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CHAPITRE 1 : SOCIO-BIOGRAPHIE DE L'OBJET CONCRET

3. CONCLUSION DE CHAPITRE

Les Missions Locales (ML) sont des formes, généralement nées « d’en bas », par la création de structures communales ou intercommunales dans les années 1980, et non « d’en haut » dans une logique d’établissement public. Les activités des missions locales sont néanmoins marquées par la gestion de nombreux dispositifs dans les domaines de l’emploi, la formation et l’insertion sociale (mobilité, santé, subsistance, etc.). À partir des années 1990, les Missions Locales se voient confier d’importants dispositifs nationaux d’insertion ou de formation, tandis que le réseau est formellement associé au Service Public de l’Emploi (SPE) en 2005 et se rationalise progressivement. Les ML offrent donc un service public et doivent respecter le cahier des charges des dispositifs publics, tout en gardant des modèles organisationnels assez divers, hérités de trajectoires institutionnelles locales variées. Cette « hétérogénéité encadrée » montre donc l’importance du niveau local dans la mise en œuvre des politiques d’insertion.

L’accompagnement global, imaginé dans les années 1990, reposait sur le pari d’une vision large de l’insertion dans ses dimensions sociale et professionnelle. Le traitement simultané des interrogations relatives au logement, à la santé, à la citoyenneté, à la famille, à la formation, à l’emploi, participe de la définition progressive du territoire professionnel d’intervention des conseillers. Les professionnalités au sein des Missions Locales sont alors considérées comme "des métiers adressés à autrui" (Maubant, Piot, 2011 ; Maubant, 2013), des "métiers de la relation" (Demailly, 2013) ou des "métiers de l'interaction humaine" (Tardiff, Lessard, 1999 ; Beckers, 2007), finalisée par l'autonomie des sujets auxquels s'adressent leurs travaux et la dynamisation des territoires dans lesquels ils interviennent.

Néanmoins, les activités se voient assigner, à la fois des missions plus étendues qu'elles doivent assurer avec des procédures souvent modifiées, des ressources limitées et conditionnelles (liées à l'accomplissement des objectifs d'insertion, définit annuellement et pluri-annuellement dans des textes de financement), une mise en concurrence plus fréquente (avec des organismes, autrefois partenaires, cela étant liée à la libéralisation

progressive du marché de l’insertion), une reddition systématisée des comptes et un recentrage de plus en plus orienté vers l’accès à l’emploi.

Ces mutations conduisent à la formulation d’exigences nouvelles – d’autres renforcées -, qui se traduisent par des tâches plus complexes et une extension des injonctions : les professionnels du front et leurs magistratures locales se doivent « d’améliorer leurs

performances, de renforcer le sens des responsabilités et d’augmenter leur efficacité »

(Boussard, 2010).

Un double mouvement se dessine alors :

• des mutations externes, telles que l'évolution de la structure sociale de l'emploi (liée à l'augmentation de la population active et de la poussée du chômage), des attentes des entreprises (liée à l'augmentation des qualifications attendues et la spécification de champs de compétences socio-techniques et organisationnelles), de la norme d'emploi-typique (érosion des contrats de travail en CDI et à temps plein, au profit des CDD, de l'intérim et des contrats aidés), le développement du temps partiel et du travail contingent, l'évolution de la nature du travail (l'intellectualisation des activités), la transformation des attitudes et des modes de vie des populations jeunes, la complexification et l'inégalitarisation du système d'orientation, etc.

Les professionnels subissent les contrecoups de ces transformations dans les postes et les formations à pouvoir. Les conseillers doivent à la fois aider à l'insertion des jeunes dans des secteurs pourvoyeurs d'emploi, tout en pensant en termes de "sécurisation des parcours", car ils visent une insertion « durable » des jeunes.

Les objectifs sont d'ordre de courts termes (travailler au quotidien avec le jeune), moyen et long terme (amélioration globale et durable de la situation des jeunes sur les territoires investis). Les conseillers doivent alors anticiper à la place de jeunes qui connaissent mal le

d’une mission intérim, la réussite à une formation et l’obtention d’une qualification, la réussite d’un entretien d’embauche pour décrocher un premier petit boulot. Les conseillers accompagnent dans cette traversée qui doit permettre à ces jeunes de passer de « jeune sans statut », à « jeune travailleur précaire », puis progressivement à « jeune travailleur » doté d’un contrat stable.

Ils doivent également réfléchir et aider les jeunes à produire les nouveaux comportements attendus par les entreprises (gérer des relations à court terme, produire des compétences rapidement pour des besoins ponctuels, etc.).

Avec l’intégration du SPE et du SPRO, les orientations des subventions publiques qu’elles reçoivent et les dispositifs proposées par les différents niveaux de collectivité, les activités des Missions Locales sont ainsi de plus en plus orienté vers l’accès « sécurisé et durable » à l’emploi. Ce mouvement de recentrage prend place depuis le milieu des années 2000. Les Missions Locales sont officiellement intégrées au Service Public de l’Emploi (SPE) en 2005 et, à partir de 2007, engagées dans des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO), avec l’État, poussant à un renforcement de la relation aux employeurs et une objectivation croissante de leurs activités, avant d’être présentées comme l’un des opérateurs (non-financeurs) de l’évolution professionnelle de leur public (CPE – 2015) et un acteur de la lutte contre la précarité des jeunes (Plan Pauvreté en 2019 avec l’appel à projet « les invisibles »).

• une rationalisation interne, liée à la nécessité d'évaluer des activités par natures contingentes, de justifier des financements publics, montant aujourd'hui d'un cran par l'optimisation de la coopération, au travers de l'équipement des systèmes de règles et d’objectifs dans des architextes informatiques.

Si la modernité a favorisé l'émergence de l'intervention sociale des Missions Locales, elle a néanmoins produit des conditions organisationnelles où l'exercice professionnel est porteur de multiples tensions et de nœuds de contradictions.

CHAPITRE 2 : COMPOSANTES GÉOGRAPHIQUES, POLITIQUES ET FINANCIÈRES DE L'OBJET

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