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Co n cl u si o n général e 175

Conclusion générale

Des nanodiamants ont été associés avec succès à un explosif – le RDX – dans le but de garantir la sûreté d’emploi du matériau énergétique dans le cadre de son application future. Lorsque les matériaux énergétiques sont soumis à une sollicitation mécanique ou à une décharge électrostatique, l’énergie libérée est localement convertie, créant un « point chaud » où une réaction de décomposition peut être initiée. Au-delà d’un certain seuil d’échauffement, la réaction de décomposition s’auto-entretient et l’ensemble du matériau se dégrade, autrement dit, il détone ou explose.

Une attention particulière a donc été accordée à l’élimination partielle de ces points chauds dans le but de désensibiliser un matériau énergétique et de limiter le risque de son initiation accidentelle.

Parmi les différents agents désensibilisants potentiels, le nanodiamant constitue un candidat idéal car il joue le rôle de dissipateur thermique. Le ND utilisé est synthétisé à l’ISL par détonation d’hexolite avec une taille moyenne de 5 nm et de nombreuses fonctions oxygénées accessibles à sa surface.

Le nanodiamant a été introduit dans l’explosif par différentes méthodes. Les composites à base de NDs et de RDX sont ainsi préparés par mélange physique, évaporation lente et par le procédé Spray Flash Evaporation (SFE). Ce dernier est un procédé de cristallisation novateur développé au sein du laoratoire NS3E.

Grâce au procédé SFE, des particules nanométriques de morphologie cœur-coquille ont été obtenues sous forme de NDs enrobés par une fine couche d’explosif secondaire (RDX). La morphologie cœur-coquille a été mise en évidence et caractérisée de manière extensive au moyen de techniques pertinentes et originales comme la spectrométrie photo-électronique X ou la spectroscopie Raman exaltée par effet de pointe. L’épaisseur de la coquille de RDX à la surface des NDs a pu être déterminée. Les résultats expérimentaux et les épaisseurs théoriques calculées sur la base de modèles sont concordants.

L’évaporation lente conduit également à des particules cœur-coquille ND-RDX, mais la présence en sus de cristaux micrométriques de RDX pur rend cet échantillon inhomogène et moins intéressant pour une étude approfondie.

Des particules de morphologie inversée sont produites par mélange physique : les NDs entourant progressivement les particules de RDX au cours de la préparation, l’explosif se trouve cette fois au cœur.

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Une fois la morphologie du matériau composite mise en évidence sans la moindre ambigüité, l’investigation des mécanismes impliqués dans la cristallisation des particules cœur-coquille s’imposait. Premièrement, le ND utilisé jusque-là a été remplacé par une particule ayant une surface différente (ND avec moins de fonctions oxygénées) ou bien par un type de ND d’une autre taille (5 nm contre 50 nm). Il apparait que les fonctions de surface et l’énergie de surface se partagent un rôle important dans l’initiation de la cristallisation du RDX à la surface du ND.

Deuxièmement, la force d’adhésion a pu être mesurée entre un dépôt de NDs et un levier micrométrique recouvert de RDX en microscopie à force atomique (AFM). L’existence d’une interaction de type liaison hydrogène entre les groupements NO2 du RDX et les fonctions de surface hydroxyles (–OH) du ND se révèle très probable.

Tous les matériaux composites ont ensuite été évalués par des tests de sensibilité. Leurs caractéristiques sont comparées à celles de l’explosif pur. La désensibilisation efficace du RDX vis-à-vis de stimuli extérieurs (impact, friction, passage d’une onde de choc et décharge électrostatique) sous l’effet des NDs se dessine clairement.

Le mécanisme de transfert de chaleur de l’explosif vers les NDs a été étudié grâce à des mesures en bombe calorimétrique. On suppose que les NDs, meilleurs conducteurs thermiques que le RDX, permettent une diffusion homogène de la chaleur dans le matériau et limitent ainsi la formation de points chauds.

Une étude comparative a été réalisée avec des composites à base de RDX dans lesquels le ND est remplacé, entre autres, par du nano-graphite, du ND partiellement graphitisé, des nanoparticules de silice. On observe que les plus hauts seuils de sensibilité sont atteints lorsque l’additif contient un cœur de carbone sp3 conducteur de chaleur en association avec du graphite sp2 (résiduel) et des défauts de surface qui permettent une dissipation de la chaleur à l’interface ND / RDX. Le ND reste donc le candidat le plus prometteur de la présente étude.

La question s’est ensuite posée si le transfert de chaleur entre le RDX et l’inerte de détonation (ND) permettant la désensibilisation de l’explosif affecte la réactivité de ce dernier.

Des charges à base de RDX et de NDs (10% et 20% en masse) ont été mises en forme par compression, de même que des charges de RDX pur. Les célérités de détonation des matériaux ont été mesurées grâce à un dispositif de sondes électriques en contact direct avec l’échantillon. Les vitesses de détonation du composite sont équivalentes à celle du matériau énergétique, il n’y a donc aucune perte de réactivité. De plus, ces mesures se trouvent en excellent accord avec les calculs théoriques réalisés au CEA-DAM Gramat.

Co n cl u si o n général e 177 Le devenir des NDs au passage de l’onde de choc donne matière à réflexion. En effet, la détonation génère des conditions thermodynamiques extrêmes (T, P) et pourrait provoquer une éventuelle transition de phase diamant → graphite. Ni l’expérience (tirs au canon sur des cibles de NDs), ni la simulation en dynamique moléculaire réalisée au CEA-DAM Île-de-France n’ont permis de mettre en évidence une telle transition, ce qui tend à prouver que la structure du diamant reste préservée.

L’objectif de ce projet étant de désensibiliser un matériau énergétique pour limiter le risque d’une initiation accidentelle tout en maintenant sa réactivité, le défi a été relevé et adressé avec succès. Les résultats obtenus permettent d’envisager l’utilisation de ces composites dans des dispositifs pyrotechniques réels.

Il serait maintenant intéressant d’élargir le champ d’application en introduisant des NDs dans des explosifs plus sensibles que le RDX. Plusieurs compositions ont déjà pu être préparées dans cet objectif et montrent une tendance favorable. Il est cependant difficile d’obtenir des particules parfaitement nanostructurées à base de TNT et de CL-20 par exemple, que ce soit par mélange physique ou par SFE, et le manque d’homogénéité s’en ressent au niveau des seuils de sensibilités atteints. D’autres méthodes de préparation pour ces composites existent, comme par exemple la méthode antisolvant. Cette dernière a récemment permis la cristallisation d’un composite ND-PETN homogène, structuré sous la forme de particules cœur-coquille.

Comme les charges à base de composite se révèlent relativement friables, il est envisageable d’inclure les NDs dans une coquille de RDX et de cire. Cet additif risque toutefois de modifier complètement les caractéristiques réactives du composite en comblant la porosité inter-granulaire.

En ce qui concerne les mesures de force d’adhésion par microscopie à force atomique (AFM), les premiers résultats obtenus pour le système ND – RDX sont très prometteurs et méritent d’être approfondis. Sur le long terme il s’agira d’étendre les investigations à différentes sortes de NDs et d’autres explosifs.

Les méthodes de synthèse mises au point dans ce projet concernent aussi d’autres domaines d’application puisqu’elles permettent de préparer une grande variété de matériaux composites. Les NDs enrobés de polymères obtenus au laboratoire sont par exemple très prometteurs en limitation optique.