1.8 g (figure 2.1). L’avion entre ensuite dans une phase d’injection, durant laquelle les pilotes annulent la

2.1. Contexte des campagnes de vol

portance et réduisent la poussée des moteurs, pour compenser la traînée. L’appareil, qui ne subit plus que la force de gravité, décrit une parabole de 20 s durant lesquelles les personnes ainsi que les expériences dans l’avion sont en micropesanteur. A la fin de cette phase, les pilotes redressent l’avion jusqu’à retrouver le vol stabilisé, ce qui engendre de nouveau une phase d’hypergravité pendant 20 s.

Altitude (m) 8500 7500

6000 Figure 2.1 – Avion A300 ZERO-G de Novespace (gauche) et schéma de la parabole qu’il effectue (droite) [47].

Les vols paraboliques ne sont pas le seul moyen d’avoir accès à la micropesanteur. Sur Terre, la tour de chute libre du ZARM [48] permet 9 secondes de chute libre si l’expérience est catapultée. Travailler sur ce genre d’expérience implique de gros efforts d’ingéniérie afin d’aptater une expérience complexe à une capsule prédéfinie. Il y a aussi des expériences conçues pour fonctionner sur des fusées-sondes[49] qui offrent plusieurs minutes de micropesanteur. Et, bien entendu, la station spatiale internationale [50] et les satellites [51] offrent des temps de micropesanteur bien plus longs mais sont nettement moins accessibles et impliquent une autonomie complète de l’expérience.

Les vols paraboliques restent donc un bon compromis entre le temps de micropesanteur de trente minutes par campagne et la répétition des campagnes dans une année. De plus, même si l’expérience doit être compacte, elle reste facilement accessible et des modifications sont toujours possibles. Enfin, la possibilité pour les expérimentateurs d’agir sur les expériences en cas de problème n’est pas négligeable.

2.1.2 Contraintes liées aux vols paraboliques

Les vols paraboliques sont un bon moyen d’accéder à un environnement de micropesanteur, toutefois, faire fonctionner une expérience d’interférométrie atomique à bord d’un avion reste un vrai défi. Cet environnement particulier à des conséquences directes sur la façon de conce-voir l’expérience puisque elle doit être mobile, résistante aux vibrations et aux rotations ainsi qu’aux variations de température.

Tout d’abord, l’expérience doit être transportable pour effectuer les trajets entre le labo-ratoire et l’avion. Pour cela, elle est répartie sur différents racks compatibles avec les règles de sécurité de l’avion ( figure 2.2). Chaque rack ne peut pas dépasser 200 kg et doit avoir un centre de gravité le plus bas possible.

Ensuite, le laboratoire volant qu’est l’A-300 ZERO-G permet aux expérimentateurs de pouvoir modifier les paramètres de leurs expériences à bord. Toutefois, il n’est pas aisé de contrôler ses mouvements lors d’une phase de 0g, par conséquent, il est compliqué de changer les paramètres de l’expérience pendant une parabole. Or, comme nous l’avons vu au chapitre 1, l’interféromètre atomique ne fonctionne pas de la même manière en 1g (interféromètre simple diffraction) et en 0g (interféromètre DSD). Pour pouvoir prendre des données dans les deux cas, une certaine automatisation de l’expérience est nécessaire. Nous nous servons pour cela de l’accéléromètre mécanique (Colibrys) fixé au dos du miroir de référence. Cet AM

Chapitre 2. Dispositif expérimental

détecte les changements de gravité et un logiciel Labview adapte en conséquence les différents paramètres. Nous pouvons ainsi changer des paramètres (comme le temps d’interrogation) entre deux paraboles et accumuler des données en 1g et en 0g.

Chambre de science

Système laser Rack de controle Rack RF

Rack d'alimentation

Figure 2.2 – Expérience ICE à bord de l’A310 ZERO G lors de la campagne de vol d’avril 2017. Cette campagne était dédiée au rubidium, avec un nouveau système laser comme nous le verrons au dernier chapitre.

Enfin, lorsque l’expérience est installée à bord, elle doit être éteinte si aucun expérimentateur n’est présent. Nous devons, par exemple éteindre complètement l’expérience en partant le soir. Il est donc important que l’expérience n’ait pas un temps de chauffe trop important. Par exemple, l’expérience doit pouvoir être allumée et fonctionnelle en environ un quart d’heure. De plus, les températures à bord peuvent varier de plus de 20 au cours de la journée. Cela n’est pas sans conséquences sur la conception de l’expérience et les choix technologiques qui ont été faits, comme nous le verrons dans le sous-chapitre 2.2.

Travailler dans un avion n’a pas uniquement des conséquences techniques. En effet, un avion est un environnement bruité dans lequel le niveau de vibration est élevé. De plus, du fait de sa trajectoire, les rotations de l’avion sont très importantes lors des phases de micropesanteur. Les vibrations et les rotations ont des conséquences directes sur la façon dont fonctionne l’interféromètre atomique embarqué comme nous le verrons en détail au chapitre 5.