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CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.3 Vieillissement de la colonne vertébrale

1.3.4 Comportement mécanique du disque dégénéré

Les sections précédentes ont mis en avant les changements pouvant survenir dans le disque intervertébral lors de la dégénérescence. Cependant, ces modifications biologiques et

structurelles ne sont pas sans conséquence sur le comportement mécanique du disque intervertébral.

Tout d’abord, en ce qui concerne le noyau pulpeux, Iatridis et al. (1997) ont montré que la réponse du noyau pulpeux face à un cisaillement dynamique diffère selon le degré de dégénérescence. En effet, le module de cisaillement dynamique augmente avec le degré de dégénérescence, ce qui traduit un comportement plus rigide du noyau pulpeux. Par ailleurs, la capacité du noyau pulpeux à dissiper l’énergie est réduite en présence de dégénérescence (Iatridis et al., 1997). De plus, selon la synthèse d’études réalisée par Wang et al. (2012), au fur et à mesure de la progression de la dégénérescence dans le disque intervertébral, le coefficient de Poisson du noyau pulpeux baisse. Ce coefficient traduit le comportement du matériau dans la direction transverse par rapport à la direction du chargement. Les essais expérimentaux de Nachemson (1965) ont également montré que le chargement du noyau pulpeux diminue entre des disques sains et des disques avec une dégénérescence modérée. Par ailleurs, la pression de gonflement du noyau pulpeux est également affectée par la dégénérescence. Les aggrécanes, contenues dans le noyau pulpeux et appartenant à la famille des protéoglycanes, ont une charge négative, ce qui a pour conséquence d’attirer des cations dans le noyau pulpeux, créant ainsi la pression osmotique. Cette pression est la cause de déformations, engendrant ainsi un gonflement et une pression de gonflement associée (Cortes & Elliott, 2014). Dans le cas d’un noyau pulpeux dégénéré, cette pression de gonflement baisse significativement, suite à une quantité moins importante de protéoglycanes (Johannessen & Elliott, 2005). Le noyau pulpeux dégénéré est également plus perméable que le noyau pulpeux non dégénéré (Johannessen & Elliott, 2005).

Une étude similaire a été menée sur l’anneau fibreux par Iatridis et al. (1999). Comme précédemment, le module de cisaillement dynamique est plus élevé en présence de dégénérescence du disque intervertébral. Cependant, cette tendance reste non significative dans le cas de l’anneau fibreux. Par ailleurs, contrairement aux résultats dans le noyau pulpeux, la dissipation d’énergie est plus importante dans le cas du disque dégénéré que dans le cas du disque sain, même si cela reste une tendance (Iatridis et al., 1999). De plus, selon

Nachemson (1965), les contraintes verticales dans la région postérieure de l’anneau fibreux augmentent entre un disque sain et un disque avec une dégénérescence modérée alors que les contraintes tangentielles dans cette même région deviennent moins importantes. Finalement, aucune variation du coefficient de Poisson de la matrice de l’anneau fibreux n’a été rapportée par Wang et al. (2012).

Ces changements de comportement local du disque ont également des répercussions sur la réaction de ce dernier dans son ensemble ainsi que sur la colonne vertébrale. Par exemple, Shirado et al. (1992) ont observé des effets de la densité minérale osseuse et du degré de dégénérescence des disques intervertébraux sur les patrons de fracture ainsi que sur les efforts requis pour générer une fracture. Il s’agit de tendances à cause du faible nombre d’échantillons pour chaque degré de dégénérescence mais qui montrent que la dégénérescence des disques a un effet sur le comportement global de l’unité fonctionnelle. Une unité fonctionnelle comprend deux vertèbres adjacentes, le disque intervertébral situé entre elles ainsi que les ligaments reliant ces vertèbres.

De plus, en s’intéressant à l’état de contraintes dans le disque intervertébral humain, Adams, McNally, et Dolan (1996) ont pu déterminer les proportions, dans la direction antéro- postérieure, du noyau pulpeux (incluant la partie intérieure de l’anneau fibreux), de l’anneau fibreux antérieur et postérieur. La zone intérieure de l’anneau fibreux a un comportement très proche de celui du noyau pulpeux. Les contraintes, en compression, sont généralement plus importantes dans le noyau pulpeux que dans l’anneau fibreux à l’exception de certaines concentrations de contraintes dans l’anneau fibreux (Adams et al., 1996). Par ailleurs, cela a permis de montrer que les proportions des composants du disque varient entre un disque non dégénéré et un disque avec un stade de dégénérescence avancé : la proportion du noyau pulpeux dans la direction antéro-postérieure diminue lorsque la dégénérescence progresse alors que les proportions des deux zones de l’anneau fibreux augmentent. En outre, le profil de contraintes d’un disque dégénéré est plus irrégulier que celui d’un disque non dégénéré. Les changements macroscopiques survenant dans le disque peuvent être une explication à ce phénomène (Adams et al., 1996).

Une autre étude s’est intéressée aux effets des ostéophytes sur la réponse d’un segment vertébral (Al-Rawahi, Luo, Pollintine, Dolan, & Adams, 2011). En effet, la présence d’ostéophytes est évaluée dans différentes classifications de la dégénérescence des disques intervertébraux (Thompson et al., 1990; H. J. Wilke et al., 2006) et apparait selon Thompson et al. (1990) dans les stades de dégénérescence relativement avancés. Al-Rawahi et al. (2011) ont montré que, comparativement au même segment vertébral sur lequel les ostéophytes ont été retirés, leur présence augmente la résistance du segment à un mouvement. De plus, la présence ou non d’ostéophytes affecterait également les concentrations de contraintes pouvant être localisées dans l’anneau fibreux (Al-Rawahi et al., 2011).

En résumé, le comportement mécanique diffère entre un disque intervertébral sain et un disque intervertébral dégénéré. Il n’est donc pas réaliste de concevoir un modèle numérique d’un disque dégénéré en lui appliquant des propriétés relatives à un disque intervertébral sain. De plus, le comportement du disque intervertébral varie selon les conditions de chargement comme la fréquence de la sollicitation (Iatridis et al., 1999; Iatridis et al., 1997), ainsi que dans le cas de l’anneau fibreux, selon l’amplitude de la déformation imposée ou encore la contrainte à laquelle ce dernier est soumis (Iatridis et al., 1999). Les situations étudiées dans ce projet (blessures survenant lors de chocs à haute vitesse impliquant des amplitudes de mouvement élevées) ne correspondent pas aux cas de chargement mentionnés ci-dessus (blessures à basse vitesse ou chargement cyclique à basse amplitude) pour lesquels des propriétés du disque intervertébral sont connues. Ces études ne peuvent donc pas être utilisées pour paramétrer un modèle numérique dans le cas d’un disque dégénéré soumis à une compression à haute vitesse impliquant des déformations importantes puisqu’il n’existe pas, à notre connaissance, d’études fournissant les données nécessaires. La connaissance de ces propriétés apparait donc comme un ajout important aux données connues, étant donné l’incidence des blessures de la colonne vertébrale survenant à haute vitesse, d’où l’intérêt d’approfondir les connaissances actuelles à ce sujet.

1.3.5 Comportement d’une ou de plusieurs unités fonctionnelles lors du