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Composition et structuration des communautés durant la succession forestière

l’impact à long terme des coupes forestières. Dans un premier temps, nous avons démontré que les processus stochastiques et déterministes contribuaient quasiment à parts égales à la structuration des assemblages de petits mammifères et coléoptères. De plus, parmi les processus déterministes, les relations interspécifiques expliquaient davantage la structuration des communautés que l’hétérogénéité de l’habitat. Par la suite, nous avons découvert que la compétition apparente avec la souris sylvestre pouvait expliquer l’augmentation observée dans l’abondance du campagnol à dos roux durant la succession forestière. Finalement, nous avons déterminé que le campagnol à dos roux utilisait préférentiellement le bois mort et évitait les zones fortement couvertes de mousse durant leurs déplacements. Nous avons aussi observé d’importantes variations dans l’utilisation des attributs de leur micro-habitat durant la succession forestière, mais ces différences peuvent s’expliquer largement par de simples réponses fonctionnelles dans la sélection d’habitat et dans les déplacements.

1. Composition et structuration des communautés

durant la succession forestière

a. Composition des communautés durant la succession

Des recommandations récentes d’aménagement forestier impliquent que le temps de rotation entre des coupes successives peut être aussi court que 50 ans (Canada. Environment Canada., 2012). L’un des objectifs du chapitre 1 était d’évaluer l’impact d’un temps de rotation de 50-60 ans sur les communautés animales dans des écosystèmes dominées par les vieilles forêts. Avec nos analyses sur la composition des communautés, nous avons pu voir qu’à la fois les petits mammifères et les coléoptères avaient des assemblages semblables dans des peuplements 51-70 ans après coupe et

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dans des vieilles forêts. Les écosystèmes forestiers sont de plus en plus perturbés, avec des conséquences qui ne sont pas toujours bien comprises. Les pratiques sylvicoles se dirigeant vers une gestion écosystémique (Gauthier et al., 2010b), de sorte qu’il est nécessaire d'évaluer leurs capacités à maintenir une diversité de la faune semblable à celle créée par les perturbations naturelles. Par conséquent, les informations sur la résilience des communautés durant la succession forestière de notre étude sont des informations utiles et pertinentes pour la conservation de la biodiversité et la gestion des forêts.

Par ailleurs, notre étude démontre que les réactions des animaux aux coupes à blanc peuvent varier considérablement selon les groupes d'espèces considérés, certains assemblages étant moins résistants (les coléoptères) à la coupe que d'autres (les petits mammifères). Nous avons observé des différences dans les assemblages de coléoptères entre les peuplements de 21 à 30 ans après coupes et les peuplements non coupés. La similarité dans les communautés que nous avons observée entre les coupes récentes et les forêts anciennes suggère que les assemblages d'espèces dans les jeunes peuplements seraient largement composés de populations résiduelles d'espèces forestières matures. Cette observation est conforme à d’autres études sur les carabes et les staphylinidés de la forêt boréale (Niemelä et al., 1993; Pohl et al., 2007). Cela peut ainsi expliquer pourquoi nos communautés de coléoptères dans les peuplements de 21 à 30 ans différaient plus fortement des forêts anciennes que celles des peuplements de 5 à 20 ans. L’intervalle de 5 à 20 ans semble assez large pour que les populations résiduelles aient le temps de fortement diminuer. Cela peut être dû à un intervalle de temps trop large qui nous empêche de percevoir de certaines différences.

b. Processus de structuration des communautés durant la succession

Dans le chapitre 1, les résultats indiquent que la contribution des processus stochastiques dans la structuration des communautés de petits mammifères et coléoptères est semblable à celle des processus déterministes. En effet, 50%, 56% et 54% des paires d’espèces de petits mammifères, coléoptères au sol et volants sont cohérentes avec des patrons de répartitions aléatoires. Nos résultats semblent être en

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accord avec d’autres études qui incluent à la fois les processus stochastiques et déterministes dans la structuration des communautés (Tilman, 2004; Gravel et al., 2006). Le hasard seul peut jouer un rôle considérable dans la dispersion des espèces (Walker & del Moral, 2003), il semble donc probable que les processus stochastiques interviennent fortement dans le succès ou l'échec de l’établissement des espèces immigrantes dans les peuplements coupés. L’importance des processus déterministes dans la structuration de communautés peut par ailleurs s’expliquer par le fait que les espèces ayant réussi à s’établir doivent alors être capable de survivre dans le nouvel environnement et de devenir des adultes reproducteurs, tout en étant capable d’utiliser les ressources disponibles qui sont partagées avec les espèces déjà présentes.

Nos analyses du chapitre 1 ont également révélé qu’une partie des processus déterministes structurant les communautés était liés aux caractéristiques de l'habitat (20%, 34% et 41% respectivement pour les petits mammifères, les coléoptères au sol et volants). Pour les coléoptères, le rôle des caractéristiques de l'habitat était généralement plus important pour les agrégations (49% pour les coléoptères au sol et volants) que pour les ségrégations (17% et 29% pour les coléoptères au sol et volants). Notre étude suggère également que de nombreuses espèces de coléoptère ont la même affinité d'habitat, principalement liée au stade de la succession forestière et aux espèces d'arbres dominantes du peuplement. Cette affinité des espèces avec le stade de succession peut refléter le fait que les espèces de jeunes peuplements présentent des caractéristiques pionnières favorisant les espèces généralistes, alors que les espèces présentes dans les peuplements matures seraient plutôt spécialistes des écosystèmes matures. En outre, les agrégations associées aux espèces dominantes dans le peuplement peuvent s'expliquer par le fait que de nombreuses espèces de coléoptères préfèrent les mêmes espèces d'arbres, comme l'épinette noire ou le sapin baumier (Janssen et al., 2011; Azeria et al., 2012). Ces résultats sont d’autant plus importants que la gestion forestière durable se base énormément sur la gestion des caractéristiques de l’habitat telles que le bois mort (Lindenmayer et al., 2006). L’hétérogénéité de l’habitat est essentielle à la gestion et la restauration de l’environnement puisqu’influencer la structure de l’habitat est plus facile que d’autres facteurs (e.g.

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productivité, régime de perturbations) pouvant favoriser la biodiversité (Palmer et al., 2010).

Les relations espèce-habitat peuvent jouer un rôle crucial dans la structuration des communautés, notamment après certaines perturbations comme un feu de forêt (Azeria et al., 2012). Cependant, une fois les variables d’hétérogénéité environnementales contrôlées statistiquement et notamment les stades de succession écologique, nous avons trouvé que les communautés d’espèces étaient plus structurées par les relations interspécifiques que par la végétation. C'est un résultat qui peut être surprenant, surtout dans un contexte de recherche scientifique où de nombreuses études se concentrent principalement sur les liens entre les caractéristiques de l’habitat et la biodiversité (Tews et al., 2004; Janssen et al., 2009). La présence importante de communautés résiduelles des forêts matures après que les ressources aient été perturbées par l'exploitation forestière peut expliquer pourquoi les interactions interspécifiques jouent un rôle central dans la structuration des communautés durant la succession. En effet, les perturbations telles que les coupes forestières peuvent modifier les interactions interspécifiques comme la compétition, et les résultats de ces interactions durant la succession (Gibb, 2011). Il est donc possible qu’en modifiant les ressources disponibles, les interactions entre espèces deviennent plus importantes que les relations espèces-habitat dans la structuration des communautés après coupe.

Dans l'ensemble, l'approche avec plusieurs taxa nous a permis d'identifier des variations dans la réaction des communautés animales aux perturbations, fournissant ainsi une évaluation plus complète de la récupération de l'écosystème après coupes forestière. Cependant, nos résultats révèlent aussi que même si la composition de la communauté des petits mammifères ne varie pas durant la succession forestière, la coupe avait tout de même un impact sur les abondances du campagnol à dos roux. C’est pourquoi, on s’intéresse plus spécifiquement à cette espèce clé et les mécanismes responsables de sa répartition dans le chapitre 2.

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2. Changement d’abondance et facteurs limitants la

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