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À l’issue de ce chapitre, nous avons pu mettre en lumière le cadre théorique dans lequel s’ancrent les présentes recherches. Dans un premier temps, nous sommes revenus sur les différents termes annexes pour mieux saisir les différences sémantiques qu’il existe entre les diverses dénominations parfois utilisées sans grande distinction dans le langage courant. Cette étape nous a permis de clarifier ce que nous entendons par vécu émotionnel, tout en nous donnant l’occasion de pouvoir mettre en évidence où celui-ci se situe et ce qu’il englobe. À cet égard, nous avons pu souligner qu’il existe différents degrés de conscience émotionnelle allant du domaine du sensible comme la perception des sensations corporelles par exemple, à un état réflexif qui, quant à lui, se déploie dans la conscience du sentiment ressenti. Dans le cadre de ces travaux de recherche, le vécu émotionnel dont il est question se rapporte à l’aspect cognitif et subjectif du sentiment, et se situe donc à un niveau de conscience dit secondaire. Cette distinction est fondamentale puisque c’est à ce niveau de conscience que l’individu est capable de se représenter mentalement son ressenti, et dans le même temps, peut le verbaliser : l’expérience n’est plus liée uniquement au corps, elle l’est aussi à la psyché. En ce sens, puisque le vécu émotionnel peut être mis en mot, il est ici question de s’interroger sur la manière dont un artefact, quel qu’il soit, pourrait favoriser cette verbalisation car, comme nous avons pu le voir, chaque expérience émotionnelle, qu’elle soit négative ou positive, engendre chez l’individu des résonances qui peuvent être plus ou moins denses et perdurer plus ou moins longtemps. Dans le cas d’une expérience douloureuse ou perçue négativement, celle-ci peut provoquer une incidence qui s’inscrit à plusieurs niveaux : phénoménal, cognitif-symbolique, motivationnel, social, sur la personnalité, sur la mémoire et/ou sur les capacités d’action. Il s’agit de comprendre qu’une expérience émotionnelle, quelle qu’elle soit, est profondément singulière, et en ce sens, chacun peut traverser de manière très différente une situation qui, en apparence, semble similaire. C’est d’autant plus le cas de l’enfant qui peut être particulièrement affecté par des événements pouvant parfois paraître anodins aux yeux des adultes. C’est pourquoi dans un deuxième temps, nous sommes revenus sur le développement cognitif de l’enfant en abordant les différentes périodes de l’intelligence qui le compose. Cela nous a

permis de mettre en évidence que le développement intellectuel de l’enfant est très fortement corrélé à son développement émotionnel. En effet, chaque compétence cognitive acquise au cours des périodes de l’enfance semble directement faire écho à de nouvelles aptitudes relevant de ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle. Cette dernière comprend plusieurs composantes (externes, internes et réflexives) axées autour de la compréhension des émotions dans toute leur complexité, et apparaît comme nécessaire pour guider les relations humaines. Comme nous avons pu le voir, l’enfant qui se situe dans la tranche d’âge sept-onze ans, s’il est capable de mentaliser, de se nourrir de ses expériences antérieures et d’avoir une conscience réflexive sur ses sentiments, n’a pour autant pas encore toutes les cartes en main pour affronter une expérience émotionnelle négative, et ce notamment parce qu’il est en plein développement. Cette période de l’enfance, notamment caractérisée par l’entrée à l’école primaire, est particulièrement dense et constituée de vastes enjeux tant d’un point de vue cognitif que social et émotionnel pour l’enfant. Si cette tranche d’âge a été pendant longtemps interprétée comme une phase relativement calme, il a été mis en évidence qu’elle correspond surtout à une période où les symptômes de souffrance sont peu perceptibles. C’est d’autant plus le cas pour l’enfant qui, face à une expérience douloureuse, n’arrive pas à traduire son vécu émotionnel par le langage alors que la mise en mots pourrait l’aider à éclaircir certains points relevant parfois de quiproquos ou de théories imaginées, ou à produire un sens différent lui permettant de réorganiser autrement l’événement vécu en lui donnant la possibilité de l’entrevoir dans d’autres perspectives. C’est ce que nous avons mis en évidence dans la troisième partie de ce chapitre, en nous interrogeant sur les bénéfices que peut provoquer l’expression du vécu émotionnel afin de mieux saisir comment nous pourrions, grâce aux méthodologies du design, se saisir de cette problématique. Ainsi, nous avons pu mettre en lumière que si la parole n’a aucun effet cathartique au sens propre, elle est toutefois à l’origine, chez l’individu, de bienfaits ressentis subjectivement et personnellement. Comme nous avons pu le voir, ces effets positifs sont principalement imputés à la mise en route d’éléments socio-affectifs et cognitifs. En effet, l’expression du vécu émotionnel peut être l’occasion, par exemple, de manifestations d’affection ou de réconfort et d’autres formes de soutien social plus pragmatiques. Aussi et surtout, l’expression, si celle-ci est adressée à un interlocuteur (fictif ou réel) et lorsqu’elle engendre la production de sens de l’expérience émotionnelle, peut permettre la résorption de

celle-ci car le travail s’effectue au niveau symbolique-cognitif. Ceci nous apparaît comme point d’ancrage important dans l’élaboration de la stratégie à mettre en place : il ne s’agit pas uniquement de penser un artefact qui favorise l’expression du vécu, mais plutôt qui permette la mise en sens de celui-ci. À cet égard, nous verrons dans les prochains chapitres que la structure particulière dans laquelle se déploie le récit pourrait être un moyen d’engager le processus de production de sens chez l’enfant (cf. §7 et §8).

Chapitre II

À la rencontre des enfants :