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Ce travail porte sur l’implantation et la conduite technique des palmeraies villageoises dans le bassin de production d’Edéa, au sud du Cameroun. Un échantillon de parcelles juvéniles et en production est construit pour parcourir une gamme contrastée de situations de parcelles et d’exploitations, ainsi que d’opportunités et de contraintes liées au contexte de la filière. Ce travail repose sur une double approche agronomique.

La première approche fondée sur la méthode du diagnostic agronomique régional permet d’identifier les facteurs limitant les rendements, les pratiques qu’ils mettent en cause et de

retracer a posteriori des trajectoires types de parcelles. Cette approche montre que les

conditions d'implantation de la palmeraie et de conduite en phase juvénile déterminent des limites de production dans les palmeraies devenues adultes, qu'il n'est pas possible de rattraper. En effet, la plantation de matériel végétal tout-venant et les mortalités importantes en phase juvénile (plus de 25%), affectent gravement le potentiel de production d’une parcelle, mais ces problèmes spécifiques des palmeraies villageoises étaient connus. En revanche, les analyses foliaires ont révélé un nouveau facteur limitant : une déficience de la nutrition azotée en palmeraie adulte, consécutive à l’implantation sur un sol appauvri en azote, par les cultures vivrières qui précédent ou qui sont associées à la jeune palmeraie. D’autre part, la conduite en production en l’absence de fertilisation potassique suffisante provoque des déficiences potassiques, qui apparaissent plus ou moins rapidement selon le précédent. Ces déficiences potassiques et les pertes de production liées à la préparation et à l’organisation de la récolte sont des facteurs limitants qui découlent de la conduite en production, qui ne sont pas spécifiques des plantations villageoises.

La seconde approche est fondée sur une analyse compréhensive de la constitution de la sole de palmeraie dans les exploitations, en retraçant l'historique des conditions d'installation de chacune des parcelles. Elle montre que la constitution de la sole dépend des capacités d'investissement des agriculteurs dans un contexte très évolutif, qui détermine les conditions d'accès aux conseils et aux intrants (matériel végétal compris), l'accès au foncier, et les facilités d'écoulement des régimes liées aux volumes produits, aux distances à l'agro-industrie et aux infrastructures. Cette approche révèle qu’entre 1978 et 1991, de jeunes agriculteurs créent leurs premières palmeraies sélectionnées grâce à l’appui du projet FONADER, tandis que ceux qui ne bénéficient pas du projet plantent des palmiers tout-venant. Globalement, cette période est marquée par la création de palmeraies par des ruraux qui constituent leur sole à des rythmes lents, plutôt à proximité des huileries et avec peu de facteurs limitants. Après 1991, ces ruraux réalisent des extensions de palmeraie hors projet, avec des palmiers sélectionnés s’ils bénéficient de l’appui technique d’une agro-industrie, sinon avec des palmiers tout-venant. De 1992 à 2006, c’est la période de développement spontané des palmeraies villageoises, elle se caractérise par la création de soles essentiellement par des urbains et par une forte pression foncière à proximité des huileries. Les urbains s’implantent dans leurs villages d’origines ou le long de la nouvelle route ouverte en 1985 entre Douala et Edéa. Leurs stratégies de conquête foncière les amènent à planter des palmeraies avec d’autant plus de facteurs limitants que la pression foncière est forte. Inversement, les efforts d’encadrement des agro-industries limitent l’apparition des facteurs limitants dans les soles.

Ce travail montre que, dans la situation actuelle de la filière, il faut reconsidérer les principes sur lesquels fonder le conseil technique pour développer la palmeraie villageoise. Il faut ainsi abandonner le principe de l’application à la parcelle d’un itinéraire technique normatif, en lui préférant une analyse de la situation avec l’agriculteur au regard de ses objectifs, ses contraintes et ses opportunités. Cette analyse doit permettre d’intégrer la diversité des situations de parcelles puisque les soles sont rarement homogènes, mais aussi les opportunités internes et externes à l’exploitation dont le planteur dispose. Il faut pour cela former les conseillers agricoles à construire une analyse globale de l’exploitation, afin d’aider le planteur à implanter et à conduire sa sole palmier.

Les déficiences azotées doivent être intégrées dans le contenu du conseil technique, à la fois pour les prévenir dans le cas de parcelles à implanter, mais aussi pour tenter de trouver des solutions de rattrapage pour les parcelles en place, dans le cadre de recherche à développer en partenariat avec des agriculteurs. C’est la principale nouvelle information technique à faire découvrir aux encadreurs.

Enfin, chaque type de planteur a des problèmes particuliers qui limitent la réalisation de ses projets d’implantation de palmeraies sélectionnées. Aussi, pour favoriser tous les planteurs, il convient de proposer des aides adaptées aux besoins de chacun. Néanmoins, les plus vulnérables restent les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer en créant leur première palmeraie sélectionnée. Assainir le marché des plants plantables chez les pépiniéristes privés est devenu un impératif majeur pour limiter la création de plantations villageoises tout-venant. La première démarche consiste à informer les planteurs et les pépiniéristes du caractère

hybride du palmier tenera et des endroits où ils peuvent s’approvisionner en semences de

palmier sélectionné et disposer d’une facture pour garantir la qualité des semences achetées. Ensuite, organiser la traçabilité de l’achat de la graine germée à la vente du plant serait une seconde étape.