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3.3 Type de molécules envisagé pour la synthèse de polymères dendritiques

3.3.1 Composés Polyaromatiques soufrés

Historique

En 1956, Rocklin décrit les premières synthèses de dérivés benzéniques polysulfurés issus de la réaction entre l’hexachlorobenzène et des sels de thiolates sans pour autant mentionner la formation de produits persubstitués.176 D'autres études entre des dérivés perhalogénés et des thiolates ont été réalisées en utilisant divers solvants tels que l’éthanol177ouun mélange d’éthylène glycol et de pyridine.178 Ces dernières n’aboutissent qu’à des produits de di- et de tétra-substitution. La première synthèse de l’hexakis(phénylthio)benzène 6 fut réalisée en 1957 par Adams et al. en faisant réagir l’hexachlorobenzène 4 avec le phénylthiocuprate 5 dans un mélange quinoline/pyridine à une température supérieure à 200 °C (Schéma 7).179

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Schéma 7 : Première synthèse de l’hexakis(phénylthio)benzène

Beck et al.180, Peach et al.181et Tiecco et al.182 ont étudié l’importance du solvant sur l’efficacité de telles réactions. Dans ces travaux, l’utilisation de solvants polaires aprotiques tels que le

N,N-diméthylformamide (DMF), l’hexaméthylphosphoramide (HMPA) ou le

1,3-diméthyl-2-imidazolidinone (DMI) permet d’augmenter l’efficacité globale des réactions, de réduire les temps de réaction, la température, les produits de substitution incomplets, et d’augmenter le rendement du produit persubstitué. Le HMPA a longtemps été un solvant de choix pour ces réactions183. En 1982 MacNicol et al. ont décrit la synthèse de l’hexakis(β- naphtylthio)benzène ainsi que d’autres dérivésen utilisant comme solvant le DMI qui est devenu le nouveau solvant de prédilection car moins toxique que l’HMPA.184

Deux voies de synthèse sont principalement utilisées pour la formation de composés aromatiques soufrés 185

. La première méthode consiste à réaliser une substitution nucléophile aromatique sur des dérivés aromatiques perhalogénés par des sels de thiolates (Schéma 8).

Schéma 8 : Synthèse de molécules persulfurées par substitution aromatique nucléophile

Cette voie de synthèse est celle qui sera utilisée dans ce travail. Elle permet de varier les groupes fonctionnels et donne, en une seule étape, le produit persulfuré. L’hydrure de sodium (NaH), le carbonate de césium (Cs2CO3) ou le carbonate de potassium (K2CO3) anhydres sont principalement utilisés dans cette réaction. Le NaH permet d’obtenir un temps de réaction plus court sans avoir besoin de chauffer la réaction car le thiolate est formé complètement et irréversiblement. Sa manipulation nécessite cependant de plus grandes précautions qu’avec les carbonates. Avec ces derniers, il est néanmoins préférable de chauffer le milieu réactionnel à environ 30 - 80 °C car le thiol n’est pas entièrement déprotoné.

L’autre voie de synthèse consiste à réduire l’hexakis(iso-propylthio)benzène ou l’hexakis(benzylthio)benzène par du sodium métallique dans l’ammoniac ou le HMPA, puis à l’alkyler (Schéma 9).

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Schéma 9 : Synthèse de molécules persulfurées par réduction puis alkylation

Cette méthode plus générale peut être utilisée lorsque le thiolate est peu nucléophile. Cette réaction réclame des conditions strictes sans oxygène afin d’empêcher l’oxydation spontanée des intermédiaires anioniques. Elle est donc d’une mise en œuvre plus difficile que la méthode précédente. La substitution nucléophile aromatique demeure la méthode la plus répandue ; elle permet de faire varier les cœurs et de moduler les propriétés physico-chimiques des produits obtenus 185.

Mécanisme

L’étude du mécanisme de la réaction de persulfuration par substitution nucléophile est peu décrite dans la littérature. Divers articles suggèrent cependant un ordre spécifique de la réactivité et de la régiosélectivité. Les produits majoritaires isolés, dans ce genre de réactions, sont principalement les composés di-, tétra et hexa-substitués. La formation de produits substitués en para deux à deux serait donc favorisée par la substitution. Gingras et al. ont proposé un mécanisme faisant intervenir un complexe de type Meisenheimer, stabilisé par les substituants thioéthers situés en para et en ortho (Schéma 10).

Schéma 10 : Mécanisme possible de la persulfuration par substitution nucléophile aromatique

Application

Dès 1998, des astérisques moléculaires à cœur aromatique de type benzène ou coronène possédant des bras p-phénylène sulfide (PPS) ont été synthétisés et leurs propriétés électrochimiques et photochimiques ont été analysées 186,187. En les rendant solubles dans l’eau, leurs propriétés ont pu être étudiées en tant que colloïdes 188. Ils ont aussi été analysés en tant que membranes polymériques pour des électrodes sélectives d’ions 189.

79 Des structures polymériques linéaires de coordination de l’hexakis(méthylthio)benzène avec le cuivre et l’argent ont aussi été obtenues190,191. De nombreuses autres applications ont été mises au point grâce à des composés polysoufrés issus de divers domaines tels que les cryptands, les cristaux liquides et les matériaux semi-conducteurs organiques. Des études ont débouché sur des applications industrielles grâce à l’utilisation de lubrifiants ou d’antioxydants. Ces applications ont été revues par Gingras et al. en 2006185. Quelques exemples de polymères basés sur des composés persulfurés, généralement préparés par photopolymérisation à partir du monomère approprié192–194, et dont le cœur était le benzène, la pyrazine, le thiophène ou encore le furane, sont présentés dans la littérature (Figure 56).

Figure 56 : Monomères persulfurés existants dans la littérature

Dans notre cas, la synthèse de monomères d’astérisques polyaromatiques soufrés à cœur benzénique constitue la principale partie du travail. Ces molécules sont des accepteurs d'électrons malgré leur densité électronique élevée et possèdent généralement des colorations intenses lorsqu’elles sont persulfurées. De plus, les études par diffraction des rayons-X montrent la plupart du temps une préférence conformationnelle avec des groupes thiophényles en alternance de part et d’autre du plan du noyau benzénique central (Figure 57), ce qui ressemble à un double tripode pré-organisé.

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Figure 57 : Structure RX de l’hexakis((4-méthylphényl)thio)benzène 195

Cette conformation aidera à former des cages pour le radon. La Figure 58 suivante montre des exemples de molécules envisagées. Le CINaM possède par ailleurs une grande expertise pour la synthèse et l’analyse de ce type d’astérisques polyaromatiques soufrés. L’utilisation d’autres cœurs aromatiques permettra, par la suite, de concevoir des récepteurs de formes, de taille et de densité électronique différentes, afin d’optimiser la capture du radon.

Figure 58 : Macromonomères envisagés

Afin de contrôler et d’analyser l’apport du soufre pour l’adsorption du radon, d’autres molécules exemptes de soufre doivent être étudiées comme référence, par exemple, les poly(phénylène)s, qui sont décrits dans la partie suivante.

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