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Chapitre I Cadre théorique

1.2. Concepts de cellule hydrosédimentaire et de budget sédimentaire

Les plages sont des systèmes dynamiques et en constante évolution. Ainsi, l’équilibre d’une plage dépend des pertes sédimentaires (sortants) et de ses sources sédimentaires (intrants). Le concept de cellule hydrosédimentaire exprime de manière conceptuelle le dynamisme des stocks de plages dans un espace déterminé fini. Elle possède ses propres limites pratiquement infranchissables par les sédiments, ses sources sédimentaires, sa dérive littorale et un ou des puits où les sédiments sont perdus de façon permanente (Dubois, 1973; Patsch et Griggs, 2006). Ce concept est employé pour comprendre les processus côtiers, les intrants et les sortants de sédiments, les stockages et le transport sédimentaire. Il est un cadre de travail pour évaluer les impacts des activités humaines sur la zone côtière. Patsch et Griggs

(2006) expliquent que ses frontières sont majoritairement un promontoire rocheux, une barrière d’origine anthropique ou un puits sédimentaire.

Le budget sédimentaire est un autre concept qui permet de comprendre les sources et les puits de sédiments, leurs patrons de transport et leurs magnitudes à l’intérieur d’une cellule hydrosédimentaire pour une période de temps définie (Rosati, 2005; Patsch et Griggs, 2006). Le budget sédimentaire est une balance de volume des sédiments entrants (sources) et sortants (puits) d’un secteur donné et résultant d’une accrétion ou érosion du secteur de côte étudié (Rosati, 2005; Bird, 2008; Paskoff, 2012). Le budget est fait pour représenter les conditions à court terme comme ceux des saisons jusqu’à des périodes plus longues d’un temps historique donné. En ce sens, le budget sédimentaire est un élément fondamental des études de processus sédimentaire côtier (Komar, 1998). Il sert de cadre de travail pour évaluer un projet en milieu côtier, développer une compréhension des patrons de transports sédimentaires dans le temps, estimer les taux futurs d’érosion et accrétion et de voir l’impact éventuel d’une infrastructure de protection sur le milieu (Rosati, 2005).

Il existe plusieurs sources actuelles et reliques de sédiments qui alimentent les plages (figure 5).

Par exemple, les falaises et microfalaises actives ainsi que l’arrière-plage peuvent fournir à la plage de grandes quantités de sédiments tant qu’il leur reste du matériel, que leur lien n’est pas interrompu par des obstacles (ex : un enrochement ou un muret) et que le matériel est pris en charge par la dérive littorale (Paskoff, 2012). L’avant-côte est une source de sables et de galets pouvant être remontés vers les plages (Bird, 2008; Paskoff, 2012). Les stocks sédimentaires peuvent aussi avoir été accumulés par des agents continentaux (eau, glace, vent) durant la dernière époque glaciaire lorsque le niveau marin était plus bas.

Dans les régions englacées comme le Québec, les sédiments accumulés dans les mers postglaciaires sont aujourd’hui une source sédimentaire. Tel que le mentionnent Brodeur et Allard (1985), les sédiments accumulés sur l’île aux Coudres par la mer de Goldthwait sont des dépôts littoraux minces de la mer de Goldthwait (terrasse Mitis) et une plaine d'argile marine sur une partie de l'île.

Les apports sédimentaires des cours d’eau ne sont pas à négliger et peuvent être une source importante à l’intérieur de la cellule hydrosédimentaire (Bird, 2008; Paskoff, 2012). Lors de la fonte printanière, l’érosion dans les bassins versants par la glace et le grand volume d’eau qui s’écoule des rivières apporte une charge grossière considérable de matériel qui se jette à la mer (Paskoff, 2012). La météorisation des affleurements rocheux de la zone littorale offre une source terrigène de sédiments pour les plages (Bird, 2008). Le vent lorsqu’il souffle depuis les terres peut emporter des sables qu’il laisse tomber dans les eaux littorales (Bird, 2008; Paskoff, 2012).

Ultimement, le sable est exclu du compartiment hydrosédimentaire lorsqu’il termine son chemin dans les « puits » vers le large, hors de la portée du transport littoral, sur les dunes côtières ou dans une autre cellule adjacente (Bird, 2008; Paskoff, 2012). Les marais maritimes peuvent également servir de puits à sédiments grâce à la floculation ou la sédimentation des particules fines, favorisée par la croissance de la végétation (Drapeau, 1992).

Bien évidemment, les échanges sédimentaires qui affectent les plages sont fonction du type d’environnement dans lequel se produisent les mécanismes érosifs, hydrodynamiques et éoliens. Dans le cas de l’île aux Coudres, le type de côte principalement retrouvé sur les secteurs à l’étude est celui de la terrasse de plage constituée d’une « basse terrasse de quelques dizaines à quelques centaines de mètres de largeur, composée de sables et graviers littoraux reposant sur un substrat rocheux aplani » (Brodeur et Allard, 1983). Cette terrasse de plage, aussi appelée terrasse Mitis, a été édifiée il y a environ 2 000 ans durant l’Holocène (Locat, 1977; Brodeur et Allard, 1983; Brodeur et Allard, 1985; Dionne 1990; Dionne, 2002). Les dépôts fluvio-glaciaires et glaciaires, comme le till ou les moraines, laissés sur le continent et sur le littoral actuel, peuvent être une source de sédiments pour les plages. En effet, ces dépôts anciens peuvent être transportés par les cours d’eau ou remaniés par les vagues, les courants et les marées et ainsi servir à alimenter la côte en matériel.

Ainsi, la sensibilité du littoral de l’île aux Coudres découle du fait qu’elle est formée de plages dont le stock sédimentaire est hérité de processus du passé et entretenu seulement par l’érosion de la terrasse Mitis, des recharges sédimentaires réalisées par les humains et des apports provenant du bas estran. Des sédiments fins issus des cordons de bas estran ou de l’avant-plage peuvent en effet potentiellement engraisser les plages de l’île et l’érosion de la plateforme rocheuse peut également fournir des plaquettes de schiste par météorisation (gélifraction essentiellement), voire par l’action mécanique des vagues. Il n’y a par contre que très peu d’apports en provenance de l’érosion des falaises adjacentes ou des cours d’eau. La présence croissante des ouvrages de protection sur le littoral peut limiter ou obstruer le transit sédimentaire naturel des cellules de l’île.