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2 Criblage sur les chimiothèques commerciales Criblage sur les chimiothèques commerciales Criblage sur les chimiothèques commerciales Criblage sur les chimiothèques commerciales

Dans un deuxième temps, les structures chimiques contenues dans deux chimiothèques commerciales ont été alignées in silico sur ce pharmacophore. Un score a été attribué à chacune en fonction de son adéquation avec le modèle proposé.

Chapitre V – A la recherche de nouvelles familles d’inhibiteurs…

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a.... Présentation des chimiothèques Présentation des chimiothèques Présentation des chimiothèques Présentation des chimiothèques

La première chimiothèque est DIVERSet de Chembridge, composée de 16 475 molécules « drug-like », respectant les règles de Lipinski ;8 rappelons que cette librairie a déjà été utilisée par le Dr. Lecat-Guillet avec un test RAIU ayant conduit à la découverte des 10 ITB. Le pharmacophore ayant été généré à partir de la famille ITB9, de nombreuses dihydropyrimidinones contenues dans cette chimiothèque devraient donc posséder des scores élevés.

La deuxième chimiothèque est la Chemical Library de Prestwick ; fondée par le Pr. Camille Wermuth à Strasbourg, cette société met notamment à disposition des chimistes médicinaux des chimiothèques de produits structuralement très diversifiés et ayant déjà passé plusieurs phases d’essais cliniques. Dans notre cas, la librairie comporte 1 095 molécules approuvées par la Food and

Drug Administration). Ce type de chimiothèque répond en général à un objectif de drug repositioning ou de SOSA (Selective Optimisation of Side Activities, concept développé par le Pr.

Wermuth910) : il s’agit de tester des principes actifs déjà commercialisés ou des substances ayant passé plusieurs phases d’essais cliniques sur de nouvelles cibles pharmacologiques ; les hits peuvent alors être utilisés comme des têtes de file possédant déjà des profils pharmacologiques optimisés pour l’administration chez l’homme. Ce concept est basé sur l’hypothèse que la plupart des principes actifs n’interagissent pas avec une cible unique mais sur plusieurs récepteurs biologiques. Il s’agit alors d’optimiser la tête de file pour augmenter cette activité « secondaire » au détriment de l’activité initiale pour laquelle ce médicament a été développé.

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b.... Résultats du criblage virtuelRésultats du criblage virtuel Résultats du criblage virtuelRésultats du criblage virtuel

Pour chaque composé issu des chimiothèques, plusieurs conformères sont également générés par minimisation d’énergie, puis criblés in silico sur le modèle pharmacophorique présenté précédemment. A chaque structure est ainsi associé un score (Fit Value) : un premier filtre (Fit Value > 0,10) a été appliqué et a permis d’extraire 35 molécules de Chembridge et 17 molécules de Prestwick, classées par score décroissant (Annexe III). Après élimination des dihydropyrimidinones, regroupement par famille et évaluation des scores, nous avons conservé pour la suite les molécules indiquées dans le Tableau 50.

Tableau 50 : Composés issus des chimiothèques sélectionnés à l'issue du criblage in silico. Les codes CB correspondent à

des composés issus de la chimiothèque Chembridge tandis que les codes P correspondent à la chimiothèque de Prestwick. Pour cette dernière, le nom commercial de la substance est également indiqué.

Code Structure Dénomination usuelle/commerciale Fit Value

CB1 N HN MeO HO 1,310

Chapitre V – A la recherche de nouvelles familles d’inhibiteurs… 175 CB2 1,262 CB3 2,053 CB4 2,653 P1 Triméthobenzamide 0,179 P2 Nocodazole 0,918 P3 Mebendazole 0,695 P4 Bezafibrate 0,851 P5 Sulfasalazine (Salazopyrine®) 0,504 P6 Noscapine 1,186 P7 Hydrastine 1,693 P8 Papaverine 1,162

Chapitre V – A la recherche de nouvelles familles d’inhibiteurs… 176 P9 Podophyllotoxine (Condylox®) 1,806 P10 Raloxifène (Evista®) 1,223 P11 Moricizine (Ethmozine®) 2,065

A l’issue de ces deux criblages in silico, nous avons donc retenu 4 molécules issues de la chimiothèque ChemBridge et 11 molécules issues de la chimiothèque Prestwick. Il est à présent intéressant de vérifier expérimentalement ces prédictions théoriques. Dans la partie suivante, ces molécules seront donc évaluées in cellulo contre l’incorporation d’iodures afin de trouver d’éventuelles molécules actives.

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Evaluation biologique Evaluation biologique –Evaluation biologique Evaluation biologique –– «««« faire du neuf avec du vieux–

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Nous disposions des deux chimiothèques au laboratoire sous formes de plusieurs jeux de plaques 96 puits, en solution dans le DMSO à 10 mM et stockées à – 20 °C. Les 15 composés sélectionnés sont donc tout d’abord analysés en LC-MS afin d’évaluer leur pureté, puis testés contre l’incorporation d’iodures sur cellules FRTL-5 suivant le protocole habituel. Les dilutions pour constituer la gamme de concentrations de chaque composé sont effectuées à partir d’un jeu de plaques-filles 96 puits. Les résultats sont rassemblés dans le Tableau 51.

Tableau 51 : Pureté LC-MS et IC50 des composés CB1-CB4 et P1-P11

Code LC-MS IC50 (µM) IC50 RAIU

(µM) Code LC-MS IC50 (µM) IC50 RAIU (µM) CB1 > 90 % > 10 µM P5 > 90 % 0,55 µM 4 µM CB2 > 90 % > 10 µM P6 50 % d’une impureté > 10 µM CB3 40 % d’une impureté 3 µM P7 > 90 % > 10 µM CB4 > 90 % > 10 µM P8 > 90 % > 10 µM P1 > 90 % > 10 µM P9 > 90 % > 10 µM P2 > 90 % > 10 µM P10 > 90 % > 10 µM P3 > 90 % > 10 µM P11 > 90 % > 10 µM P4 > 90 % > 10 µM

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Les composés dont les IC50 sont supérieurs à 10 µM sont écartés et considérés comme peu actifs.

Deux composés présentent en revanche des IC50 de l’ordre du micromolaire, CB3, et P5.

- CB3 est une imine susceptible d’être hydrolysée rapidement et dont la LC-MS n’est pas propre. Ses propriétés pharmacologiques sont inconnues mais le résultat biologique est prometteur (IC50 = 3 µM). Cependant, par manque de temps, ce composé n’a pas pu être

resynthétisé avec une pureté satisfaisante afin d’affiner cette première évaluation. - P5 est la sulfasalazine : commercialisée par Pfizer sous l’appellation Salazopyrine®, elle

est indiquée dans le traitement de pathologies intestinales (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn) et de la polyarthrite rhumatoïde. Pour le premier ensemble d’indications, il s’agit en fait d’une prodrogue de l’acide 5-aminosalicylique (5-ASA) à activité anti-inflammatoire, protégé par une fonction sulfapyridine clivée in vivo par des bactéries au niveau du côlon (Figure 109).11 En revanche, il a été suggéré que son action contre la polyarthrite rhumatoïde pourrait être due à la sulfasalzine en tant que telle et non à ses métabolites. 12,13

Figure 109 : Clivage in vivo de la sulfasalzine au niveau du côlon

Dans nos conditions de test, l’IC50 de la sulfasalazine pour l’inhibition de l’incorporation

d’iodures a été évalué à 0,55 µM. A cause de sa coloration jaune intense, nous avons souhaité vérifier que la détection colorimétrique n’était pas perturbée et nous avons également testé ce composé en RAIU. La valeur de l’IC50 ainsi mesuré est plus élevée, de l’ordre de 4 µM. Cette activité

reste toutefois satisfaisante pour une nouvelle tête de série. Notons que – contrairement à ses autres indications – la sulfasalazine pourrait être active en tant que telle, le clivage azoréducteur n’ayant que peu de chances de se produire dans les cellules FRTL-5. Notons que la sulfasalzine est – des 15 molécules retenues – celle qui possède le score le plus faible. La corrélation entre ces scores et les activités biologiques est par ailleurs relativement faible, ce qui n’est guère surprenant étant donné le caractère qualitatif du pharmacophore généré en partie 1. En effet, l’observation de la superposition de la sulfasalazine sur le modèle pharmacophorique montre une corrélation moyenne (Figure 110) ; en particulier, le fragment hydrophobe n’est pas « rempli » par un groupement fonctionnel de la sulfasalzine. Notons qu’il serait particulièrement intéressant de synthétiser un analogue avec Ainsi, malgré le fait que le modèle pharmacophorique ne soit pas quantitatif et basé

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« seulement » sur 6 structures actives, la validation expérimentale a conduit à la découverte d’un nouveau squelette actif.

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4....

ConclusionConclusion ConclusionConclusion

Cette approche de modélisation moléculaire nous a donc permis de découvrir une nouvelle structure présentant une activité micromolaire vis-à-vis du transport de l’iode. Le profil toxicologique et pharmacologique de la tête de série ayant déjà été optimisé, cette nouvelle famille peut se révéler très intéressante pour concevoir des candidats pharmaceutiques. Il est toutefois nécessaire de passer par une nouvelle phase de pharmacomodulation afin d’optimiser cette nouvelle activité biologique.

Par ailleurs, ce résultat illustre la pertinence de certaines approches de conception rationnelle de médicaments assistée par ordinateur. Plus rapides, plus ciblées et plus économes en produits et en matériel, ces méthodes in silico sont actuellement en pleine expansion et présentent un complément efficace aux approches classiques de drug design. En particulier, les approches de type ligand-based s’avèrent particulièrement puissantes, en ceci qu’elles ne nécessitent pas de connaître la structure de la cible biologique mais procèdent par analogie de structure à partir d’une famille de ligands aux activités connues. Dans notre cas, l’évaluation de nouvelles DHPM plus diversifiées sur certains points pourrait permettre d’affiner le modèle pharmacophorique ; cependant, l’écart observé entre la prédiction in silico et les résultats expérimentaux montre les limites de l’approche qualitative utilisée ici.

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