• Aucun résultat trouvé

3. LA CONCEPTION D’UN GUIDE D’ACCOMPAGNEMENT EN STAGES DANS UNE

3.1 Le concept de l’accompagnement réflexif

Le phénomène social de l’accompagnement dans les secteurs professionnels émerge des années 90 (Paul, 2016). L’accompagnement est un fondement relativement stable (Ibid.), mais largement employé, c’est pourquoi il doit être contextualisé pour prendre tout son sens. Pour saisir le sens du mot «accompagnement» tel qu’utilisé dans cet essai, il convient de le définir. Par la suite, il est question d’une pratique réflexive dans un changement de paradigme.

Des définitions de l’accompagnement

Lafortune et Deaudelin (2002, dans St-Germain, 2008) définissent l’accompagnement comme une perspective socioconstructiviste interactive, soit «un

soutien que l’on apporte à des personnes en situation d’apprentissage afin qu’elles puissent progresser dans la construction de leurs connaissances» (p. 199).

L’accompagnement, selon St-Germain (2008), doit tenir compte du processus individuel, institutionnel et organisationnel. Cette posture demande à la personne accompagnatrice de se questionner et de faire des choix sur la nature du travail. Il exige que la personne accompagnée se positionne. Dans un processus d’accompagnement, «il n’y a pas d’obligation de résultat» (Ibid., p. 28). L’accompagnement, ce n’est par prendre la place ou l’initiative de l’autre, ce n’est pas animer, enseigner, orienter ou guider. «L’accompagnateur aura pour rôle de laisser de l’autonomie à l’accompagné afin que celui-ci trouve lui-même son chemin et apprenne de ses erreurs» (Ibid., p. 28).

Une notion importante dans l’apprentissage du processus d’accompagnement est l’apprentissage de l’acceptation qu’une personne accompagnée apprenne de ses erreurs. La personne accompagnée évolue à son rythme dans un processus de changement qui lui est propre, intercalé de périodes d’essais-erreurs et de pauses (St- Germain, 2008). Pour Vial (2007, dans St-Germain, 2008), la personne accompagnante est une «personne-ressource qui aide l’accompagnée à problématiser lui-même les situations» (p. 28).

Pour Paul (2016), il s’agit de «se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui et à son rythme» (p. 7). Cela sous-tend les aspects relationnels, temporels et opérationnels. On peut retirer quatre idées principales de l’accompagnement: celui qui accompagne passe au second plan et soutient l’accompagné en le valorisant; l’accompagnement présume qu’il y a un temps pour élaborer les étapes du cheminement; il y a implication des deux parties tout au long du processus; il existe une transition dans le temps qui comprend un début et une fin. L’accompagnement consiste à fournir des conditions pour développer de nouvelles ressources aidantes grâce au développement de son expérience pour évoluer de manière

autonome dans un contexte donné. L’accompagnement est une pratique complexe qui nécessite de se donner des repères.

Pour Martel (2009), l’accompagnement fait partie des «pratiques éducatives, moins directives et plus ouvertes à la différence des personnes et des styles d’apprentissages, qui font place à une démarche d’accompagnement et qui ont pour but de guider, de soutenir et d’aider plutôt que de diriger» (p. 18). En ce sens, les précisions de Martel s’arriment à l’approche inclusive.

Lane (2008) ajoute à l’accompagnement la composante réflexive. Elle fait un rapprochement avec la supervision clinique. Plusieurs auteurs (Davys et Beddoe, 2010; Orland-Barak et Klein (2005, dans Lane et al., 2012)), stipulent que l’accompagnement consiste à mettre l’expertise enseignante au second plan et à activer les forces et les ressources de la personne accompagnée en utilisant le questionnement pour développer le raisonnement pédagogique. Les caractéristiques d’un accompagnement réflexif sont l’utilisation de pratiques socratiques et interrogatives pour amener la personne accompagnée à «s’expliquer et à comprendre son action et ses stratégies de résolution de problèmes» (Lane, 2008, p. 107-108).

Conséquemment, notre définition de l’accompagnement correspond à un «soutien que l’on apporte à des personnes en situation d’apprentissage afin qu’elles puissent progresser dans la construction de leurs connaissances» (Lafortune et Deaudelin, 2002, dans St-Germain, 2008, p. 199), à travers des «pratiques éducatives, moins directives et plus ouvertes à la différence des personnes» (Martel, 2009, p. 18), «pour aller où il va en même temps que lui et à son rythme» (Paul, 2016, p. 7), afin d’arriver à «s’expliquer et à comprendre son action et ses stratégies de résolution de problèmes» (Lane, 2008, p. 107-108), en prenant conscience qu’ «il n’y a pas d’obligation de résultat» (St-Germain, 2008, p. 28).

C’est dans cette perspective que le guide d’accompagnement est l’objet privilégié pour guider des intervenantes et des intervenants dans leur questionnement dans une perspective inclusive en stages.

Une pratique réflexive pour un changement de paradigme

L’appropriation d’un nouveau paradigme et le changement de perspective enseignante sont facilités par le processus d’accompagnement (St-Germain, 2008). Toujours selon St-Germain (2008), les nouvelles idées sont génératrices de résistances et incitent au statu quo. Les résistances déstabilisent. On remarque cette réaction «lorsque les nouvelles idées affectent plusieurs valeurs du paradigme bien établi depuis longtemps» (Ibid., p. 23). Cette auteure nomme cette réaction l’«effet paradigme» (p. 23) qui se traduit par une modulation de la perception lorsque de nouvelles informations sont déformées pour se confondre aux perceptions habituelles. Pour Johansson (1997, dans St-Germain, 2008) le changement de paradigme transforme les valeurs, les stratégies et l’attitude qui deviennent les nouveaux repères. Ce changement influence les perceptions affectant ainsi la prise de décision et le jugement. Pour entamer un processus de changement, il faut d’abord démontrer de l’ouverture, avoir la volonté de reconnaître la nouveauté et accepter de repousser ses limites. Khun (1990, dans St-Germain, 2008) souligne qu’adopter un nouveau paradigme nécessite du courage et de la confiance en son jugement.

Legendre (2005), définit le concept de changement comme une: «rupture avec l’habitude et la routine, obligation de penser de façon neuve à des sujets familiers et remettre en question les anciens postulats». En d’autres mots, G. Bergeron (2015) mentionne qu’il s’agit de passer d’une zone de sécurité ressentie à travers les pratiques traditionnelles connues, à une zone de risque représentée à travers les pratiques inclusives centrée sur les étudiantes et les étudiants.

Pour Jorgensen et Weir (2002, dans Rousseau et al., 2015), un élément important du changement réside dans la dimension d’acceptation d’une nouvelle culture d’apprentissage à travers laquelle la diversité exprime différemment ses connaissances. La réflexion sur la pratique enseignante est indispensable (Martel, 2009). Pour Lafortune et Daudelin (2001) le concept de la pratique réflexive enseignante correspond à «un ensemble de gestes professionnels qui comprend non seulement l’intervention auprès de personnes en situation d’apprentissage, mais aussi une réflexion sur ces gestes» (p. 43). Pour favoriser un changement de paradigme et développer la pratique pédagogique inclusive, une pratique réflexive sur sa pratique professionnelle doit s’amorcer.

Une pratique réflexive implique une réflexion dans et sur l’action (Schön, 1983, dans Lefebvre, 2015). Pour Schön (1983, dans Lefebvre, 2015), la réflexion dans l’action est intuitive et la réponse est immédiate. Elle se décortique selon la séquence suivante: erreur dans l’action ou situation inattendue, arrêt momentané de l’action, prise de conscience sur l’évènement, réajustement de l’action. Lefebvre (2015) précise que la réflexion dans l’action «s’applique particulièrement lors d’interventions» (p. 56).

Pour Schön (1983, dans Lefebvre, 2015), la réflexion sur l’action se produit après l’action, laissant du temps pour la réflexion et l’évaluation des résultats des actions posées. Elle fait davantage référence au processus de rétrospection à court, moyen ou long terme. Perrenoud (2001, dans Lefebvre, 2015) précise qu’il s’agit d’un «processus de distanciation critique face à l’action passée ou à venir» (p. 56) qui confronte l’agir anticipé à un référentiel permettant de procéder à une analyse. Il rappelle que cette analyse est essentielle, car elle permet «d’apprendre et d’intégrer de nouveaux savoirs objectivés qui vont orienter, guider et soutenir de nouvelles manières de faire» (Perrenoud, 2001, dans Lefebvre, 2015, p. 56). Elle sert de référentiel pour les prochaines réflexions dans l’action. Lenoir (s.d.) ajoute que l’analyse réflexive ne découle pas que de la volonté et du dialogue. Elle nécessite d’avoir «des orientations

conceptuelles […], une ou des grilles d’analyse issues de ces fondements […] le recours à des dispositifs (des moyens) favorisant son usage» (Ibid., p. 8). Selon Lefebvre (2015), un objet réflexif accessible permet d’encourager une pratique réflexive sur l’action et contribuerait à l’amélioration de l’enseignement «et les rendrait plus autonomes en début de carrière» (p. 2).

La pratique réflexive sur ses propres pratiques professionnelles, dans et sur l’action, exige de la volonté, du courage et de l’ouverture. Toutefois, une structure tel un guide d’accompagnement permet d’entamer un changement de paradigme et le développement de nouvelles pratiques enseignantes de manière structurée.