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Conclusion : choix des concepts utilisés dans cette recherche Il est utile de circonscrire d’ores et déjà la variabilité que j’ai rencontrée dans ma région d’étude

IV. Outils conceptuels pour l’analyse du comportement pastoral

IV.2.4. Conclusion : choix des concepts utilisés dans cette recherche Il est utile de circonscrire d’ores et déjà la variabilité que j’ai rencontrée dans ma région d’étude

qui me pousse à privilégier certaines définitions. J’ai étudié la mobilité d’un seul groupe ethnique – les Peuls – et précisément ceux qui sont principalement éleveurs de bovins, écartant certaines familles éleveurs d’ovins, qui ne fréquentent pas le Parc du W. L’étude couvre une région assez vaste située dans les zones sahélo-soudanienne et soudanienne.

J’utiliserai par la suite les termes de transhumant, nomade, sédentaire en les appliquant à chaque fois à des objets bien déterminés, troupeau, famille nucléaire ou famille élargie.

La mobilité du nomade s’oppose en fait surtout à la fixité du sédentaire. Mais ces deux formes ne sont en fait que des modèles, des archétypes. Ils sont les deux pôles extrêmes d’un même axe, permettent de situer les situations dans une gamme de variabilité, toutes les situations intermédiaires étant possibles.

Précisons d’abord ces deux pôles avant d’illustrer les formes intermédiaires.

Le modèle du nomade concerne les groupes qui n’ont pas d’habitat fixe et dont tous les membres se déplacent ensemble, emportant leur capital, habitat et petit bétail notamment. Les déplacements sont nombreux au cours d’une année. Leur amplitude est variable mais ils dépassent néanmoins les limites d’un terroir villageois. Ils peuvent cultiver si les parcelles ne sont pas fixées.

A l’autre extrémité, j’oppose le modèle du sédentaire, dans l’acception de la sédentarité sahélienne, compatible avec des déplacements de l’habitat à l’intérieur d’un terroir, voire sur un campement d’hivernage éloigné, l’exode saisonnier des jeunes hommes. La sédentarité comprend aussi la transhumance, c'est-à-dire la mobilité du troupeau et de son berger. Elle n’est donc pas opposée à la mobilité, mais cette dernière y est limitée à certains membres du groupe et au troupeau. Les sédentaires peuvent ne pas cultiver, si le troupeau est assez grand et se déplace. Ils peuvent détacher avec les animaux un ou des bergers, ou encore un ménage qui se déplace mais garde des liens d’échanges familiaux et de dépendance économique avec le reste du groupe. Il y en a qui « déménagent » ou migrent (après quelques années de fixation) parce qu’ils ne peuvent se fixer, pour des raisons écologiques ou foncières, mais leur objectif est bien une fixation.

Volontairement, je ne garderai donc que le critère de la mobilité de la famille et du troupeau pour les définir.

J’écarte celui des modes d’appropriation foncière, qui peuvent leur être parfois liés mais me semblent d’une autre nature, non descriptive de la mobilité. Je n’utilise pas non plus dans cette définition l’amplitude ou la durée du déplacement qui peuvent être variables même quand les éleveurs semblent répondre à des logiques identiques.

Je conserve en revanche une caractéristique du trajet qui transparaissait dans les définitions comparées de transhumance et nomadisme que j’ai citées (cf. p. 80), car elle s’est avérée importante dans la région. Lorsqu’il est dit que les transhumants se déplacent entre deux zones de pâturages, cela peut signifier qu’ils n’ont qu’une seule destination et que leur trajet n’est alors qu’un voyage pour l’atteindre, sans que les différentes étapes soient des buts en eux-mêmes. Les auteurs tentent de caractériser ce trajet de transhumance en insistant sur son caractère cyclique,

périodique ou pendulaire. Mais les trajets des nomades ont souvent ce même caractère, les

déplacements étant commandés par les saisons et se répétant chaque année. Néanmoins, je pense qu’on peut maintenir une distinction de nature entre les trajets des nomades et ceux des transhumants : en effet, les déplacements des nomades n’apparaissent pas comme un simple aller-retour entre un départ et une destination unique ; les étapes peuvent être nombreuses et la durée de chacune d’elles en fait une destination en soi.

J’ai enfin écarté les critères de degré de prévisibilité et de régularité. Ces derniers sont dépendants du milieu et de la variabilité des pluies. Les nomades, qui seraient associés aux régions les plus sèches du Sahel, où la variabilité est plus grande, seraient alors plutôt associés à une moindre régularité. Mais ce critère me semble assez variable et je ne la garde pas comme élément de définition.

Je ne garderai que les critères descriptifs de la mobilité, écartant d’autres critères qui servent plutôt à caractériser les genres de vie, l’orientation économique ou le système de production.

En adoptant ces définitions, et à partir de l’échelon de la famille élargie, je n’ai rencontré au cours de ma recherche que des groupes humains sédentaires, seuls des sous-ensembles de ces groupes étant mobiles, bergers ou ménage en charge du troupeau pour les groupes humains ou lots d’animaux pour les troupeaux. Ainsi, les déplacements s’apparentent à la définition la plus générale de la transhumance, celle que j’ai retenue : seuls des bergers accompagnent une partie du troupeau, qui est souvent scindé en deux, la famille gardant certaines vaches laitières et les animaux trop faibles. Au dessus de l’échelon de la famille élargie, je n’ai rencontré aucun groupe pouvant être qualifié de nomade. Ce terme ne peut être appliqué qu’à certains ménages et au troupeau dont ils ont la conduite car troupeau, famille nucléaire et habitat se déplacent ensemble. Mais je l’ai dit, j’ai rencontré de nombreuses situations intermédiaires qui ne correspondent complètement à aucun de ces deux modèles. C’est le cas par exemple quand une famille nucléaire accompagne le troupeau en déplacement pendant plusieurs mois. Si le déplacement est continuel, avec des stations de quelques semaines seulement, ils sont proches du modèle des nomades. Si le déplacement est unique, avec stabilisation dans un seul campement d’hivernage, on peut les juger plus proches des transhumants. Je me garderai cependant d’utiliser les termes semi-nomades ou

semi-sédentaires, qui semblent figer la variabilité à une seule situation intermédiaire possible alors

que toute une gradation pourrait être observée entre les deux extrémités de l’axe du modèle. La gamme des déplacements habitat-famille-troupeau est large et continue.

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La diversité des formes de mobilité est la règle et les typologies, en général limitées à une région ou un clan, ne peuvent rendre compte de toutes les formes existantes en Afrique de l’ouest. En tout cas, elles ne peuvent être réduites à l’opposition entre nomadisme et transhumance, même en y ajoutant quelques semi-nomades ou semi-sédentaires. Une typologie qui se veut précise à l’échelle d’une grande région comme c’est le cas dans l’étude dans les régions de Zinder et Diffa perd assez vite son rôle pédagogique devant la multiplication des types et sous-types. C’est l’objectif de la typologie qui permet à son auteur de choisir des critères et d’en écarter d’autres, jugés alors secondaires.

Ces choix de terminologie correspondent donc à la situation que j’ai étudiée.

Dans mon cas, la description de la mobilité se limitera à l’aire d’attraction du Parc du W et l’objectif est de mieux rendre compte des relations entre éleveurs et Parc. Le Parc est à la fois le pôle permettant de définir une région d’étude et un filtre servant à dégager certains critères plus signifiants que d’autres.

On le verra au chapitre 4, j’ai privilégié les critères de direction et de saison du trajet car elles permettent de situer les éleveurs par rapport au Parc : déplacement en direction du Parc (sans nécessairement y entrer) ou à l’opposé ; saison d’utilisation du Parc. Plus profondément, direction et saison sont liées à des logiques d’actions et à des jeux de contraintes bien distinctes pour les éleveurs, importants pour saisir les facteurs de décision des éleveurs.

IV. 3. Les concepts et méthodes d’analyse des pratiques par les