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Pour interroger les données théoriques qui pilotent la question du projet de réalisation, une enquête préliminaire est nécessaire. De caractère à la fois pédagogique et historique, cette investigation est aussi un travail d’analyse conceptuelle qui consiste, en premier lieu, à ques-tionner les mots en jeu pour en distinguer la variabilité sémantique.

2. 2. 1 Démarches pour des projets

2. 2. 1. 1 Des méthodes ... à la démarche de projet en technologie

L’idée de méthode est certainement présente dans l’enseignement depuis que l’on a souhaité en formaliser les pratiques. En ce qui concerne les T. M. E. au collège, dès 1945, plus que l’idée de méthode, c’est l’organisation méthodique qui était sollicitée :

“Les travaux manuels éducatifs présentés dans la circulaire du 2 août 1945 supposent le développement de l’imagination, et de la créativité de l’enfant qui “ doit prendre des initiatives. Cependant cette énergie est canalisée par une organisation méthodique et rationnelle du travail de classe et de chaque élève, et l’enfant fera l’effort de conduire le travail à son terme.” 62

En 1982, au moment de la redéfinition du fonctionnement du collège et à la charnière entre les travaux manuels et la technologie, les missions de l’initiation technologique sont repensées. La notion de démarche intellectuelle prend le pas sur l’idée de méthode. Dans la description de cette démarche proposée par Henri Longeot 63, nous relevons des points clefs qui seront très sollicités les années suivantes (besoins, contraintes, hiérarchisation, choix et contrat) :

(62) Colette Archer, (1989). Op. cité, p. 78.

“... elle développe une démarche intellectuelle, qui lui est propre :

- analyse de besoin à satisfaire ; - fixation des objectifs à atteindre ;

- prises en compte des contraintes scientifiques, techniques, économiques, sociales et humaines ;

- hiérarchisation des contraintes ;

- élaboration du projet, ce qui implique des choix et une organisation en un ensemble cohérent, dont les composants constituent le «contrat».” 63

Joël Lebeaume 64 a interprété l’évolution des activités d’enseignement dans une série hétéro-gène de Méthodes qui ponctuent l’évolution des pratiques professionnelles enseignantes :

“Ces méthodes identifient des ensembles cohérents de situations prototypiques d’en-seignement-apprentissage.”

S’il considère une situation comme un système tâche-sujet, les “méthodes” identifiées corres-pondent à des situations où la cohérence s’exprime dans les relations entre la tâche, la visée

éducative et la référence. Ainsi, Lebeaume, (1999), détermine une alternance de ces méthodes:

• pour l’école : Eléments techniques - Objets usuels - Eléments géométriques - objets attrayants

- Eléments logiques - Projet technique ;

• pour le collège : analyse et synthèse techniques - logique des fonctions techniques - analyse

technique et phénomènes physiques - intelligence de l’action et démarche technologique - pro-jet technique et analyse de la valeur.

Lebeaume, (2000), simplifiera les dernières méthodes se rapportant au collège en introduisant la situation prototypique des scénarios comme l’ultime méthode du nouveau programme :

Elé-ments logiques - Projet technique - EléElé-ments de la qualité - Scénarios.

De l’introduction des programmes de 1985 jusqu’à l’aube de ceux de 1996, à propos de l’idée de démarche ou de méthode plusieurs approches confuses ou contradictoires sont également perceptibles dans les publications destinées aux praticiens 65 :

- des postures provenant de l’histoire récente se prolongent : la recette continue à exister sous la forme des gammes de fabrication, de listes d’objectifs opérationnels présents dans des

“fi-ches-guides” ou de listes de compétences dans des fiches de procédure ;

- un souci de rationalité s’exprime aussi dans des comportements attendus d’attitude de projet, d’organisation méthodologique puis de logique du projet ;

- l’idée d’une démarche intellectuelle, ou d’une démarche technologique est aussi répandue (elle va dans le sens d’une identité recherchée et d’un désir de reconnaissance qui conviennent aux disciplines scolaires dont le statut est minoré) ;

(64) Ceci fait référence à deux publications :

Joël Lebeaume, (1999). Perspectives curriculaires en éducation technologique. Mémoire d’habilitation à diriger des recherches. Université Paris-Sud. Paris : Association Tour 123, pp. 20 -35.

Joël Lebeaume, (2000). L’éducation technologique. ESF : Paris, pp. 20-25 & 48-55.

(65) De 1985 à 1995, la revue “Activités technologiques” de l’Association des Enseignants d’Activités Technologiques est représentative de ce constat.

Dans une moindre mesure, on retrouve plutôt des listes d’objectifs opérationnels et des “fiches-guides” dans Les Publications de Montlignon de 1990 à mars 1994, nos 1 à 16.

- l’inscription de la Démarche technologique économique dans le domaine d’Économie-gestion du programme de 1985 est une nouveauté partagée par peu d’enseignants puisque les “gestion-naires” représentent à cette époque une minorité ;

- la démarche de projet est aussi associée à d’autres vocables sans distinction de points de vue : la démarche pédagogique du projet, la démarche de projet technique, la démarche de projet

industriel, le cycle de vie du produit ou encore le projet pédagogique.

Chaque auteur traduit ses intentions par un modèle graphique et un codage particulier. L’exem-ple de Frédéric Charpentier est à ce sujet significatif. Pour éviter toute controverse et pour

valider l’adage “Un dessin vaut mieux qu’un long discours”, il préconise l’usage du Grafcet : “Cet outil ne devrait pas être utilisé qu’à seule fin de description de système automa-tisé. Il doit au contraire trouver sa place dans la démarche de projet.” 66

Le modèle du Grafcet, qui rend compte d’actions discontinues, est aussi anachronique que les ordinogrammes informatiques utilisés du temps de l’EMT pour rationaliser la recette d’œufs mimosas dans des conditions associées à des pratiques domestiques !

Ainsi, Joël Lebeaume relève les différentes approches de ces illustrations:

“(...) ces schémas présentent des points de vue singuliers qui en brouillent la lecture. ... point de vue du produit

... point de vue des actions ... point de vue du chef de projet

... point de vue de l’organisation industrielle ... point de vue des compétences mobilisées.” 67

Cette confusion amplifiée par l’hétérogénéité des langages graphiques traduit le foisonnement polysémique de l’idée de démarche, elle nuit toute approche comparative immédiate.

2. 2. 3. 2 Esquisse historique et conceptuelle

Les recettes, premières descriptions techniques

L’ordonnancement de la société grecque a construit des valeurs qui se sont répercutées sur la considération apportée à la technique. Il n’est pas inutile de rappeler la pensée d’Aristote et sa distinction tripartite trop souvent résumée dans une confrontation erronée entre théorie et pra-tique :

“À la vie dans la théôria, qui reste pour lui [Aristote] la vie parfaite, il joint la vie pratique, c’est-à-dire politico-morale de style platonicien, et une vie poïétique, vie de fabrication, de production matérielle, de travail. Pour lui, comme pour tout Grec, cette dernière forme d’existence est indigne de l’homme parfait, pleinement homme ; le

tra-(66) Frédéric Charpentier, (1994). Outil de communication : le Grafcet in Les Publications de Montlignon, n° 16, pp. 78-84. (67) Joël Lebeaume, (1998 a). Op. cité, pp. 13-16.

vail productif est celui de ces instruments vivants, de ces «animaux à pieds d’homme» que sont les esclaves ... Si la vie de l’homme n’est pas détournée du chemin de sa perfection naturelle ... elle ne se passe pas dans le travail [la poïétique], mais sur le plan politico-moral, celui du vrai savoir, de la théôria, étant réservé au petit nombre : pour la majorité, l’action politique (praxis), action du citoyen qui participe aux affai-res de la communauté est le champ d’activité. ” 68

Il est possible de rapprocher la techné grecque de l’idée de méthode. Elle englobait les métiers, l’art médical et surtout l’art suprême que constituait la logique du discours. Décrire la technique dans son sens poïétique, ce serait se préoccuper de cette vie dégradante et inférieure que cons-titue le travail ! Plusieurs siècles s’écoulent avec ce cadre de pensée qui écarte, par sa norme, toute description du travail. Ainsi les recettes consisteront les premières formulations techni-ques organisées. Comme succession procédurale de pratitechni-ques, la recette représente un “stade antérieur” des démarches de projets techniques, Bertrand Gille en précise la nature :

“Recette ce fut souvent le titre d’ouvrages techniques – et il en est encore pour la

cuisine. L’un des derniers, et des plus connus, est celui de Bernard Palissy. La recette est une affirmation, chiffrée ou non, qui permet d’arriver au résultat cherché. (...) Il s’agit en effet d’une accumulation d’observations concordantes dans un domaine donné, sans chercher pour autant les causes des faits observés. C’est un savoir de mémoire. (...) Recette de temps, recettes de qualité sont peut-être les plus nombreuses. Mais il y a aussi, et en nombre très important, les recettes de mélange.” 69

Au moment de la transformation des T M E en E M T, dans le domaine de l’alimentation, ces recettes furent traduites, non sans étrangeté, dans une logique empruntée à la science informa-tique émergente. Une “mode” de la traduction graphique des procédures était lancée. Cepen-dant, dans cette période, il ne s’agissait pas de rendre compte du projet visé, seules les opéra-tions concernant la production étaient concernées. Nous remarquerons qu’à notre époque les recettes perdurent au moins dans les revues destinées au grand public ou dans certaines éditions de vulgarisation technique. L’augmentation des besoins d’accès aux technologies de l’informa-tion nous fait constater une offre persistante de ressources conçues comme des recettes (voir par exemple “www.commentcamarche.net® où les problèmes techniques liés à l’usage des outils informatiques sont traités dans une succession de fiches de procédures pour néophytes).

En revanche, jouant un rôle différent de la recette, l’idée de méthode a toujours été présente dans l’enseignement. Pour la reconsidérer nous ferons référence aux travaux pionniers d’Abra-ham Moles 70 qui a initié la construction scientifique du concept.

(68) Eric Weil, (1995). Article «Pratique et praxis», 18-869c, in Encyclopedia Universalis.

(69) Bertrand Gille, (1978). Histoire des techniques, Encyclopédie de la pléiade. Paris : Gallimard, pp. 1428-1431. (70) Abraham Moles & René Caude, (1964). Op. cité,

2. 2. 1. 2 La méthodologie et les méthodes

La science proposée par Moles et Caude, la méthodologie, s’inscrivait dans une perspective plus large, la science des actes ou Praxélogie. Les repères, élaborés il y a plus de trente ans, demeurent essentiels. Ils permettent, dans un premier temps, d’éviter une construction trop spécifique de notre cadre d’analyse pour lequel un point de vue unique —soit psychologique, soit pédagogique, soit didactique— serait dommageable. Moles et Caude caractérisent ainsi ce que serait une méthode :

“Cette mise en œuvre n’est pas une espèce de lumière extérieure qui éclaire la route à

suivre ; la lumière jaillit du cerveau et balaie différents chemins possibles ; elle guide, elle n’impose pas ; elle laisse le champ libre à l’intuition, à l’initiative, à la liberté, elle donne simplement le maximum de chances de réussite à une opération donnée. Elle est l’antithèse de l’habitude et par définition même peu structurée.

(...) Toute méthode d’action est une spéculation sur l’avenir, un pari sur la continuité sans cesse démenti, un jeu stratégique avec le futur ; le devenir ne découle plus de l’existant comme une sécrétion normale et nécessaire du présent.

(...) une méthode est une route ; ce sera la forme d’une trajectoire dans cet espace de

représentation. En fait il n’y a méthode qu’en fonction d’une trajectoire concertée in-tentionnelle, définie a priori, c’est-à-dire une forme particulière de trajectoire opposée aux déambulations aléatoires, aux errements sans répétition, sans lendemain.” 71

Nous retenons que la méthode n’est pas un chemin tout tracé et que sa réussite dépend de l’accès au champ des possibles. La démarche de projet, comme méthode scolastique ne s’ins-talle pas sur le présent, elle joue sur l’espace des représentations. Sa trajectoire ne peut se traduire, malgré toute la volonté des esprits rationalistes, en une simple logique formelle. Dans cet esprit, ces auteurs incitent à s’interroger sur une tendance fréquente qui consiste à ne pas distinguer ce qu’est une démarche de la logique qui conduit à son élaboration :

“confondre «méthode» et «logique» et à nous imaginer que la méthode peut se réduire

aux termes de la logique formelle alors qu’il ne s’agit là que d’un lointain idéal d’êtres rationnels qui ne peuplent pas le monde et, en tout cas, rarement celui de l’entreprise industrielle.”

En définitive, ils modélisent le cheminement de la pensée conduisant d’une idée à sa réalisation pratique suivant un algorithme présenté sous le titre de méthode cybernétique (voir page sui-vante). De nombreuses notions inscrites dans ce schéma sont analogues à celles qui figureront dans les descriptifs des démarches de projet en technologie présents dans les dossiers de CA-PET, à partir de 1987 (par exemple, les termes de validité, réalisibilité ou énoncé renvoient aux vocables de faisabilité, d’homologation, de contrat ou de cahier des charges, communément employés).

Pour respecter un critère d’adap-tabilité, la structure fonctionne d’une manière itérative. Il y a dis-cussion entre le réel, les propo-sitions d’action et les analogies méthodologiques (comme repré-sentations de situations équiva-lentes). Il y a validation, donc prise de décision. En revanche dans ce modèle, la maigre place faite à la traduction des

réalisa-tions pratiques minimise cette vie poïétique mal aimée.

Dans le même ouvrage en cher-chant à définir une méthode de pensée dans l’action, R. Larger opère une distinction entre trois moments qui constituent, à no-tre avis, une structure élémentaire simple permettant d’analyser toute situation de projet :

• une étape d’intention, œuvre de l’intelligence et de la volonté ; • une étape de décision, elle même subdivisée en deux phases :

- une phase dans laquelle l’intelligence délibère et la volonté consent ;

- une phase dans laquelle l’intelligence porte son dernier jugement pratique que l’acte de choix de la volonté épouse ;

• une étape d’exécution, œuvre, elle aussi, de l’intelligence et de la volonté.

La prise de décision se trouve donc au carrefour d’une clarification des fins que pour-suit la volonté, d’une collecte des informations utiles, d’une délibération rationnelle relative aux moyens permettant de réaliser ces fins de façon optimale.” 72

Sur le plan psychologique, l’idée de méthode est reprise par Léontiev dans son élaboration d’une théorie de l’action. Il détermine une relation entre, d’une part, l’aspect pragmatique lié à l’activité dans laquelle le résultat immédiat constitue le mobile de l’action, et, d’autre part, la visée idéelle qui représente le but que l’acteur se donne.

“... le sens d’une activité est le rapport entre son but et son mobile, entre ce qui incite à

agir et ce vers quoi l’action est orientée comme résultat immédiat.” 73 Idée originale Recherche Une autre analogie Adaptation au réel Condition de principalité Echelle de validité Condition de réalisabilité Epuration et réduc-tion des entités

Oui Non Enoncé et développe-ment du modèle Réalisations pratiques Choix des niveaux Machines et modèles existants Résultats Confrontation avec l’objet de l’analogie Phénomène ou objet proposé

Un organigramme de la méthode cybernétique p. 271 Stade I II III IV V VI Analogie trouvée

(72) Dans le chapitre «Dynamique de la pensée» R. Larger donne un point de vue philosophique sur «la méthodologie et la pensée individuelle et collective» in A. Moles & R. Caude, (1964), Ibid. p. 110.

Cette relation dialectique est primordiale pour tout acteur participant à un projet technique. La projection qu’il a du projet, suppose une intention dirigée —il aspire à agir— elle est le signe de la volonté de l’acteur. Simultanément, l’ambition technique du projet réclame un aboutisse-ment, sa quête ne doit pas être un inaccessible rêve. Ces représentations du réel, présentes tout au long du projet, sont progressivement modifiées par l’image perçue du réel transformé qui concrétise ce lien but/mobile. Le chemin de l’action et la méthode poursuivie renforcent le sens attribué au projet technique.

Dans le cadre d’un projet technique, faire preuve d’une méthode consiste à réaliser un pari sur l’avenir (le projet), avec la volonté d’en maîtriser la genèse et le développement (la démar-che). Une méthode s’oppose à l’idée d’initiatives irréfléchies. Deux attitudes complémentai-res de projection et de rationalisation sont sollicitées, elles définissent deux pôles dont l’équi-libre est évolutif puisqu’il rend compte d’une adaptation permanente au réel transformé. Nous considérons qu’une méthode est à la fois la représentation de la chaîne des différents moments fixant la progressivité du projet et les raisonnements qui sont développés à l’occa-sion de la mise en œuvre de chacune des pratiques. Trois jalons peuvent fixer la trajectoire simplifiée d’une telle méthode : l’intention, la décision et l’exécution.

2. 2. 2 L’éducation technologique : des projets

Dans notre première approche introductive, nous avions constaté que le terme de projet se déclinait sous de nombreuses acceptions : attitude de projet, projet technique, projet pédagogi-que projet technologipédagogi-que... Pour quitter le nomadisme du concept, nous proposons de distin-guer et de regrouper les diverses approches dans des unités de sens établies à partir d’une ana-lyse conceptuelle complétant celle que nous avons soutenue pour la démarche.

2. 2. 2. 1 L’approche de sens commun

Qu’est-ce qu’un projet ? C’est un dessein dirigé vers le futur, une visée qu’un (ou des) acteur (s) se propose(nt) d’atteindre. C’est un plan guidé par un but, une élaboration programmée et méthodique des moyens pour atteindre un résultat. C’est une représentation, une construction imaginaire dont l’entreprise valorise la traduction. Etre en projet, ce serait pour l’acteur une conduite d’anticipation qui postule la représentation d’un existant : le résultat de la conduite. Pour aboutir à cet existant l’acteur imagine une série potentielle d’actions transformant le réel. La variété des synonymes du mot projet signale l’étendue des interprétations possibles à propos des relations intervenant dans la triade acteur-projet-monde réel (dessein, intention, but, visée, planification, programme, entreprise... mais aussi machination). En revanche, l’antonyme

figu-rant dans le Petit Robert 2000 :“réalisation”, en fixe la limite. Cette dernière remarque signale le paradoxe projection-action auquel tout projet technique se trouve confronté.

Au-delà de ce sens commun, nous avons regroupé les unités de sens plus théoriques sous trois formes de projet : un projet existentiel (idéal), un projet-méthode (pédagogique) et un projet technique (opératoire).

2. 2. 2. 2 Le projet comme concept existentiel

“La figure du projet”, que Jean-Pierre Boutinet reconnaît également comme relevant de

plu-sieurs approches, lui apparaît comme “la manière originaire d’être au monde, c’est-à-dire d’entrer

en relation avec le temps à venir, avec l’espace à recréer.” 74 C’est à partir de cet axiome que le projet a été accaparé comme objet d’étude théorique :

“Les philosophes mais aussi les psychologues, les sociologues, les économistes se sont

efforcés de penser un «projet humain» qui aide les individus et les groupes à donner une orientation appropriée à leurs aspirations, une orientation susceptible de compor-ter un sens pour eux, qui puisse conjurer l’absurde de leur condition.” 75

En premier lieu, le projet représente une forme d’anticipation visant une action. Il est caracté-risé par la volition dont Paul Ricœur rend compte de la complexité structurelle :

“On y retrouve la saisie perceptive d’une situation, l’imagination de certains buts à atteindre, la projection de certains désirs à satisfaire, des estimations éthiques et autres, une appréciation des obstacles et des voies praticables, un calcul raisonné des moyens et des fins, un jugement de probabilité sur les chances de réussir, etc.” 76

Toutefois, ce projet idéal est difficilement explicable en dehors de toute association à un con-texte. C’est pourquoi certains auteurs tentent d’articuler les différentes approches données au projet.

Observant que c’est la double exigence psychologique des mobiles et des moyens qui condi-tionnent l’activité du sujet dans le projet, Yves Clot rend compte à la fois du projet existentiel et du projet opératoire que consistera le projet technique.

“Pas de développement durable de nouveaux mobiles sans développement de nou-veaux moyens d’action sur le réel et inversement. C’est pourquoi la traversée par le sujet d’une zone de développement de ses moyens d’action doit suivre impérativement