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Conclusion générale et perspectives

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Conclusion générale et perspectives

Au cours de ces travaux, nous avons synthétisé et évalué biologiquement de nouveaux inhibiteurs du transport de l’iode, appartenant à deux familles chimiques : les dihydropryrimidinones et les tétrahydro-β-carbolines. A partir de deux têtes de file identifiées par criblage à haut-débit, ITB2 et ITB9, nous avons synthétisé deux chimiothèques d’analogues comportant chacune une centaine de composés. Les mesures d’IC50 contre l’incorporation d’iode dans les cellules FRTL-5, grâce au test

colorimétrique à l’iode froid mis au point au laboratoire, nous ont ensuite permis de développer un ensemble de relations structure-activité. La synthèse d’analogues ayant été contrainte par la disponibilité des réactifs et l’accessibilité synthétique, ces études SAR ne sont naturellement pas exhaustives et méritent d’être approfondies, particulièrement sur certaines positions d’ITB9 (X, N1, N3

et R4) et d’ITB2 (cycle A, taille du cycle C).

Puis, dans un deuxième temps, les résultats obtenus ont été exploités de deux manières : nous avons d’une part conçu et synthétisé une dizaine d’analogues « de seconde génération » dans chaque famille afin d’améliorer l’activité biologique ; d’autre part, afin d’identifier la (ou les) protéine(s)-cible(s) de chacun des inhibiteurs, une sonde photoactivable dérivée d’un inhibiteur particulièrement puissant été synthétisée (139 pour ITB9 et 288 pour ITB2), comportant un groupement photoactivable de type trifluorométhyldiazirine et une étiquette desthiobiotinylée. Cette sonde a ensuite été utilisée pour des expériences de photomarquage, en effectuant une optimisation partielle des conditions opératoires.

Pour ITB9, une famille de 115 composés a été générée par synthèse parallèle en utilisant la réaction multicomposants de Biginelli. La plupart des fragments d’ITB9 ont ainsi pu être explorés, mettant en évidence le rôle crucial joué par les substituants R4 et R5 sur l’activité biologique. Il est

cependant important de poursuivre les études sur la nécessité du lien ester, qui reste le principal « point faible » de cette famille pour une utilisation in vivo. Ces résultats nous ont ensuite conduits à la synthèse d’analogues de seconde génération comportant plusieurs modifications par rapport à la structure originale : six d’entre eux possèdent en particulier des IC50 inférieurs à 5 nM, ce qui

représente une amélioration d’un facteur jusqu’à 1 400 par rapport à la tête de file. Par ailleurs, la stéréochimie du carbone asymétrique C4 responsable de l’activité à été déterminée, avec des

rapports eudismiques allant jusqu’à 14 000. De la même façon, une chimiothèque d’une centaine de composés a également été synthétisée à partir d’ITB2, dont près des deux-tiers en utilisant des variantes de la réaction de Pictet-Spengler. La diversification, moindre que pour la famille précédente, a toutefois permis d’établir un certain nombre de relations structure-activité qui demandent à être complétées. Ici encore, le rôle-clef de l’hétéroatome Y ainsi que de la position

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la conception de plusieurs analogues de seconde génération, dont quatre d’entre eux possèdent des IC50 inférieurs à 5 nM (facteur d’amélioration jusqu’à 700 pour 278 par rapport à la tête de file). En

particulier, la série oxygénée (Y = O) montre que les tétrahydropyranoindoles sont en général plus actifs que leurs homologues azotés de type tétrahydro-β-carbolines. Enfin, la stéréochimie active en C1 a été déterminée par diffraction aux rayons X, avec des rapports eudismiques variables (jusqu’à

60 000 pour 191).

Ainsi, les énantiomères actifs des 10 composés « de seconde génération » (49, 128, 129, 135, 136, 137, 191, 278, 284 et 286) constituent des candidats médicaments à potentiel thérapeutique élevé. Possédant pour la plupart des propriétés physico-chimiques satisfaisant aux règles de Lipinski et une cytotoxicité faible à des concentrations de l’ordre du micromolaire, ces dix molécules représentent également les meilleurs inhibiteurs de la fonction thyroïdienne d’accumulation d’iodures décrits à ce jour. Leur intérêt potentiel a conduit au dépôt d’un brevet dans chaque famille et permet d’envisager des tests in vivo pour étudier leur stabilité métabolique ainsi que leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques ; leur activité in vivo pourrait également être aisément évaluée par imagerie à l’iode 125. C’est seulement à l’issue de ces résultats biologiques que le potentiel thérapeutique de ces deux familles pourra être confirmé.

Par ailleurs, une deuxième application ne nécessitant pas de propriétés pharmacologiques particulières a été envisagée : la recherche de protéines-cibles impliquées dans le transport de l’iode par photomarquage d’affinité. Dans chaque famille, une sonde photoactivable a donc été conçue et synthétisée en s’appuyant sur les résultats des études SAR. Les composés 139 et 288 ont conduit chacun à la mise en évidence de plusieurs protéines marquées spécifiquement et pouvant jouer un rôle dans le transport d’iode dans la thyroïde. Elles sont au nombre de trois pour ITB9 et quatre pour ITB2 (éventuellement cinq en comptant P8, observée en utilisant la sonde 166 du Dr. Waltz). Par

manque de temps, il n’a pas été possible d’approfondir ces résultats mais ceux-ci semblent néanmoins prometteurs. Le marquage est plus net pour certaines bandes (P1, P3, P4, P7 et P8) et les

profils observés laissent penser que certaines protéines sont communes à plusieurs sondes tandis que d’autres sont plus spécifiques. Rappelons à cette occasion que les deux inhibiteurs ITB2 et ITB9 possèdent a priori des modes d’actions différents, ce qui n’exclut pas forcément une interaction avec deux sites d’une même protéine engendrant au final un phénotype similaire (inhibition de l’incorporation d’iodures). Il est donc d’un intérêt crucial de poursuivre ces travaux en purifiant les échantillons, puis d’exciser les bandes repérées et de les analyser en spectrométrie de masse. Les protocoles mis au point par le Dr. Waltz sur une sonde dérivée d’ITB5 ont en effet conduit à l’identification de trois protéines membranaires dont l’implication dans le transport d’iode reste à confirmer par validation fonctionnelle (utilisation d’inhibiteurs spécifiques, siRNA…). Cette stratégie, menée à son terme à partir des expériences présentées dans ce manuscrit, pourrait aboutir à établir une cartographie plus complète des protéines gouvernant de façon plus ou moins directe l’influx d’iodures dans la glande thyroïde.

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