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Complexité des finalités de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la

Chapitre 2 : L’ÉDUCATION A LA SEXUALITÉ

1. Complexité des finalités de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la

La littérature le montre, la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité est loin d’être un simple transfert de connaissances du formateur vers le stagiaire. C’est bien plus qu’un simple principe de vase communiquant où les savoirs passeraient d’un vase gorgé de connaissances vers un autre qui serait à remplir. Cette formation est bien plus complexe dans la mesure où elle interroge l’enseignant autant sur ses valeurs, ses pratiques que sur ses connaissances acquises. C’est une formation qui vise d’une part l’établissement d’un cadre commun de travail pour les enseignants en éducation à la santé et à la sexualité, et d’autre part à « permettre à chaque enseignant en formation de développer les compétences lui permettant de prendre sa place comme acteur d’éducation à la santé » (Jourdan, 2010, 146).

1.1. Les objectifs de la formation des enseignants en l’éducation à la santé et à la sexualité

Globalement, la formation fait référence à une acquisition de compétences. « Cependant, le concept de compétence reste encore aujourd’hui, flou et incertain, malgré les essais multiples et variés de définitions » (Pingoud, 2002, p.15), multiplicité de définitions bien mis en évidence par Toupin(1998). Pour Meirieu (1991) la compétence renvoie à un savoir mettant en jeu une ou des capacités dans un contexte particulier. Pour Wittorsky (1997) la compétence correspond à la mobilisation dans l’action d’un certain nombre de savoirs combinés de façon spécifique en fonction du cadre de perception que se construit l’acteur (individu ou collectif) de la situation.

C’est D’Hainaut (1988) qui en donne une définition regroupant l’essentiel des objectifs de la formation des acteurs de l’éducation à la santé. Pour lui, le concept de compétence renvoie à un ensemble de savoirs, savoir-faire et savoir-être permettant d’exercer convenablement un rôle, une fonction ou une activité. Ce triple objectif (savoirs, savoir-faire et savoir-être) est également présenté par Barthelemy et al. (2000) comme étant le but ultime de la formation des acteurs de l’éducation à la santé. Pingoud (2002) donne de ces catégories de compétence, les définitions suivantes :

- Les savoirs correspondent à des connaissances aussi bien générales que spécialisées sur un thème précis.

- Les savoir-faire correspondent à la maîtrise de la mise en œuvre concrète de techniques, de méthodes ou d’outils, c'est-à-dire d’habilités manuelles, sociales ou cognitives (par exemple, savoir mettre en œuvre les techniques d’animation de réunion).

- Les savoir-être correspondent à la maîtrise d’attitudes comportementales, c’est-à-dire des postures mentales (par exemple, être diplomate, être organisé).

La formation proposée aux enseignants vise ainsi à faire évoluer leurs connaissances, leurs pratiques et leurs attitudes dans l’exercice de leur mission auprès des élèves. Mais le défi permanent de cette formation est celui de trouver un équilibre entre ces trois dimensions de la compétence qu’évoque D’Hainaut (1988), de les articuler les unes aux autres pour en donner sens. En effet comment s’assurer par la formation que ces trois dimensions de la compétence soient au service de la même cause sans que l’une n’inhibe l’autre? La réponse à cette question donne tout son sens à l’intérêt de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité qui va plus loin dans la déclinaison de ses enjeux.

1.2. Les enjeux majeurs de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité

La formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité doivent tenir compte de quatre enjeux majeurs (Jourdan 2004).

- Prendre en compte la diversité des représentations quant au rôle de l’école dans le domaine de l’éducation à la santé. « L’identité professionnelle des [enseignants] constitue le

prisme à travers lequel ils forgent leurs propres représentations de l’éducation à la santé et leur rôle dans ce domaine » (Jourdan, 2004, p. 36). Il est donc nécessaire que la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité les conduise à intégrer dans leur identité professionnelle les préoccupations allouées à ces formes d’éducation. On ne saurait ainsi envisager une formation dont les compétences à transmettre font fi de la diversité des conceptions des enseignants. Ceci nécessite non seulement un contenu de la formation adapté, mais aussi des méthodologies de formation bien ajustées. Le challenge ici est de proposer une formation qui prenne en compte la spécificité des conceptions des enseignants de leur métier, tout en faisant valoir ce qui fait lien entre leur rôle d’enseignant et leur implication en éducation à la santé et à la sexualité. Par la formation, l’enseignant doit appréhender que

donner aux élèves « les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle-ci » (OMS, 1986) est au cœur de leur mission, l’éducation à la santé et à la sexualité ayant vocation à fournir aux élèves ces moyens.

- Développer une culture commune en référence à la mission de l’école en matière d’éducation à la santé. « Ce qui est susceptible d’être commun aux différents acteurs de

l’école est de l’ordre de l’éthique et des valeurs partagées avant d’être celui des approches ou des méthodes… Ce sont ces valeurs qui peuvent constituer le substratum d’une culture commune. » (Jourdan & al., 2004, p.39). Bien qu’ayant une même mission, il est en effet évident que la diversité des conceptions individuelles ne laisse que très peu de chance à une homogénéité tant dans l’idée que se font les enseignants de leur rôle que dans la manière de réaliser leur mission. Parler d’une culture commune consiste donc à définir un prisme à travers lequel chaque enseignant puisse se reconnaître et se positionner en éducation à la santé et à la sexualité. Sans prétendre réduire l’éducation à la santé et à la sexualité à une simple question de valeurs, « il est nécessaire de développer une culture commune […], non seulement pour faciliter le partenariat et accroître la cohérence des pratiques, mais aussi parce qu’elle contribue à la formation initiale et continue. » (Sandrin-Berthon, 2002, cité par Defebvre & al., 2005, p.19).

- Enraciner la préoccupation de l’éducation à la santé des élèves au cœur de l’identité professionnelle des acteurs. L’élaboration d’une culture commune suppose que chaque

enseignant ait pris conscience de son rôle dans le développement de l’éducation à la santé et à la sexualité. Or, nous l’avons dit, les enseignants sont différents, de même que leur mode de conceptualisation de l’éducation à la santé et à la sexualité. La culture professionnelle des uns favorise cet enracinement des préoccupations de l’éducation à la santé et à la sexualité, d’autres en revanche sont moins bien disposés (Jourdan, 2010). L’idée que se fait un enseignant de SVT de son rôle en éducation à la santé et à la sexualité est différente, par exemple, de celle d’un enseignant de mathématiques. La formation des enseignants doit tenir compte de cet écart qu’il peut y avoir entre l’idée que se font les enseignants de leur métier et une conceptualisation de l’éducation à la santé et à la sexualité qui peut en faire un objet périphérique. Pour « permettre à chacun des acteurs de l’école de percevoir que travailler individuellement et collectivement à la promotion de la santé dans les établissements est bien constitutif du cœur de leur mission» (Jourdan, 2004, p.41), il est nécessaire de favoriser par la

formation l’enracinement des préoccupations de l’éducation à la santé et à la sexualité des élèves au cœur de l’identité professionnelle des acteurs. Pour Berger et Cardot (2006) « l’objectif principal en formation d’enseignant en éducation à la santé est d’inclure celle-ci dans l’identité professionnelle des stagiaires afin qu’ils prennent conscience de leur rôle dans ce domaine. » (p.3), D’après ces chercheurs, il est nécessaire de « sortir de l’enseignement disciplinaire basé sur l’apport de connaissances pour adopter une démarche transdisciplinaire fondé sur un projet éducatif global et un ensemble de valeurs. » (Berger & Cardot, 2006, p.3).

- Articuler les différentes fonctions de la formation. « L’articulation de ce qui vise à permettre aux acteurs d’intégrer de façon cohérente l’éducation à la santé à leur propre identité professionnelle et ce qui vise à les en décentrer dans la perspective d’une ouverture à une culture commune est bien un enjeu fort de la formation des acteurs de l’éducation à la santé à l’école » (Jourdan, 2004, p.43). La finalité de la formation des enseignants n’étant pas de leur apporter des connaissances qu’ils devront à leur tour transmettre aux élèves, il est important de les préparer par la formation aux divers aspects de l’action auxquels ils devront faire face. Il s’agit notamment de former ces acteurs à l’ingénierie de la formation, au travail partenarial et aux méthodes pédagogiques.

La définition de ces quatre enjeux majeurs de la formation des acteurs révèle clairement la complexité de la finalité de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité. Complexité dans la définition des contenus, mais également complexité dans la mise en œuvre de la formation de manière à prendre en compte ces différents enjeux. Cette complexité interpelle fortement les formateurs des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité qui ont particulièrement un travail sur soi à faire, car « pour que l’éducation à la santé … prennent sens pour les futurs enseignants, il est nécessaire que les formateurs eux- mêmes puisse s’approprier cette nouvelle mission et les enjeux sociaux et éducatifs qui y sont associés, dans le cadre plus large la promotion de la santé » (Victor & Cardot, 2008, p.87).

1.3. Vers une professionnalisation de l’enseignant en éducation à la santé et à la sexualité

Face à cette complexité de la formation des enseignants en éducation à la santé et à la sexualité, Jourdan (2010) milite pour une professionnalisation de l’enseignant. Citant Philippe Perrenoud (1998), il définit la professionnalisation comme étant « l’accès à la capacité de

résoudre des problèmes complexes et variés par ses propres moyens, dans le cadre d’objectifs généraux et d’une éthique, sans être tenu de suivre des procédures détaillées conçues par d’autres. C’est donc être, davantage que dans un métier d’exécution, capable d’autonomie et de responsabilité » (p. 100). Loin de faire des enseignants des spécialistes de l’éducation à la santé et à la sexualité, l’objectif de cette professionnalisation vise leur émancipation et leur sortie de la posture d’exécutant, pour les rendre apte à mener cette activité de manière autonome et réflexive. Il s’agit de faire sortir l’enseignant de la conception du tout prêt en éducation à la santé et à la sexualité, qui consisterait pour lui de se contenter de la mise en place des actions prédéfinies par des experts, dans le strict respect des consignes associées. Car, c’est de la capacité de l’enseignant à s’adapter aux situations, à développer et mettre en œuvre des solutions pertinentes non prédéfinies que dépende son implication efficace en éducation à la santé et à la sexualité. En effet,

cette démarche de professionnalisation, qui place l’enseignant en situation d’autonomie et de responsabilité accrues, dépasse l’acquisition de savoirs et d’une capacité à réfléchir dans et sur son action. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir des outils en vue de mettre en œuvre cette réflexivité mais bien plus d’adopter une véritable posture réflexive. En ce sens, la professionnalisation des personnes concerne la construction de leur identité professionnelle. (Jourdan, 2010, p. 102)

C’est une démarche de transformation de l’identité professionnelle de l’enseignant qui nécessite du temps, une transformation qui ne peut se faire rapidement et qui requiert d’être entamée très tôt dans son parcours de formation. L’importance de cette professionnalisation de l’enseignant en éducation à la santé et à la sexualité et telle que Jourdan (2010) n’hésite pas à la mettre en balance avec une formation qui enfermerait l’enseignant dans des prescriptions de plus en plus fines ne lui donnant aucune marge de manœuvre dans l’action. Pour lui, « penser la formation en éducation à la santé des enseignants, c’est faire un choix fondamental. Soit limiter leur autonomie et investir dans des prescriptions de plus en plus fines … ou bien leur faire une large confiance en élevant leur niveau de compétence » (p. 103).

Bien que l’auteur soit favorable à l’autonomisation de l’enseignant, il n’en demeure pas moins que subsiste l’interrogation sur la base des savoirs formels en éducation à la santé et à la sexualité susceptibles de fournir les compétences nécessaires pour garantir cette autonomie de l’enseignant. En effet, la multidisciplinarité de l’éducation à la santé et à la sexualité fait qu’il

n’existe pas une production scientifique basée sur une vision univoque et donc sur des savoirs partagées pouvant servir de corpus de référence à la formation des enseignants. Qui peut en effet garantir aujourd’hui que des enseignants formés dans deux institutions universitaires différentes acquièrent les mêmes bases théoriques en éducation à la santé et à la sexualité ? L’autonomie n’étant pas synonyme d’affranchissement tant des compétences à développer que des savoirs théoriques qui les fondent, la question du référentiel de connaissances et de compétences en éducation à la santé et à la sexualité se pose fermement.