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Division régionale de la CORFO et de l’ODEPLAN

COMPORTEMENT ELECTORAL

DES AYMARAS DE LA PREMIERE REGION (%) Plébiscite 1988 Oui (pro Pinochet) Elections Büchi Gouvernement militaire présidentielle s 1989 Aylwin Opposition Elections Gouvernement sénatoriales Opposition 1989 Dougnac (indépendant, avocat ayant défendu les droits des communautés indigènes) Colchane 76,8 50,5 26,1 34,7 13,2 24,8

Camiña, Chiapa, Mamiña 70,4 60,7 23,9 50,0 23,1 5,0

Pica 60,9 42,3 56,6 40,3 33,7 4,4

Huara, Pozo Almonte * 56,3 43,4 56,3 31,2 31,8

Iquique urbain 44,6,1 30,3 47,5 35,1 62,3 0,7

Source : J. Van Kessel, 1990 : 56.

3.C.b- L’arrimage au territoire national des « zones extrêmes » : subventions et législations d’exception

Malgré les célèbres batailles qui donnèrent la victoire au Chili, malgré l’insertion des mines du nord dans les circuits économiques nationaux, il semble qu’ait persisté, tout au long de ce siècle, le sentiment répandu que le lointain Norte Grande restait mal arrimé au territoire national. Ce type de discours pouvait s’appliquer à tous les domaines de la vie publique, et tout était bon pour y remédier : par exemple en 1962, l’organisation de la coupe du monde au Chili fut prétexte à « rassembler un pays autour d’une cause nationale : le football, à l’image de ces matches à Arica qui servirent à unifier un territoire peu lié » (T. Moulián, Libération, 29 mai 1998 : 24). La tenue de matches dans le stade d’Arica, seul site hors de la vallée centrale (aux côtés de Santiago, Viña del Mar et Rancagua) témoigne du statut exceptionnel de la périphérie septentrionale dans les représentations nationales. L’Etat s’est fait le porte-parole de cette préoccupation tout au long du siècle, canalisant l’effort d’arrimage de ces provinces lointaines au destin national.

Toujours en vigueur à l’heure actuelle, la notion de « zone extrême », applicable également à la Patagonie, découle de la double instabilité géopolitique de zones comme le Norte Grande : elle est liée à leur éloignement de la capitale ainsi qu’à la convoitise déclarée des pays voisins. La reconnaissance du statut de « zone extrême » induit une double réponse de l’État : à la fois un déploiement particulier des forces armées et une attention particulière envers le développement économique local.

) Une tradition de gestion d’exception

La richesse en matières premières (pétrole au sud, cuivre au nord) des extrémités du Chili allait de pair avec des conditions naturelles rendant le peuplement difficile. Il pouvait sembler plus simple de les confiner dans leur statut de simples zones d’extraction, mais alors comment assurer leur défense ? Le sous- développement pouvait justifier des invasions au prétexte que d’autres sauraient mieux mettre en valeur ces espaces. Aussi, avant même la conception d’un programme global d’aménagement du territoire, un traitement différentiel de ces zones fut envisagé. Cette politique se concrétisa par deux formes de mesures, l’accord ponctuel d’une série de franchises (multipliées jusqu’en 1973, elles se prolongent même en 1975 par la création des zones franches d’Arica et Punta Arenas) ainsi que le développement de politiques de stimulation de la croissance.

Les dates de mise en œuvre de ces mesures coïncident souvent avec des gouvernements autoritaires, jusqu'à la zone franche offerte à Iquique par A. Pinochet. Cela tient sans doute au caractère d’exception que revêt le traitement préférentiel d’une zone du pays au profit des autres. Les outils mobilisés ont varié sensiblement selon la nature du gouvernement qui les a décidés, se distribuant entre franchises, politiques industrielles et commerciales de stimulation de la croissance, et élaboration de mécanismes de redistribution locale de la croissance. Le poids du contexte politique permet de comprendre comment ce type de décisions a pu se poursuivre au sein même du « modèle néolibéral » dont ce ne serait que l’une des contradictions.

Faisant le bilan des « raisons de l’intervention de l’État sur les marchés libres » un universitaire citait récemment le développement régional dans le sens où « la société a aussi confié à l’État la mission de favoriser le peuplement et le développement des différentes régions du pays. L’intérêt des citoyens va tout particulièrement au bon développement économique des régions extrêmes, pour des raisons qui vont au-delà des motivations purement économiques. » G. Fierro, 1996 : 9-10.

Le développement économique mis en avant n’est que le second argument, l’urgence étant géopolitique. En témoigne la chronologie des mesures. Les premières intervinrent à Arica, dernier point ajouté au pays... et dont on ne commença à envisager le développement à long terme qu’à partir de 1929, soit à l’issue du referendum. A l’époque, Iquique et Antofagasta étaient portées par les nitrates et leur développement semblait assuré sans que l’Etat ait besoin d’intervenir.

En juillet 1953 (sous le deuxième gouvernement de Carlos Ibañez), le décret ayant force de loi (DFL) n°303 accorda au département d’Arica les franchises tributaires et douanières lui permettant la création d’un port libre (ni tarifs douaniers ni taxe de débarquement). Dans les schémas ultérieurs de développement, Arica sera considérée comme pôle régional de développement ; mais le fait que les premières décisions en sa faveur soient antérieures à la théorie de Perroux montre qu’il s’agit bien d’un choix géopolitique plutôt que de l’adoption d’un style de développement. Cette mesure donna une formidable impulsion à la ville dont la population doubla en sept ans (on compta parfois jusqu'à 400 arrivées / jour). Cette euphorie commerciale n’entraînant pas de véritable développement industriel, l’Etat intervint de nouveau en 1962 pour modifier les franchises d’Arica dans ce sens. C’est ainsi qu’en 1967, Arica était devenue la cinquième ville industrielle du pays (en nombre d’établissements (137)88, de salariés (plus de 6000), et chiffre d’affaires), suivant l’industrieuse Concepción dans ce palmarès. Il s’agissait avant tout d’industries de montage (automobile, électronique) de grandes firmes internationales. Ces bons résultats traduisaient-ils un bon arrimage au reste du pays ? Dans la mesure où cette industrie avait pris son essor sur la base d’un marché captif lointain, le centre du Chili, l’ouverture générale des barrières douanières remit en cause tout cet acquis.

Si c’est à Arica que l’expérience des lois de franchise territoriale fut la plus poussée, les autres provinces du Norte Grande ne furent pas en reste. Le décalage dans le temps des mesures concernant Iquique et Antofagasta provient de la croyance répandue que l’insertion au territoire national de ces provinces plus méridionales était acquise du fait du développement de l’exploitation minière. C’est la crise des nitrates, accompagnée de la montée du chômage dans le Norte Grande, qui entraîna la généralisation des mesures d’exception à partir de 1958.

Ce furent des mesures d’urgence, notamment la loi érigeant les provinces de Tarapacá, d’Antofagasta et le département de Chañaral en zone libre alimentaire (où l’importation de tous les aliments sauf quatre était libre de droits ; loi 12.858, 31/1/1958). Elle fut complétée par la baisse des impôts dans les départements de

88 On y comptait 137 établissements (73 dans le secteur des transports, 27 dans celui de

l’électricité et l’électronique, 34 dans le secteur alimentaire, et 3 dans le textile - mais avec presque autant d’employés que dans le secteur alimentaire) (Enciclopedia de Arica, 1992 : 45- 46).

Pisagua, Iquique, Tocopilla et Taltal et Chañaral (loi 12.937, 14/8/1958), élargie par la suite aux départements de Antofagasta et El Loa (loi 15.575 de 1964). Ces lois autorisaient une baisse de 90 % des impôts directs dans le secteur industriel, et pour les petites et moyennes mines, ainsi que sur les biens-fonds, allant jusqu’à l’exemption totale sur la construction dans les départements de Taltal et Tocopilla. Elles établissaient aussi des franchises pour l’importation d’un certain nombre de produits à destination de ces derniers départements (embarcations, moteurs hors-bord, pouvant servir au développement de l’industrie halieutique, machines, autos et camionnettes, combustibles et matières premières, sauf le charbon). L’Unité Populaire prolongea cet effort en promulguant de nouvelles mesures libérant l’importation de biens d’équipement à destination des deux grandes villes de la première Région. Ces lois (12.858 et 12.937) ont été en vigueur jusqu’au 31 décembre 1975 (et dans les faits les conditions de la loi 12.858 ont duré jusqu’en 1980) (A. Palma I., 1985).

Ces lois d’exception ne suffirent pas à provoquer une dynamique de croissance comparable à celle d’Arica, portée par le développement industriel local : aucune activité ne venait se substituer aux oficinas salitreras qui fermaient. Le gouvernement tenta alors de coordonner ses efforts pour occuper la force de travail inactive qui s’accroissait depuis les années 1930, en tirant parti de l’expérience positive de la production de farine de poisson initiée en 1951 dans d’autres parties du pays. Pour ce faire, l’État mit en place une législation favorable à l’investissement (Plan de Fomento Pesquero, loi 5.598, 1960), détermina des conditions spéciales d’imposition pour attirer les capitaux (notamment nord-américains89) et créa en 1963,

sous l’égide de la CORFO, l’Institut de développement de la pêche90 chargé de conduire ce programme de développement de l’industrie halieutique en gérant l’aide au crédit comme à la distribution. Iquique se trouva ainsi au centre d’un dispositif qui s’étendit dans tout le Norte Grande. Après quelques années d’essor rapide de la capacité productive, l’industrie halieutique fut victime de son succès du fait de la surexploitation de ses ressources, et l’État dut mettre à disposition de la population du nord des fonds pour faire face à une situation d’urgence91 : ils servirent à rapatrier certains des travailleurs dans leur province origine. Les entreprises furent ensuite nationalisées pendant la période de l’Unité Populaire, pour être re-privatisées aussitôt après le coup d’État militaire.

Le développement du Norte Grande dans les années 1960 s’est traduit par deux expériences a priori comparables, où l’État a joué un rôle fondamental. Cependant, le sort des deux villes de Tarapacá pendant la période d’ouverture qui a suivi montre que le problème de la croissance régionale ne peut pas être posé uniquement en termes d’une opposition interventionnisme/ libéralisme. La nature de la branche industrielle stimulée se révèle primordiale à cet égard. L’industrie halieutique d’Iquique et des autres villes du Norte Grande est toujours rentable, alors que la capacité industrielle d’Arica a été complètement laminée. A l’époque pourtant,

89 Astillero Marco Chilena, Induston-Obestone, Resinas Sintéticas Chilenas. 90 IFOP : Instituto de Fomento Pesquero.

91 Des banderas negras ou drapeaux noirs qui sont tendus dans la ville en signe de deuil

cette dernière expérience, couronnée par le statut de pôle de développement obtenu par Arica, semblait bien plus aboutie.

L’expérience hors du commun de redistribution locale des dividendes de la croissance mise en place à Arica témoigne d’une évolution intéressante du rôle du secteur public dans le développement régional. En 1958, l’Etat permit à Arica la création d’un organisme d’autogestion original, la Junta de Adelanto de Arica ou JAA (Comité « En avant, Arica ! », créé par la loi n°13.039) financé par l’autorisation exceptionnelle de gestion locale des impôts. A son apogée, la JAA employait 600 personnes et disposait de 25 véhicules propres. Au-delà de son rôle d’aménagement et de construction des grandes infrastructures (port, voirie, université, stade olympique...), la JAA se donna pour objectif de faire d’Arica une destination touristique. Quant à lui, le Comité de programmation des investissements d’Iquique et de Pisagua92, qui se mit en place selon le modèle de la JAA, garda un champ d’action plus limité car ses ressources demeuraient bien en deçà. La JAA fonctionna parfaitement jusqu’en 1973, sa liquidation définitive n’étant prononcée qu’en 1976. Elle suivait le déclin industriel de la ville suite à la suppression des franchises, mais elle représentait aussi la fin d’une expérience unique de développement par le haut qui aboutit à un projet endogène fort. Véritable effort de gestion décentralisée, la Junta de Adelanto de Arica, conduisait paradoxalement à une mise en retrait de l’Etat central jamais renouvelée depuis...

Le choix néolibéral de la Dictature semblait devoir remettre en cause la tradition d’exception dans la gestion du Norte Grande par l’Etat chilien. Mais l’exemple du cadeau offert par Pinochet à Iquique prouve le contraire. Le coup d’Etat signifiait malgré tout un changement radical de modèle de développement, et l’abandon apparent de politiques de gestion locale trop participatives.

) Le cadeau d’A. Pinochet à Iquique : la ZOFRI malgré le néolibéralisme

Dès 1973, le développement industriel d’Arica fut stoppé net par la suppression de ses franchises, alors qu’Iquique était destinataire de nouvelles mesures exceptionnelles. Pourquoi faire plonger Arica pour sortir Iquique de l’ornière ? Ce paradoxe territorial du Norte Grande dans les premières années de la Dictature trouve son origine bien au-delà de la théorie économique.

Le prétexte apparaît d’abord géostratégique, prenant appui sur une remise en cause des principes géopolitiques qui avaient fondé le développement d’Arica. La politique d’aménagement du territoire de la Junte repose en effet sur une nouvelle vision de la défense nationale, fondée sur l’hypothèse de conflits frontaliers ouverts à court terme. Or, à la différence d’Arica, construite sur une plaine côtière, au débouché d’une vallée en pente douce, Iquique est sise sur une terrasse marine au pied d’une falaise morte de près de 1000 mètres d’altitude. Dans la perspective d’avoir à repousser une éventuelle agression, Arica ne peut convenir : de par sa situation, à 6 km de la frontière chileno-péruvienne, elle tomberait aux mains de l’ennemi dès les premières heures d’un conflit. Il convient donc d’en retirer l’essentiel des troupes de la frontière nord (basées jusqu’alors à Arica), et de les redéployer à Iquique. Cette

dernière, séparée de la frontière péruvienne par de larges et abruptes vallées ou quebradas, serait beaucoup moins vulnérable; et sa localisation plus stratégique dans la mesure où elle allait rapprocher les troupes des frontières bolivienne et argentine93. C’est ainsi qu’en 1978, la garnison d’Arica est déplacée à fort Baquedano, à 50 km d’Iquique : la province d’Iquique abrite désormais le premier (et le plus puissant) corps de l’armée chilienne. Un important complexe militaro-portuaire assure le ravitaillement et le support logistique de cette base.

Augusto Pinochet n’est pas le premier chef d’Etat à accorder des statuts juridiques d’exception à une ville du Norte Grande... mais ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’avoir ainsi favorisé Iquique après avoir décrié les mesures d’exception dont bénéficiait Arica. Le Général va ainsi prendre, dans un contexte autoritaire, des mesures d’une envergure nouvelle en créant en 1975 une zone franche à Iquique : la ZOFRI (Zone Franche d’Iquique94). La loi 1.055 octroie aux négociants qui s’installent dans la zone une franchise totale sur la totalité des biens importables. Par ailleurs, le Décret Loi 889 de 1975 stipule également que l’Etat va subventionner 17% des achats de machines, des salaires, et des investissements en construction effectués par les négociants de la zone franche. Afin d’attirer les investisseurs de la capitale, la dictature va même jusqu'à imposer une liaison quotidienne Santiago- Iquique aux compagnies aériennes nationales LAN et Ladeco95. Toute la Ière Région bénéficie cependant d’une certaine extension des franchises de la ZOFRI, notamment concernant les possibilités d’achats à Iquique. Arica, quant à elle, garde des franchises industrielles, mais cela représente une restriction par rapport à la situation antérieure. Ces incitations économiques sont accompagnées du choix d’Iquique comme capitale régionale, lors du dessin de la nouvelle carte administrative décidée la même année.

La Région bénéficie surtout des retombées fiscales de la ZOFRI, dont le contrôle est assuré par l’État. Souhaitant en confier l’administration et l’exploitation en concession sans en perdre le contrôle, il crée ZOFRI SA (loi 18.84696), entreprise publique dont la propriété est partagée entre l’État (1%) et la CORFO (99%). Les statuts prévoyaient à l’origine que la CORFO pouvait vendre 100% de sa part (article 10). Pendant toute la période de privatisations menées par le gouvernement militaire, cette clause ne sera jamais appliquée, et dès 1991, la situation est clarifiée par une loi (19.085) qui garantit une participation majoritaire à l’État. C’est que non seulement ZOFRI S.A. rapporte beaucoup à l’État, mais elle finance aussi en grande partie le développement provincial : la clause VI du contrat de concession l’obligeait en effet à verser 12% de ses entrées brutes annuelles à la municipalité d’Iquique, contribution portée à 15% depuis 1991 (40% pour la municipalité d’Iquique, 6% pour chacune des autres municipalités de la province et 30% pour le fonds de développement régional

93 Hector Ovando, géographe, ex-maire de Pica et conseiller des autorités militaires de

la Région de Tarapacá entre 1974 et 1989. Entretiens des 21 juillet et 31 octobre 1997.

94 La loi n°1.055 du 25 juin 1975 octroie le statut de zone franche aux villes d’Iquique

et de Punta Arenas, ainsi qu’à la zone industrielle d’Arica.

95 El Tarapacá, 19 et 29 août 1975.

(FNDR) de Tarapacá ; ZOFRI S.A., 1995). Elle joue en ce sens un rôle de redistribution comparable à celui de la JAA.

Si cette réforme semble a priori s’inscrire dans la continuité des efforts d’aménagement du territoire qui se sont multipliés au Chili depuis les années 1950- 1960, son inspiration est radicalement distincte. Elle prétend obéir au souci de l’application de nouveaux principes économiques néolibéraux qui a constitué le critère principal de définition des nouvelles Régions. A ce titre, on peut sans doute en conclure que la réussite d’Iquique est une des plus belles entorses à la doctrine libérale au Chili : bien qu’il se soit agi de créer un espace de libre concurrence pure, cette décision relève bel et bien d’une politique centrale d’aménagement du territoire contraire aux principes invoqués pour supprimer les privilèges d’Arica. Il n’y a que dans la mesure où cette nouvelle zone franche s’inscrit résolument dans le secteur tertiaire et dans l’ouverture sur le reste du monde qu’elle est fidèle au nouveau profil économique adopté par le Chili.

Cette conjonction de faveurs destinées à Iquique ne repose pas uniquement sur la vision géopolitique et économique du Général : tout se passe comme si cette ville était privilégiée entre toutes. Cette anecdote que rappelle, non sans humour, Gloria Deluchi, avocate chargée de la rédaction de la loi 1.055 et de la mise en place de la ZOFRI, l’illustre : « quand j’allais à Santiago, les fonctionnaires du Diego Portales97

disaient ‘Voilà la dame d’Iquique qui arrive … Qu’allons-nous donc offrir aujourd’hui à la ville d’Iquique ? ¿ Qu’allons-nous lui donner qu’elle n’ait pas encore ?’ »98. C’est l’attachement personnel du Général à la ville qui peut seul expliquer l’âge d’or d’Iquique sous la dictature : c’était -et c’est encore- la « terre gâtée (tierra regalona) », du dictateur. A. Pinochet aime en effet Iquique, où il a commencé sa carrière en 1946. En 1969, en tant que militaire plus haut gradé de la Région, il en a même été Intendant pendant une année, suite au décès accidentel de son prédécesseur civil99. Le général possède aujourd’hui trois appartements dans le nouveau quartier de Cavancha, où il espère passer une partie de sa retraite, ce qui l’a conduit à peser d’un poids tout particulier en faveur de sa candidate lors des dernières élections municipales. Et quand il veut éviter d’avoir à rencontrer Fidel Castro (revenu au Chili pour la première fois depuis l’Unité Populaire) lors du sommet ibéro-américain de novembre 1996, il part à Iquique... superviser des manœuvres militaires100. Augusto Pinochet compte enfin des amis à Iquique : après le putsch, il n’a pas fait arrêter l’Intendant qui lui a succédé, pourtant proche de Salvador Allende, et dont il dira plus tard dans le Livre blanc, qu’il fut le seul socialiste honnête qu’il ait jamais rencontré. De la même façon, au plus fort de la répression, la non-exécution du dirigeant communiste (et actuel maire d’Iquique) Jorge Soria, interné dans le camp de Pisagua, a surpris plus d’un observateur. La rumeur a longtemps circulé, selon laquelle Augusto Pinochet aurait été, avant le putsch, son témoin de mariage puis le

97 Siège du gouvernement militaire à Santiago. 98 Gloria Deluchi, entretien du 23 octobre 1997.

99 La loi voulait que si l’Intendant (autorité maximale de la Région) se trouvait dans

l’impossibilité temporaire d’exercer ses fonctions, ce soit le militaire le plus gradé de la Région qui assure l’intérim.

parrain d’un de ses enfants101. Peu importe que cette rumeur ait été fondée ou non ;

son existence suffit à montrer qu’aux yeux des Iquiqueños, le dictateur déchu a eu un rapport très particulier à Iquique. « Enfant illustre d’Iquique » est un titre dont le général est fier, et une partie des Iquiqueños le lui rend bien : lors du dernier