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Chaïm

f Je

ne

tarderai pasàte le faire savoir.

Abel

«

Tu

ne pourras jamais prouver

que

celasoitvrai.

Chaïm

t

La

preuven'est pas loin.

Abel

t Dieum'aidera.

Chaïm

t Je tetuerai.

Abel

t Dieu lesaura.

(Alors Ctfin lèveracontreluiune

main

menaçante, en disant :)

Chaïm

t Voici qui fera lapreuve.

Abel

t

En

Dieuesttoute

ma

confiance.

Chaïm

t Contre

moi

ilteservirade peu dechose.

Abel

« Ilpeutbien,s'il veut,

empêcher

ton dessein.

Chaïm

« Il ne pourrategarantir de mort.

Abel

t Je

m'en

remets

du

toutà savolonté.

Chaïm

« Veux-tusavoirpourquoijetetuerai?

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-

32

-Abel

t Oui, dis-le moi.Pourquoi?

Chaïm

t Jevais te ledire.

— Tu

te faistrop de Dieulefavori.

C'est à cause de toi qu'il

m'a

repoussé,

à cause detoi qu'il arejeté

mon

offrande.

Penses-tu

donc que

jene te lerende?

Jet'en rendrai ta récompense.

— Tu demeureras

aujourd'hui

mort

sur cesable.

ÂBEL

t Si tu

me

tues, ce sera à tort,

Dieu vengera sur toi

ma

mort.

Je n'ai fait mal, Dieu le saitbien,

prèsde luije n'ai cherché

aucunement

à tedesservir;

au contraire, je t'ai

con-seilléd'agirde tellesorte,

— que

tu fusses digne d'êtreen paix aveclui;

jet'ai ditdelui rendrece

que

tului dois:

dîmes, prémices, offrandes,

etqu'ainsi tu pourrais obtenirson

amour.

— Tu

n'as pas voulu le faire, et maintenant tu es furieux.

Dieu

ne trompe

point; àceluiqui lesert

il

donne

grandsbiens en retour et

ne

souffrepointsa perte.

Chaïm

t

Tu

as tropparlé, tu vasmourir.

Abel

< Frère,

que

dis-tu? c'est toi qui

m'emmenas. —

Jesuis

venu

icisur ta foi.

Chaïm

t

Ta

confiance

ne

teservirade rien.

Jetetuerai, je te défie.

Abel

t Je prieDieuqu'il aitde

moi

merci.

t Alors Abel s'agenouillera vers l'Orient; il

aura

près de lut une

marmite

dissimuléeparses habits, surlaquelle frappera Cain,

comme

s'iltuait Abel. Abel demeurera étendu

par

terre

comme

s'il

était mort.

Le chœur

chantera le répons : Ubi est Abel, frater tuus?

AlorslaFiguresortiradel'église, sedirigeantvers Caïn, et

quand

le

chœur

auraterminélerépons,elledira d'une voixirritée:

Figura

« Caïn,

esttonfrèreAbel?

Es-lu entréenrébellioncontre

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-

33

-moi? — Tu

as

commencé

contre

moi

querelle.

Montre-moi ton frèrevivant.

Que

sais-je, Seigneur,

ilest allé;

s'il estàsamaison

ou

à ses blés.

Pourquoi, moi, devrais-je letrouver?

Je n'étais pas chargédelegarder.

«

Qu'en

as-tufait?

l'as-tu mis?

Jelesaisbien, tu Tastué.

— Son

sang en fait vers

moi

clameur,

au ciel en

monta

la vapeur.

— Tu

asfait grande félonie;

tu en seras

maudit

toute ta vie.

— Tu

auras pour toujours malédiction.

— A

tel méfait telle récompense.

Mais je

ne

veux pas

que Ton

tetue;

je

veux

qu'en douleurtu enduresta vie;

— Quiconque

tuera Caïn,

ensera puni au septuple.

— Ton

frère est

mort

en

ma

foi.

Dure

ensera ta pénitence.

AlorslaFigureretourneradans l'église. Ensuite les diables viendrontet emmèneront Caïnen lepoussantetlebousculantjusque dansl'enfer. Ils

emmèneront

aussi

AbeU

maisplusdoucement. »

Comme nous

l'avons

montré

ailleurs, la représentation

d'Adam

n'était qu'une

forme

nouvelle, développée, amplifiée, de celle des Prophètes

du

Christ, et parconséquentelle a

serattacher aucycle liturgiqueetdramatique deNoël.

Pour

lecyclede Pâques,

c'estencorela littérature

anglo-normande

qui

nous

offre le plus ancien

exemple

d'une représentationentièrementen langue vul-gaire. Ce drame, dont

une

partie seulementnousest parvenue, a

pour

sujet laRésurrection

du

Sauveur. Ila, luiaussi, été

composé

à l'usage d'une confrérie, et

même

d

une

confrérie solidement constituée, pourqui lesjeux dramatiques étaient

aux

fêtes mar-quées,

aux

fêtesde Pâques toutaumoins,

un

exerciceet

un

plaisir habituels, puisqu'elle paraît bien avoirété

pourvue

d'un matériel scénique qui lui appartenait en propre. L'auteur de cette pièce étaitcertainement

un

clercqui, entre autres sources

ou

modèles, aeu sous les yeux ou dans la

mémoire

des

drames

latins

litur-giques et scolaires fort développés et aussi, sans doute, divers textes françaisde

forme

analogue ausien, mais ayant

un

caractère encore plusprononcé derécitations à la fois narratives et dialo-guées.

Ce

caractère,quoiqueaffaibli,estencorel'undestraitsles

Chaïm

Figura

3.

plusremarquables de lapièce dont ils'agit. Il

ne nous

paraît pas inutiled'en offrirànoslecteurslatraductionintégrale,enplaçant l'introduction

du drame

et lesparties narratives dans la

bouche

d'un personnage auquel nous attribueronsle

nom

de lecteur(1).

t

En

cette manière récitons

lasainte résurrection.

— Pre-mièrement

disposons

tous les lieux et les

demeures

(2):

le crucifix

premièrement —

et puis après le tombeau.

11 doity avoir

une

geôle

— pour

enfermerlesprisonniers.

— Que

l'enfer soit mis decôté;

les

demeures

del'autre

etpuisleciel, et surles sièges(3)

d'abord Pilateavecsesvassaux;

ilaura six

ou

sept chevaliers.

— Cayphe

sera surl'autre.

— Avec

lui soit la

(1)Le textedu fragment de laRésurrection setrouve dans le manuscrit 902 du fonds français à la Bibliothèque Nationale, fol. xcvn et saiv.

Il aété plusieursfoispublié.Ladernière traduction intégraleque nous enconnaissions estcellequise trouve dansle Dictionnaire desMystères publié en 1854parle comte deDouhetdanslaNouvelle encyclopédie thèologiquede l'abbéAligne.

(2) c Tus les Uuset les mansions. » Leslieuxet lesmansions dansla mise en scèneduthéâtre du moyenâge, dèsson origine, désignaient les endroitset édifices divers, figurés d'unefaçon pluson moinssignificative,devait succes-sivementse transporterl'action.Ilsétaientfiguréstousensembleet,pourainsi dire, côte à côte,quellequefût ladistance quilesséparâtdansla réalité histo-rique etgéographique. Enun mot ladécorationscénique étaitnonpas succes-sive, comme elle l'est aujourd'hui, dansles pièces à plusieurs tableaux, mais simultanée, et elle est demeuréetelle non seulement jusqu'à la Renaissance, mais presque jusqu'à Corneille. Les pfèces d'Alexandre Hardy furent encore représentées d'après ce système, qui alaissédes traces manifestesdanslafaçon dont aété conçue et construite l'actiondu Cid. C'estce qu'atrèsbienétabli M. AlexandreRigaldans son excellentouvrage: AlexandreHardyet le thèâlrt françaisàla fin duxvi*et aucommencementdu xvii*siècle, Paris, 1889, in-8°.

(3) c

E

puis leciel e as estais. » Lesestaissont des sièges, disposés parfois sur des estrades ou èchafauds plusou moins élevés, sur lesquels se tenaient, dès ledébut delareprésentation,les principauxacteursou groupes d'acteurs, et qui, à l'origine, suffisaient pour représenter leurs domiciles respectifs et

môme

les villes oulescontrées qu'ilshabitaient. 11 fautici s'imaginersurune place située probablement près d'uue église, en face des spectateurs qui en occupent lamoitié,àdroite, unenfersommairementreprésenté,puis,dedroite àgauche,suruneligneàangles saillants etrentrants, lesépulcre, le calvaire, uneprison, ensuiteles six estaisénumérésdansleprologue,enfin,à l'extrémité gauche, le ciel, faisant pendantet contraste avec Yenfer. Plus en avant, au milieude laplace,étaieut représentées laGaliléeet Yhôtelleried'Emmaûs.

(Le Lecteur)

-

3o

Juiverie.

PuisJosephd'Arimathie.

— Au

quatrièmelieu soit le seigneur

Nicodème. — Chacun

a près desoi les siens.

— Au

cin-quième

les disciples

du

Christ.

— Que

les troisMariesoientsur le sixième.

— Que Ton

pourvoieà figurer

la Galiléeau milieu de laplace.

— Que Ton

y ligure encore

Emmaùs, — où

Jésus fut à l'hôtel conduit.

Et

quand

les gens sont tous assis

et la paix mise detoute part,

— que

leseigneur Joseph,celui

d'Arima-thie,

viennetrouverPilate et qu'il lui dise :

Joseph

Dieu qui des

mains du

roi

Pharaon —

sauvaMoïse etAaron,

qu'il sauve aussi Pilate,

mon

seigneur,

qu'il lui

donne

dignitésethonneur.

PlLATUS

t Qu'Herculequi occitledragon

etdétruisitlevieuxGéryon,

— donne

à celui-là bienet

honneur —

qui

me

salue de

bonne

amitié.

Joseph

t Sire Pilate, béni sois tu.

— Que

Dieu t'aide par sa grande vertu.

— Que

Dieuparsa puissance.

— Te donnes

pour

moi

bien-veillance.

Veuille m'accorder le Dieu tout-puissant

— que

tu m'écoutes avec bonté.

PlLATUS

t Seigneur Joseph, sois le bienvenu.

— Tu

dois être de

moi

bien reçu.

— Tu

esbien avec

moi

sans

aucun

doute.

Si tu pensaisautrement, ceserait enfantillage.

— Sache donc

bien et vraiment

— que

je^écouterai favorablement.

Joseph

«

Beau

sire,

que

cela

ne

vous fâche pas

si je vousparle

du

filsde Marie,

deceluiqui estpendu.

Sacheztrèsbien

que

ce fut

un

vrai

prud'homme. —

Qui était tout à faitl'ami

du

Sei-gneur

Dieu.

— Vous

l'avezmisà mort, vouset lesJuifs.

Aussi devez-vous

grandement

redouter

qu'ilvous en advienne grande calamité.

PlLATUS

« SeigneurJosephd'Arimathie,

je

ne

craindrai pasde te le

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36

dire,

lesJuifsparsuitede leurgrandeenvie

ont entrepris là

une

grandefélonie.

J'y ai consenti parlâcheté,

de peur

de

perdre

ma

charge.

Ils m'auraientaccusé à

Rome. —

J'en aurais

pu

perdre bientôtla vie.

Joseph

t Si tu reconnais

que

tu asméfait,

crie lui merci, ce sera

une

utile prière.

— Nul ne

lui

demande

pardon sansl'obtenir,

pas

même

ceux qui l'ont conduit à la mort.

Mais c'est

pour

autrechose

que

je suis

venu

ici;

accorde

moi

seulement son corps;

je vous en supplie, accordez-lemoi;

je feraice

que

jedoisfaire.

Pilatus

« Bel ami,qu'envoulez-vous faire?

Pensez-vous le rappeler à la vie?

Il a souffert bien grande angoisse.

Pensez-vous qu'il puisseencore vivre?

Joseph

t Certes,

beau

sire Pilate, non.

part)Il ressuscitera pour-tant.

Mais

pour

suivrenotre

coutume —

et

pour

l'amour de Dieujeveuxl'ensevelir.

Pilatus

t A-t-il

donc

rendu l'âme?

Joseph

t Oui,

beau

sire, n'endoutez pas.

Pilatus

t C'estce

que

nous sauronsparnossergents.

Joseph

t Appelez-les, en voilàsuffisamment.

Pilatus

t Levez-vous, sergents,

promptement. —

Allez-vousen vite

ce

condamné

est pendu,

allezvoirce crucifié,

savoirsi

vrai-ment

ila expiré.

(Le Lecteur)

< Alorss'enallèrent

deux

des sergents

portanten

main

leurs

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37

-lances.

Et ilsontdit à

Longin

l'aveugle,

qu'ils ont trouvé assisen

un

lieu (1).

Unus

militum

Frère Longin, veux-tu fairegain?

Longinus

Oui, beau sire,n'endoutez pas.

Miles

t Viens, tu auras

un

denierdouzain(2)

— pour

percerlecôté decesupplicié.

Longinus

t J'irai bien volontiersavecvous,

car j'ai grand besoin de gagner.

Jesuispauvre,je n'ai rien

pour

vivre.

— Ce

n'estpas fautede mendier, maiscela

me

sert de peu.

(Le Lecteur)

t

Quand

ils furentarrivésdevantlacroix,

ilsluimirent

une

lance

au

poing.

Unus

militum

t Prendscettelanceen ta main,

pousse la fermeen hautet

que

cene soitpas en vain;

fais-laentrerjusqu'au

poumon; —

ainsi

nous

sauronss'ilest

mort ou

non.

(Le Lecteur)

« Il prit lalanceet il l'enfonça

au cœur, d'oùsortirentsang eteau,

quilui ont coulé surlesmains.

Il en a mouillé sa face.

Mais

quand

ilen a touché ses yeux,

vraimentil vit clair; alorsildit:

Longinus

t

Ah

! Jésusî

Ah

! beausire,

jusqu'à présentje

ne

sus

que

dire

au

ciel.

Maistu es

un

biengrand médecin.

— Tu

tournes ta

(1) Ce lieuest assisLonginn'estpasindiquédansleprologue. Il est pro-bablequel'aveugleétaitplacénon loin ducalvaire, surle chemin même, en avantdesmarnions etdes estais, quel'on appela plus tardle parc dujeu, et qui servaità lacirculation des acteurs.

(2) Petitepiècedemonnaie delavaleur dedouze deniers. Cf.DuCange, au mot Dozenus.

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-

38

-colèreen miséricorde.

J'ai mérité de toila

mort —

et tu m'as

fait si grandegrâce

— que

maintenant

mes yeux

voientlalumière

que

jamais

ne

virent.

Je

me

rendsà vous, jevouscriemerci.

(Le Lecteur)

Alors il se prosterna en pénitence

et dittout

doucement une

oraison.

Les chevaliers s'en retournent.

Ils parlent à Pilateen cettemanière:t

Unus

militum

Beau

sireprince, sachez qu'en vérité

Jésus a quitté la vie.

— Nous

avons vu de lui

un beau

miracle.

— Beau compagnon, ne

le vis-tu pas?

ALTER

EX

MIL1T1BUS

«

Nous

l'avons

vu

tousles

deux

ensemble.

PlLATUS

t Taisez-vous, sots, pas

un mot

deplus.

(Le Lecteur)

t Alors il se tourna vers le seigneur Joseph.

Il n'était pas

content. Ilparla ainsi: 9

PlLATUS

i Seigneur Joseph, vous m'aveztoujours bien servi.

Prenez

lecorps, jevousl'accorde.

Joseph

t Sire, jevous rends très

humbles

grâces.

Sijevousaiservi, j'en suisbien récompensé.

(Le Lecteur)

«

Quand

Joseph de Pilate eut pris congé

et vers

Nicodème

s'en futallé.

Pilate

aux

sergentsaparlé.

Ila dit à l'un d'eux, qu'il a appelé :

PlLATUS

« Holà! vassal, avance ici.

Quel miracle as-tu vu là-bas?

Dis-moi vite

comment

tu aseu connaissance

decefaitsurquoi jet'ai

imposé

silence.

Miles

t

Quand

Longin l'aveugle eut frappé

ce

pendu

desalance

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-

39

-au côté,

il prit

du

sang et le mit à ses yeux.

Ce fut

une

heureuseidée qu'il eut;

car auparavantilétaitaveugleetalors

ilvit.

— Ce

n'estpasmerveille si désormaisil cruten lui.

Pilàtus

t Tais-toi, vassal,

ne

parle

de

cela à personne.

C'est

une

illusion; n'y croyez pas.

— Or donc

j'ordonne

que

Longin soit saisi

et surle

champ

enfermé en geôle.

Alleztôt, mettez-le en prison

de peurqu'il n'aillepartout prêchertel sermon.

(Le Lecteur)

t Ilsallèrent

donc

trouverLongin,

il était par terre, la têteinclinée.

Miles

a Çà, frère, çà, debout, tu vas aller en prison.

— Tu

seras aujourd'hui logé à

mauvais

hôtel.

Iln'est pasvrai

que

tu fusses aveugle.

C'est

un mensonge, nous

le savons bien.

C'est parce

que

tu croisà ce pendu,

— que

tu dis qu'il t'a

rendu

tes yeux.

Longinus

t II

me

lesarendus vraiment

et je croisenluiparfaitement.

Jecroisen lui, iln'ya rien de

mieux

à faire,

car il est

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