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2.1 Introduction aux objets communicants

2.1.4 Le concept de Produit Intelligent

Au laboratoire CRAN, la recherche sur le concept « objet communicant » a commencé dans les années quatre-vingt-dix [Bajic et al., 1993]. [Chaxel, 1995] dans sa thèse de doctorat a développé la notion de « objet nomade de production » en exploitant les techniques de l'identification automatique par radiofréquence. Un objet nomade de production est défini comme un objet capable de fournir des données aux clients, coopérer avec les autres entités participant à son évolution, adapter ses règles de décision en fonction de l'expérience acquise durant les phases précédentes de son cycle de production, coordonner des processus de décision et s'auto-finaliser ou imaginer. Dans cette thèse, un système d'information nomade a été proposé, avec les méthodes et les outils associés, où l'initiative du dialogue produit - processus est prise non pas par le produit, serveur de ces informations, mais par les machines, clientes des produits. [Bajic et al., 1999] ont proposé un modèle de référence dans lequel chaque produit et chaque processus est capable : de gérer ses caractéristiques propres (forme, version, …), de mémoriser la connaissance sur son évolution au travers de la séquence d’opérations d’un produit, de stocker et agréger leur histoire dans les limites technologiques de chaque entité. Dans cette approche, le produit est une entité agissant comme serveur, c’est-à-dire, comme fournisseur d’information et les processus sont des entités agissant comme des demandeurs d’informations vers un produit physique. Dans cette proposition, les produits physiques peuvent stocker leurs informations dans des étiquettes électroniques ou dans des cartes à puce sans contact. Une carte à puce est caractérisée pour permettre le stockage d’informations sur la mémoire de la carte et l’exécution des petites applications (sur un microprocesseur) afin de gérer les opérations réalisées par un utilisateur ou client [Praca et Barral, 2001].

En Angleterre, à l’IfM (Institute for Manufacturing), de l’Université de Cambridge, l’équipe de recherche (Centre for Distributed Automation and Control) a prolongé la notion de produit intelligent dans le domaine manufacturier. Selon [McFarlane et al., 2002] un produit intelligent est défini comme une représentation physique et informationnelle d'un objet avec les caractéristiques suivantes :

 il possède une identification unique ;

 il est capable de communiquer efficacement avec son environnement ;  il peut mémoriser ou stocker des données au sujet de lui-même ;

 il dispose d’un langage de communication pour transmettre ses caractéristiques et ses besoins pendant son cycle de vie ;

 il est capable de participer ou de prendre des décisions appropriées à son propre destin de façon continue.

L'identification automatique implique d’obtenir automatiquement l'identité d'un objet au moyen d’une technologie donnée. Par exemple, l’accès en temps réel à l’identité d’un produit grâce à l’identification automatique par radiofréquence permet de déterminer la présence d’un produit et, indirectement il est possible de déterminer sa localisation [Finkenzeller, 2003]. Il est important de signaler que dans la définition donnée de produit intelligent il est possible de distinguer deux niveaux de complexité : un produit apportant de l’information dans son environnement et un produit supportant des mécanismes de décision [Wong et al., 2002]. Ce dernier est le plus complexe parce que dans ce cas il faut doter le produit de mécanismes de décision impliquant que le produit doit avoir une capacité d’analyse intégrée afin d’évaluer et de prendre la meilleure décision en fonction de son état et de son contexte.

Selon [Kärkkäinen et al., 2003a], la notion de produit intelligent est associée à la gestion individuelle de chaque produit au travers de son cycle de vie en intégrant le flux informationnel et matériel (physique) afin d’offrir des services en utilisant un réseau Internet.

Comme exemple concret de l’application du concept de produit intelligent, nous citons la fonction de traçabilité [Jansen-Vullers et al., 2003] de produits dans son cycle de vie. Le but dans ce cas est d’enregistrer et actualiser toute information dynamique associée à un produit (tels que ses états, les opérations qu’il a suivi, …) sur une étiquette électronique, par exemple, ou sur une ou plusieurs bases de données distantes afin de relier chaque produit physique (individuellement) avec sa représentation informationnelle. Grâce à cela, il est possible qu’un acteur de la chaîne logistique puisse connaître à tout moment l’histoire détaillée d’un produit. Eventuellement, l’information enregistrée sur une étiquette électronique ou sur des bases de données peut être employée comme entrée d’un processus à posteriori afin d’optimiser une opération donnée.

Comme autre exemple, nous citons l’apport de l’information stockée sur un produit intelligent dans un processus de contrôle dans un système de production. La Figure 8 [McFarlane et al., 2003] illustre une boucle de contrôle d’un processus industriel où la capture de données est enrichie avec l’apport de l’information du produit au processus décisionnel au niveau opérationnel grâce à ses capacités de mémorisation et de communication. En effet, l'introduction d'un système d'identification automatique permet au produit physique être reconnu comme telle en apportant ses informations afin d’influer sur les décisions et opérations qu’un système réalise avec lui. Ceci implique d’attribuer un rôle plus actif à un produit physique. Eventuellement la partie décisionnelle associée au produit peut être incluse dans sa représentation virtuelle lui permettant de prendre des décisions autonomes et ainsi devenir une entité active influençant son cycle de vie [Cea et Bajic, 2004] [Bajic et Cea, 2005]. Dans cet ordre d’idées, [McFarlane et al, 2002] affirme qu’un produit intelligent est un article manufacturé qui possède la capacité de surveiller, d’analyser et raisonner au sujet de son état actuel ou futur et, si nécessaire, d’influencer son destin. Comme avantages de cette approche nous pouvons citer la potentialité qu’a un produit de s’adapter (adaptabilité) face aux opérations émergentes (commandes urgentes, pannes des machines, ruptures de stock, reconfiguration des lignes, etc.) ou aux réorganisations de la production, du stockage, …, et aux besoins dynamiques et potentiellement évolutifs des clients.

Figure 8 : Apport de l’information du produit dans le processus décisionnelle.

L'introduction de l’identification automatique fournit la possibilité d’employer l'information concernant chaque produit de façon individuelle (son identité, ses états, son histoire, …) en même temps que les données opérationnelles (tels que la température, position, vitesse, statuts des équipements, …) afin de contrôler le système. La combinaison de ces deux mécanismes peut

clairement améliorer les processus de décision et de contrôle. Par exemple, la Figure 9 [McFarlane et al., 2003] montre la complémentarité de ces deux mécanismes : l’information stockée sur le produit étant utilisée en même temps que les données opérationnelles afin d’optimiser un processus déterminé. Cette interprétation implique d’avoir une relation « one-to-one » entre les éléments de prise de décision et les systèmes physiques effectuant les opérations.

Figure 9 : Optimisation d’un système de contrôle par les informations stockées sur le produit et l‘information captée de l’environnement.

La disponibilité de l'information sur le produit et leur processus amène à une visibilité ou observabilité accrue des différents changements des états des produits [McFarlane, 2003]. Ceci, parce que la considération des caractéristiques individuelles d’un produit mène immédiatement à un plus grand nombre d'états possibles. Comme approche complémentaire à l’approche de produit intelligent nous présenterons le paradigme HMS (Holonic Manufacturing System).

2.1.4.1 L’influence du paradigme HMS (Holonic Manufacturing System)

L’implémentation du concept de produit intelligent dans les systèmes manufacturiers a besoin d’une méthodologie d’ingénierie de systèmes pour modéliser les interactions entre des produits physiques et des ressources matérielles et immatérielles [Morel et al., 2003]. Dans ce sens, le paradigme HMS (Holonique Manufacturing Systems) applique le concept d’holon26 aux systèmes manufacturiers. Le concept d’holon a été introduit par Koestler en 1967, il exprime la dualité entre le “tout” et la “partie”, c’est-à-dire, qu’une partie d’un ensemble peut former un tout cohérent à lui seul, mais qu’elle est capable de communiquer et de coopérer avec son environnement [Koestler, 1967]. Le projet HMS (Holonic Manufacturing Systems) avait pour but de rendre les systèmes de production stables face aux perturbations, de rendre les systèmes de production adaptables et flexibles face aux changements de production, de permettre aux systèmes d’utiliser efficacement les ressources disponibles. Un système manufacturier holonique (HMS) est un système distribué composé par des holons [Valckenaers et al., 1998]. Dans le contexte du projet HMS, un holon est une entité stable, autonome et coopérative. Dans ce but, l’approche holonique pour les systèmes manufacturiers permet de concevoir et d’opérer des modules autonomes et flexibles (holons) afin de former une structure holonique coopérative (appelée holarchie). Les fonctions principales d’un holon sont de type opérationnel, sensoriel et décisionnel.

26 Le terme d’holon vient du grec Holos, qui veut dire “tout”, et du suffixe « on » utilisé pour désigner une partie ou une particule, comme dans “proton”.

L’opérationnalisation de cette approche holonique est basée sur l’approche des systèmes multi agents (SMA) [Ferber, 1995]. Dans ce cas, les agents informatiques peuvent raisonner indépendemment, peuvent réagir aux changements produits par d'autres agents ou son environnement, et peuvent coopérer avec d'autres agents. Ici, le concept clé est la négociation entre agents.

Figure 10 : Approche produit / objet intelligent portant sa propre information.

Inspirés dans ce paradigme, [Bajic et Chaxel, 2002a] ont proposé une approche manufacturière holonique basée sur des produits - holons représentés par une partie du traitement de l'information associée à une partie physique du produit. Dans cette approche, un produit comme entité holonique porte sa propre information sur une étiquette électronique programmable (mode Read/Write) pour communiquer avec chaque client impliqué dans son processus de développement. Les interactions entre un produit et un processus sont développées au moyen de requêtes / réponses comme il est montré dans la Figure 10. Les principales issues de cette approche sont associées à la gestion de l’information, la mobilité du produit et la possibilité de prise de décision de chaque holon-produit. Le produit est le manager de sa propre information et la transmet au processus après réception d’une requête. L'information du produit est classée en deux catégories : l’information sur le produit et l’information distribuée sur une base de données accessible par réseau. Une vision similaire est proposée par [McFarlane et al., 2003] en considérant un produit intelligent comme un holon-produit en intégrant une partie physique, une partie informationnelle et une partie décisionnelle capable de communiquer et de coopérer avec d’autres holons.