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de conservation

L’objectif finalisé de cette recherche est de participer à l’identification d’actions d’aménagement du territoire qui puissent accompagner et soutenir les changements d’activités agricoles qui soient compatibles avec des objectifs de conservation et de développement. Nous cherchons donc à analyser précisément ces changements, en nous appuyant sur un modèle théorique sous-jacent.

L’observation de changements paysagers, plus ou moins remarquables selon les territoires au sein de la région du corridor Ranomafana-Andringitra, et ce, peu de temps après la mise en œuvre de dispositifs de conservation des forêts, a tout d’abord orienté notre réflexion sur les stratégies paysannes d’adaptation à ces nouveaux dispositifs. Des discussions avec les paysans nous ont permis de mettre effectivement en relation les changements paysagers observés avec des réponses aux nouvelles contraintes issues du dispositif de conservation, mais aussi de distinguer des discours très différents sur la manière dont les contraintes étaient vécues individuellement. Nous avons donc choisi de nous intéresser spécifiquement aux capacités d’adaptation des agriculteurs pour expliquer les processus sous-jacents aux changements observés et identifier des pistes d’action pour renforcer ces capacités.

Cette section montre dans un premier temps en quoi la notion de capacité d’adaptation est particulièrement appropriée à une problématique de développement durable centrée sur les enjeux sociaux. Puis, dans un second temps, les développements théoriques du concept de capacité d’adaptation et les applications potentielles aux systèmes agricoles sont présentés. Enfin, nous concluons sur l’intérêt de ce concept dans cette recherche : il offre les moyens d’analyse des bases territoriales pour un aménagement intégré visant à mieux concilier conservation et développement. Mais ce type de recherche, qui a une finalité explicite d’aide à la gestion étant encore rare, il sera nécessaire d’élaborer de nouveaux formalismes et cadres d’analyse.

1.

Accroitre les capacités d’adaptation des agriculteurs comme condition

du développement durable

Les évolutions des interactions entre agriculture et forêt, et plus globalement entre une société et son environnement, sont fondamentalement variables, incertaines et donc imprédictibles (Picouet et al, 2004).

Par exemple, l’agriculture sur abattis-brûlis, qui dans un contexte d’augmentation de la pression démographique et de disparition de la ressource forestière n’est plus un mode d’usage des terres durable (Keck, et al., 1994 ; Sutter, 2000 ; Huq, 2000, Messerli, 2002) a été remplacée, à des rythmes différents, par des formes d’agriculture plus intensives dans certaines zones du monde (Watters, 1971 ; Grigg, 1974 ; Spencer 1996 ; Rasul et Thapa, 2003). Dans les montagnes du Népal, elle a été complètement remplacée par une agriculture sédentaire intensive à la fin du 19ème siècle. Dans les montagnes du Nord de la Thaïlande et la péninsule malaisienne, et dans les îles de Java et de Bali en Indonésie, l’agriculture sur abattis-brûlis a été largement remplacée par une agriculture commerciale sédentaire basée sur l’agroforesterie lors des vingt dernières années (Turkelboom et al, 1996). Il en est de même pour certains pays d’Afrique comme le Kenya, le Nigeria, le Rwanda et la Tanzanie (Cleaver

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et Schreiber, 1994 ; Tiffen et Martimore, 1994). En revanche, à Madagascar, l’agriculture de subsistance basée sur la pratique de l’abattis-brûlis est encore prépondérante dans les régions forestières (Oxby, 1985 ; Oxby et al. 1985 ; Messerli, 2002). Les facteurs qui poussent les paysans à passer d’un système de production à un autre sont encore mal compris (Brady, 1996 ; Pagiola et Holden, 2001).

Ces évolutions sont marquées par des crises (famine, crises politiques ou climatiques), des perturbations cycliques (cyclone, sécheresse) ou des changements structurels. Par exemple, depuis peu les agricultures familiales sont confrontées à de rapides changements du contexte économique et institutionnel qui résultent de la libéralisation des marchés, de leur élargissement, du désengagement des Etats notamment en matière de stabilisation des prix ou de services d'appui à l'agriculture.

L’interprétation de l’état d’un système doit donc s’inscrire sur la flèche du temps, dans une succession d’équilibres relatifs et de crises qui constituent la trame de son histoire. Cette histoire est faite d’évolutions irréversibles, de ruptures, de transitions qui s’appréhendent aussi bien dans le court terme que dans le long terme. Il est donc difficile de caractériser un développement durable à un instant t. Certains redéfinissent alors le développement durable comme une notion « non permanente », ni un résultat définitivement acquis (Rossi, 2003 ; Picouet et al, 2004).

L’enjeu est donc de concevoir la durabilité comme un processus de coévolution entre le nature et la société (Sriskandarajah et al., 1991 ; Clark et al., 1995).

Il s’agit de dépasser la vision antagoniste des rapports entre développement et conservation, pour adopter des analyses dynamiques intégrant la complexité et la diversité des interactions entre population et environnement. Le passage d’un mode de réflexion basé sur la recherche de la conservation d’un hypothétique équilibre statique à des approches centrées sur les processus, les interactions et l’identification de trajectoires d’évolution dans une logique adaptative s’impose (Rossi, 2003).

Les connaissances actuelles sur les dynamiques des systèmes forestiers et sur les déterminants sociaux contribuant à un développement durable sont encore trop limitées. Elles ne permettent pas de formuler des modes de gestion intégrant partout et à tout moment activités humaines et maintien des forêts. Ajouté à cela la croissance démographique, si l’on veut s’assurer du maintien des capacités de la prochaine génération à s’adapter et à répondre à ses besoins, des dispositifs de conservation des forêts combinant des zones de régulation des pratiques humaines et d’exclusion totale s’imposent par principe de précaution ; « Et lorsque les

données sûres manquent, les décisions doivent être prises en tenant compte le plus possible du principe de précaution : la biodiversité a besoin d'hommes raisonnables » (Blandin, 1995).

Mais il faut nécessairement envisager en même temps les processus de développement rural compatibles avec ces zonages pour répondre pleinement aux principes du développement durable. L’enjeu est alors d’accompagner ces évolutions en favorisant au maximum les capacités d’adaptation des agricultures familiales. Rossi (2000) souligne : « la meilleure façon

de ne pas fragiliser le futur est de préserver le maximum de possibles, de diversité, de capacités d’adaptation […]. Favoriser l’épanouissement de la diversité pourrait être la meilleure voie vers le développement humain durable ».

L’approche par les « capacités24 » qui s’appuie notamment sur les travaux de Sen (1987) apporte des moyens d’analyse et de mesure d’un développement rural durable compatible

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Cité par Dubois et Mahieu, 2004, p79 : A Sen parle de « capability », un concept parfois francisé sous le terme de capabilité mais qui n’est pas officiellement reconnu ; il est donc traduit par capacité.

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avec la conservation. Il peut se concevoir comme l’accroissement de la capacité des agriculteurs à moins dépendre des fluctuations du milieu ou à mieux les maitriser, autrement dit à fonctionner correctement en effectuant un certains nombre de réalisations attendues : produire, se nourrir, accumuler, se reproduire, tout en préservant les ressources naturelles. Chambers (1994) suggère qu’un mode de vie est durable quand il peut faire face et se reconstruire après une perturbation ou un choc, et en même temps maintenir ou développer ses capacités, ses biens, ses qualités, sans détruire les ressources naturelles de base.

2.

Fondements du concept : biologie évolutive et capacités d’adaptation

des écosystèmes face aux perturbations

Le terme d’adaptation trouve ses origines dans la biologie évolutive qui s’intéresse au développement des caractéristiques génétiques et comportementales des organismes ou des systèmes afin de faire face aux changements environnementaux pour survivre et se reproduire (Futuyama, 1979 ; Kitano, 2002). Dans la lignée des travaux de Darwin, une adaptation est un caractère anatomique, un processus physiologique ou un trait comportemental qui a évolué sous l'effet de la sélection naturelle parce qu'il améliorait la survie et le succès reproductif à long terme d'un organisme (id.).

L'adaptation est rarement une notion ayant une valeur absolue ; elle présente toujours un caractère relatif. Cuénot, un des premiers darwinien français écrivait en ouverture de son ouvrage L'Adaptation (1925) : « Une adaptation est en réalité la solution d'un problème,

exactement comme une machine ou un outil fabriqués par l'homme ».

2.1. Comportement des systèmes écologiques face aux perturbations

La perturbation est définie par les écologues comme un changement d’un facteur de l’environnement du système biologique qui interfère avec son fonctionnement normal (Rykiel, 1985). Blandin (1986) défini « l’état normal » comme état de référence à partir duquel on peut comparer différentes situations. Une perturbation peut être caractérisée par sa nature (les variables du système qu’elle affecte), son intensité (mesurée par l’écart entre l’état résultant et l’état normal du système), ses caractéristiques spatio-temporelles (sa fréquence et l’ampleur du système concerné). Conway (1991) distingue deux types de perturbations : les stress, de faible ampleur, prévisibles et parfois continus, et les chocs, forts, non prévisibles et rares.

Pour décrire le comportement des systèmes écologiques face aux perturbations, Blandin et Lamotte (1985) identifient trois états : l’équilibre, la stabilité et l’adaptation (Figure 15).

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Figure 15 : Modèle d’adaptation d’un système écologique sous l’effet d’une perturbation (adapté de : Blandin et Lamotte 1985 ; Blandin 1986)

L’équilibre correspond au fonctionnement du système en dehors de toute perturbation : il conserve ses propriétés structurales et fonctionnelles. L’équilibre est toujours dynamique car les écosystèmes sont des systèmes ouverts en interactions permanentes avec leur environnement. Il y a donc fluctuation de différentes variables dans un domaine de fluctuation, c’est la stabilité.

Si les perturbations sont minimes, la structure du système n'est pas considérablement modifiée; le système retrouvera un équilibre préalable et fait ainsi preuve de capacité de stabilisation.

Si les perturbations sont importantes et persistent, on parle alors de régime de perturbation. La structure et la fonction du système se transforment totalement; deux solutions sont possibles :

- Les modifications engendrées créent une nouvelle structure, aboutissant à un nouvel équilibre ; le régime de perturbation fait alors partie intégrante du nouvel état « normal » du système. Le système retrouve un équilibre dynamique différent de l'ancien et on parle d’adaptation.

- Les modifications engendrent une structure dont le fonctionnement génère un déséquilibre dynamique.

Il existe d’autres modèles décrivant le comportement des systèmes écologiques, tous se référant généralement à des lois physiques sur la dynamique des systèmes, autour des états de stabilité et d’équilibre (voir aussi les travaux d’ O’Neil, 1989). Classiquement, la dynamique des systèmes s’inscrit soit dans une démarche d’équilibre stable, soit dans celle d’équilibre instable. En équilibre stable, toute pression exercée sur le système le renvoie à son état initial, en fonction des limites temporelles de l’analyse. En équilibre instable, une pression exercée sur le système provoque un changement durable de son état (De Rosnay, 1975 ; Frontier dans Besse et Roussel, 1997). Dans les deux cas, il existe un seuil définissant le passage d’un état à un autre.

Néanmoins, les travaux s’intéressant aux facteurs qui contribuent aux capacités de stabilité, d’équilibre ou d’adaptation sont beaucoup moins développés. Cuénot (1925) notait déjà :

« Reconnaître les adaptations en tant que faits n'est pas très difficile : c'est question de critique, d'observations ou d'expériences bien conduites ; mais ensuite l'esprit demande

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impérieusement à comprendre le mécanisme par lequel les êtres vivants ont été pourvus de ces adaptations. » (Cuénot, 1925). Il existe aujourd’hui peu de certitudes sur les mécanismes

sous-jacents qui expliquent le comportement des écosystèmes face aux perturbations. Il a été observé à l’échelle des grands biomes forestiers une corrélation positive entre stabilité et complexité/diversité ; par exemple les grandes forêts équatoriales humides sont rarement sujettes à des attaques parasitaires contrairement aux forêts boréales naturellement peu diversifiées (pauvres en espèces végétales) (Carbiener, 1996). Si la diversité biologique est présentée comme un facteur d’adaptation à certaines conditions climatiques et biotiques, il peut y avoir là confusion entre les causes et conséquences. Ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu. C’est là une critique de la notion d’adaptation qui peut induire une certaine confusion (Rabaud, 1922).

2.2. Les limites des approches écologiques

Ces approches systémiques classiques présentent certaines limites car elles sont finalement d’avantage tournées vers l’analyse des flux entrants et sortants et la description du système que sur l’aspect comportemental des interactions et l’évolution de ce système (Ferber, 1995).

Or les systèmes agricoles, en tant que systèmes écologiques gérés et pilotés par une société, sont des systèmes complexes aux interactions multiples (Conway, 1991). Par exemple, toute perturbation met en jeu la perception et l’interprétation que s’en fait la société concernée, par rapport à ses projets, ses besoins, etc. La capacité d’adaptation du système écologique ne peut être pensée séparément de celle du système social (Folke et al., 2003).

Blandin et Lamotte (1985) insistent sur la nécessité de prendre en compte la « potentialité évolutive » des écosystèmes dans les actions d’aménagement du territoire ; mais ce ne sont pas ces potentialités qui doivent fonder les principes d’aménagement ; ce sont les objectifs que la société attribue au territoire.

Cela nécessite l’élaboration de modèles d’adaptation sur des bases théoriques différentes. Les sciences sociales ont proposé quelques modèles.

3.

Application du concept aux systèmes agricoles dans une perspective

d’aide à la gestion

Le concept de capacité d’adaptation fait parti de « concepts nomades » (Stengers, 1987) dont se nourrissent différentes disciplines pour leur propre développement théorique. Il était jusqu’alors relativement polysémique, chacun en tirant son propre usage permettant de maintenir une certaine obscurité sur la complexité qu’il cache.

Ce sont les sciences sociales, en particulier l’économie du développement, qui ont transposé la notion d’adaptation développée par les écologues et biologistes aux systèmes humains, dans le cadre de recherches sur la pauvreté et le développement (Chambers, 1989 ; Watts et Bohle, 1993 ; Blaikie et al., 1994 ). Dans ces travaux, une multitude de concepts connexes sont également mobilisés : vulnérabilité, résilience, flexibilité, sensibilité… (Smit et al, 199 ; Brooks, 2003)

Le développement récent de nombreux travaux de recherche anglophones sur l’adaptation aux changements climatiques (Smit et Wandel, 2006), en réponse aux demandes politiques, ont permis de stabiliser un certain nombre de définitions sur lesquelles nous nous appuierons ici.

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Mais si ces recherches semblent nombreuses au premier abord, peu s’intéressent à formaliser les processus d’adaptation dans une perspective d’aide à la gestion à un niveau local, c’est à dire dans la perspective d’aider à l’élaboration d’une politique ou de mesures qui renforcent les capacités d’adaptation des agriculteurs.

3.1. Capacité d’adaptation et concepts connexes : définitions

L’adaptation fait référence à un processus, une action ou un résultat d’un système (ménage, communauté, groupe, pays…) cherchant à faire face ou à s’ajuster à un environnement nouveau ou changeant, à un choc, un risque, des dommages potentiels ou à tirer profit d’opportunités (Folke et al. 2002 ; Brooks 2003).

Elle a une projection temporelle : elle peut être anticipatrice ou réactive, et selon son degré d’autonomie, elle peut être autonome ou planifiée25 (Smit et al, 2000). Une adaptation autonome est le fait d’un individu. Par exemple, les choix de changement d’usage du sol par un agriculteur en réponse au changement climatique sont considérés comme des stratégies d’adaptation « autonome ». L’adaptation planifiée fait référence à une intervention politique, comme une politique de conservation de la biodiversité qui cherchera à minimiser la disparition d’une espèce.

Les forces qui influent sur la possibilité d’un système à s’adapter sont les déterminants des capacités d’adaptation (Adger, 2003 ; Waalker et al, 2002).

Les capacités d’adaptation confèrent de la résilience à un système social ou écologique face à une perturbation, lui donnant la capacité de se reconfigurer avec un minimum de perte des fonctions préexistantes (Smit et Wandel, 2006). La résilience est définie comme : “the

capacity of a system to absorb disturbance and reorganize while undergoing change so as to still retain essentially the same function, structure, identity, and feedbacks” (Holling 1978,

Redman et Kinzig 2003, Walker et al. 2004). Dans les systèmes humains, la perturbation est également vue comme la création de nouvelles opportunités (Holling, 2001; Folke, 2006). La vulnérabilité cherche à rendre compte du degré par lequel un système risque de subir ou d’être affecté négativement par des perturbations, des changements exogènes. C’est un état ou un processus plus qu’un ensemble d’impacts biophysiques d’un événement particulier (Adger

et al., 2005; O’Brien et al., 2004a). Pour analyser la vulnérabilité, il faut donc non seulement

identifier les risques encourus, mais aussi également l’ensemble des capacités d’adaptation du système. Dans leur étude sur la vulnérabilité des ménages des Hautes-Terres malgaches, Gondart et Delcroix (2004), expliquent : « l’observation des réactions des agents à la suite

d’un choc exogène sur leurs conditions de vie met en exergue leur capacité d’adaptation ».

D’une manière générale, plus un individu doit faire face à une grande variété de risques, plus il est vulnérable. Inversement, plus un individu a de capacités d’adaptation, moins il est vulnérable. La vulnérabilité sera d’autant diminuée que le système est résilient.

La notion de sensibilité d’un système à un changement environnemental est parfois utilisée pour faire référence à la probabilité que le système soit affecté par ce changement, ou à l’intensité de la façon dont il est affecté (Smit et Wandel, 2006). C’est une composante de la vulnérabilité.

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C’est la définition retenue par l’ONERC en France « un ajustement des systèmes naturels ou humains face à un environnement changeant ; l’adaptation peut être anticipée ou réactive, publique ou privée, autonome ou planifiée » (ONERC- Stratégie Nationale d’Adaptation au Changement Climatique, Documentation Française, 2007, p. 17-18.)

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Le concept de capacité d’adaptation est également abordé dans les études sur la flexibilité des systèmes ; la flexibilité est définie comme un moyen de faire face aux incertitudes (Reix, 1979). Tarondeau (1999) distingue la flexibilité opérationnelle de la flexibilité stratégique. La première fait référence à la capacité d’adaptation à des incertitudes sur le court terme. La seconde fait référence à des changements sur le long terme, une restructuration, de nouvelles fonctions, pour anticiper d’éventuels changements du contexte. L’étude de la flexibilité d’un système n’implique pas nécessairement la prise en compte d’une perturbation, d’une contrainte. La flexibilité peut être proactive ou créatrice (Dedieu et al, 2008 ; p.39). En revanche, les capacités d’adaptation du système à une perturbation contribuent à sa flexibilité. Ce concept a trouvé des applications dans l’étude de systèmes socio-techniques comme les exploitations d’élevage (Dedieu et al, 2008). Il s’agit de comprendre comment les exploitations font face aux incertitudes sur le comportement des consommateurs, aux nouvelles exigences de la société sur la protection de l’environnement ou encore aux crises sanitaires. La préservation de leurs marges de manœuvre apparait comme le point clé de leur flexibilité (Dedieu et al, 2008, p.288).

L’étude des marges de manœuvre permet de placer l’agriculteur comme un centre décisionnel incontournable pour comprendre les stratégies d’adaptation aux risques. Une analyse « externe » d’un système permet de comprendre les déterminants de la flexibilité, ou des capacités d’adaptation, (les réseaux d’alliance, l’accès aux marchés, le matériel possédé, etc.) mais pas les formes qu’elle prend. Dans sa thèse, Joannon (2004) s’intéresse aux possibilités de modifier les itinéraires techniques et l’organisation spatiale des cultures afin de réduire l’érosion dans un bassin versant, sans changer les règles considérées comme essentielles par l’agriculteur. C’est ce qu’il appelle les marges de manœuvre de l’agriculteur : les processus de décision sont au cœur des analyses.

Les concepts de sensibilité, de résilience aident à comprendre comment se construisent les capacités d’adaptation. La capacité d’adaptation à une perturbation est une composante de la flexibilité et de la vulnérabilité. Instruire ces concepts relève d’analyses « externes » du système considéré, c'est-à-dire que l’on cherche à prendre en compte l’ensemble des éléments constitutifs du système, leurs caractéristiques et l’ensemble de leurs interactions avec leur environnement. La notion de marge de manœuvre est utilisée lorsqu’on se place du point de vue d’un individu, ou d’un groupe d’individu, que l’on cherche à spécifier ce qu’il peut modifier par lui-même, sans aide extérieure, et de quelles manières, pour faire face à une perturbation ou une contrainte.

3.2. L’adaptation à un dispositif de gestion

Dans cette recherche, nous nous intéressons aux capacités adaptation des exploitations agricoles à des dispositifs de conservation.

Les dispositifs de conservation des forêts, que ce soit de type parc national ou gestion communautaire, constituent des « dispositifs de gestion », c'est-à-dire qu’ils spécifient « quels

types d’arrangements des hommes, des objets, des règles et des outils paraissent opportuns à