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Notations du Chapitre 1

3.6 Complément sur les équations d’état

Le choix des équations d’état pour la modélisation de la DDT est un élément indispensable pour la description du phénomène (voir section 3.5.2.c), puisqu’il conditionne le lien entre les trois grandeurs fondamentales du système que sont la pression, le volume et l’énergie.

Dans le cas de la DDT, deux équations d’état doivent être décrites si la compressibilité des particules est prise en compte, l’une pour la phase solide et l’autre pour la phase gazeuse. Elles peuvent être ou non de même nature (voir cas JWL), mais leurs coefficients sont nécessairement différents.

Cette partie décrit en détail quelques équations d’état existantes, parmi les plus usitées.

3.6.1 De l’équation d’état idéale à l’équation de Noble-Abel

La loi des gaz parfaits, ou loi idéale, est souvent utilisée avec la phase gazeuse pour décrire les processus dans lesquelles les pressions sont relativement faibles, de l’ordre de 200 bars. Son expression est donnée par :

[1-44]

Où p est la pression, V est le volume, N est le nombre de moles, T est la température, est la constante universelle des gaz parfaits (d’une valeur de 8,314 J/K/mol), ρ est la masse volumique et est égal au rapport avec Mm la masse molaire.

La loi des gaz parfaits décrit un gaz constitué de particules ponctuelles. Elle est une bonne approximation des gaz réels tant que ses particules sont suffisamment éloignées l’une de l’autre, autrement dit tant que la pression et la masse volumique ne sont pas trop élevées. Au-delà, il faut tenir compte des forces intermoléculaires des gaz (potentiels attractifs et répulsifs) et du volume fini des particules (appelé également le covolume).

Pour des problèmes de chocs ou de détonations, comme le phénomène de la DDT, cette loi conduit à de très larges erreurs et n’est plus du tout applicable.

Une amélioration de l’équation d’état idéale est la loi de Van der Waals, qui tient compte des potentiels des gaz et du covolume en première approximation. Elle est parfois utilisée en balistique puisqu’elle couvre un domaine de pression plus large que la loi idéale.

[1-45]

Où v = 1/ρ est le volume spécifique, a et b sont respectivement des constantes représentatives des forces d’attraction et du covolume. En pratique, les expériences montrent que le facteur a n’est pas constant et diminue avec la température ([1.155]).

La constante b représente le covolume, et limite la compression des gaz. Le fait que b soit une constante implique qu’une particule est considérée comme une sphère rigide avec une force de répulsion importante sur les autres particules.

Le terme est appelé terme de pression. En balistique, il est souvent d’usage de le négliger devant la pression, bien que cela soit inexact en-deçà de 2500 K. L’équation de Van der Waals prend alors la forme de l’équation dite de Noble-Abel (ou de Clausius) avec un covolume variable :

[1-46a]

En se basant sur des mesures de la masse volumique des gaz produits par des explosifs, Cook ([1.156]) a supposé en 1947 que le covolume est uniquement fonction de la masse volumique. Il néglige ainsi la force attractive entre les particules. Le covolume peut être approximé par une fonction exponentielle pour des masses volumiques inférieures à 2 g/cm3 ([1.156]).

[1-46b]

La masse volumique ρg et la fonction b(ρg) s’expriment respectivement en g/cm3 et en cm3/g. Le Tableau 1-8 fournit quelques valeurs empiriques des covolumes.

Masse volumique ρ [g/cm3] b(ρ) [cm3/g] 0,005 0,998 0,01 0,996 0,05 0,980 0,1 0,961 0,5 0,819 1,00 0,670 1,50 0,549

Tableau 1-8 : Covolume en fonction de la masse volumique ([1.156]).

Lorsque les pressions dépassent 7000 bars, les lois de Van der Waals et Noble-Abel ne sont toutefois plus applicables.

3.6.2 Equation Becker-Kistiakowsky-Wilson (BKW)

L’équation d’état de Becker-Kistiakowsky-Wilson (BKW) ([1.157], [1.158], [1.159], [1.160]) est une loi semi-empirique qui décrit le comportement des produits de détonation. Bien qu’elle ne dispose pas d’un fondement théorique très conséquent, c’est une loi qui s’accorde bien avec les résultats expérimentaux pour de nombreux explosifs standards, dont

la masse volumique varie entre 1,2 et 2 g/cm3. Cette loi est incluse dans l’équation d’état HOM décrite à la section suivante (section 3.6.3).

BKW se présente sous la forme :

[1-47]

Avec

Où p est la pression, est le volume molaire et la constante des gaz parfaits. α1 et α2 sont des paramètres ajustables pour reproduire les conditions de détonation expérimentales. θ est un terme supplémentaire homogène à une température introduit par Cowan et Fickett ([1.161]) pour éviter que la pression ne tende vers l’infini lorsque la température tend vers zéro. Le paramètre est défini par :

Où bi est le covolume géométrique de l’espèce i, est la fraction molaire de l’espèce i ( ), et α3 est un autre paramètre empirique ajustable. Les espèces i correspondent à des produits de détonation.

Le covolume se définit comme le volume occupé par une molécule en rotation autour de son centre de masse. Il se calcule en déterminant le rayon de Van der Waals, multiplié par le facteur 10,46. Cette dernière constante est introduite par Mader ([1.162]) afin d’harmoniser les valeurs du covolume du CO avec celle initialement calculée par Cowan et Fickett ([1.161]). Physiquement, il s’agit du volume effectif moléculaire, c’est-à-dire du volume minimal sous lequel une molécule ne peut être réduite.

Le terme du covolume est discutable ([1.163]), tant par sa définition que par son calcul. Par exemple, Mader ([1.162]) considère que le covolume est intrinsèque à une molécule et ne dépend pas des conditions extérieures (pression, etc.), tandis que Suceska ([1.163]) introduit le concept d’un covolume dépendant de la masse volumique initiale des explosifs.

Mader propose une description détaillée de l’historique, de l’étalonnage et de l’application de l’équation d’état BKW pour le calcul des états de détonation de plusieurs explosifs ([1.162]). Il utilise deux jeux de paramètres différents, respectivement obtenus par étalonnage du TNT et du RDX (Tableau 1-9) : BKW-TNT applicable pour des explosifs hautement carbonés, et BKW-RDX applicable pour des explosifs hautement oxygénés.

Covolume Explosif α1 α2 α3 θ H2O CO2 CO N2

TNT 0,09585 0,5 12,685 400 250 600 390 380

RDX 0,16 0,5 10,91 400 250 600 390 380

Tableau 1-9 : Jeux de paramètres de BKW pour le TNT et le RDX ([1.162]). L’auteur y détermine les covolumes en Å3 (10-30 m3).

Toutefois, il existe d’autres étalonnages que ceux de Mader. Certains ont ainsi défini les constantes de telle sorte que l’approximation s’accorde avec des données différentes, ce qui a conduit aux désignations BKW-R ([1.164]), BKW-S ([1.165]), ou encore BKW-C ([1.166]).

La désignation BKW-C ([1.166]), par exemple, résulte d’un étalonnage faisant appel à un algorithme moderne d’optimisation pour déterminer les paramètres globaux et les covolumes qui interpolent au mieux les données expérimentales disponibles (Tableau 1-10).

Constante BKW-R BKW-G BKW-S BKW-C

α1 0,176 0,096 0,298 0,403

α2 0,5 0,5 0,5 0,5

α3 11,8 17,56 13,1 10,86

θ 1850 4950 6620 5441

Tableau 1-10 : Jeux de paramètres pour l’EOS BKW ([1.166]).

3.6.3 Equation Hell Of Mess (HOM)

L’équation d’état dite Hell Of Mess (HOM) a été développée et est largement utilisée depuis plusieurs décennies par le Los Alamos National Laboratory (LANL) ([1.162]) pour la description de la thermodynamique des produits de détonation et de celle des explosifs non réagis. Elle permet de calculer la pression p et la température T à partir de l’énergie interne (massique) e et du volume spécifique v.

Cette équation était utilisée par défaut dans le code EFAE pour la description des produits gazeux avant l’implémentation de l’équation d’état JWL, décrite à la section 3.6.4. L’équation d’état HOM sert à effectuer certains calculs dans la suite de ce rapport, notamment concernant l’étude paramétrique de la masse volumique (voir Chapitre 3 –

3.3.3).

Elle utilise une forme de Mie-Gruneisen pour décrire le matériau non réagi, et une forme BKW pour décrire les produits gazeux de réaction.

Pour la phase condensée non réagie, les équations sont les suivantes :

[1-48]

L’indice « H » se rapporte à l’Hugoniot. cvs est la capacité calorifique massique du matériau non réagi. pH est la pression de choc qui est déterminée à partir de l’Hugoniot

expérimentale. Elle repose sur une variation linéaire de la vitesse de choc D avec la vitesse matérielle u.

Cs et s, respectivement la vitesse du son et le coefficient hydrodynamique, sont des

coefficients constants.

En utilisant les bilans de masse et de quantité de mouvement de la phase solide, une dépendance est obtenue :

TH est la température de choc qui est déterminée par la technique de Walsh et

Christian ([1.167]) et s’écrit sous la forme d’un polynôme de degré 4 et de coefficients , , , et .

Pour les produits gazeux, les valeurs isentropiques de la pression, de la température et de l’énergie sont déduites de l’équation d’état BKW.

[1-49]

L’indice « is » se rapporte à l’isentrope. cvg est la capacité calorifique massique des produits gazeux. pis est la pression isentropique, qui peut s’exprimer en fonction du volume

spécifique des produits de détonation sous la forme d’un polynôme dont les coefficients sont calculés à l’aide d’un code thermodynamique.

Soient , et , des coefficients constants, les grandeurs isentropiques sont alors données par :

Aux équations pour la phase condensée et les produits de réaction s’ajoutent enfin les équations définissant le mélange de composants solides et gazeux :

[1-50a]

[1-50b]

[1-50c]

Où est la fraction massique d’explosif frais.

L’équation d’état HOM nécessite de nombreux coefficients. Mader ([1.162]) fournit des jeux de données pour quelques explosifs (Nitromethane, PETN, TNT, etc.). Dans les autres cas, l’usage d’un code de calcul thermodynamique est indispensable.

3.6.4 Equation Jones-Wilkins-Lee (JWL)

L’équation d’état Jones-Wilkins-Lee (JWL) ([1.168]) est largement utilisée dans les simulations hydro-réactives pour décrire la thermodynamique des produits de détonation et celle des explosifs non réagis. Il s’agit d’une équation d’état empirique souvent employée pour tous les problèmes à haute pression, notamment la détonation. L’équation JWL est parfois utilisée avec le modèle « Ignition_and_Growth_of_reaction_in_HE » développé par Lee et Tarver pour la modélisation de l’apparition et de la croissance des « points chauds » dans un explosif solide par suite d’un choc ([1.169]).

Cette équation a été implémentée dans le code EFAE en remplacement de l’équation d’état HOM pour assurer la continuité avec le logiciel hydrodynamique LS-DYNA (voir