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Chapitre 1 La mesure du temps

1.4 Moyens de comparaison d’horloges distantes

1.4.1 Les comparaisons par satellites

o Utilisation de satellites de navigation

La méthode la plus classique pour comparer des horloges distantes consiste à employer des satellites de navigation comme ceux du système GPS ou GLONASS. Cette méthode consiste à utiliser un signal radiodiffusé par les satellites qui contiennent des informations de temps et de position. Le signal est émis par le satellite et reçu par un récepteur développé et commercialisé spécifiquement pour cette application. Dans le cas de l'utilisation des satellites de navigation pour les comparaisons d'horloges distantes, le signal utilisateur est descendant. Le système de navigation, généralement GPS ou GLONASS, sont donc appelés des systèmes de transfert une voie bifréquence. Il existe actuellement deux techniques de comparaison d'horloges distantes utilisant des signaux de navigation : la méthode dite "vues communes" et la méthode "all-in-view" [38].

- Méthode vues communes

La méthode de vues communes proposées par Allan et Weiss dans les années 80 [39] dépend de la réception simultanée d'un même signal de navigation par plusieurs récepteurs (Figure 1.6). Les stations A et B mesurent respectivement les écarts de temps suivants :

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9I D E F J D E F GH) (1.16)

Où SVi(t) sont les satellites vus communément par la station A et la station B.

Les temps d'arrivée des signaux sont datés grâce à l'horloge de la station réceptrice. Les temps d'émission de ces signaux par les satellites sont datés dans l'échelle de temps de leur constellation. En faisant une simple différence des observations effectuées simultanément dans les stations A et B, le temps propre à chaque satellite est éliminé et il est ainsi possible d'obtenir la différence de lecture d'horloges (1.17) :

9C 9I D E F D E F J (1.17) SV GNSSi Station B SV GNSSk SV GNSSj Station A

Figure 1.6 : Transfert de temps par la méthode en vues communes [40]

- Méthode "All-in-view"

Pendant de nombreuses années, les comparaisons en vues communes étaient réalisées avec des récepteurs monofréquence monocanal (L1 Code C/A). Les laboratoires suivaient alors un programme de poursuite de satellites GPS établi par le BIPM pour différentes zones géographiques. Aujourd’hui, la plupart des récepteurs sont multifréquence multicanaux, ils observent donc tous les satellites GPS situés au dessus de l'horizon pour plusieurs fréquences. Cette technique est aujourd’hui utilisable parce que la différence entre le temps propre de chaque satellite et le temps de la constellation est bien connue grâce à l'IGS. Il est donc possible de calculer par moyenne directe :

9C D E F KL EEM (1.18)

9I D E F J KL EEM (1.19)

Ces observations fournissent des résultats proches de la technique des vues communes. Elle a tout de même un intérêt supplémentaire en permettant de comparer des stations très éloignées sans utiliser de stations intermédiaires. De plus, l’observation de plusieurs satellites simultanément permet de moyenner les résultats obtenus et donc de réduire le bruit associé.

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Avec le développement des récepteurs multicanaux est apparue l’émergence de nouvelles méthodes de traitement de données capables de réduire le niveau de bruit des acquisitions. La plupart des récepteurs actuels permettent de recevoir plusieurs fréquences (L1, L2 pour le GPS). Il est donc possible de s’affranchir de l’effet perturbateur de l’ionosphère en calculant la combinaison linéaire des codes P (GPS P3) des deux fréquences L1 et L2 [41] :

N3 P,P,P

,, N1 P,P,,P

,, N2 (1.20)

Les méthodes qui viennent d’être présentées utilisent uniquement des mesures de code qui fournissent une estimation bruitée mais non ambiguë de la différence d’horloges. Grâce à l'acquisition du code et de la phase de plusieurs satellites en visibilité, il est désormais possible de calculer la position d’une station de manière très précise en utilisant les éphémérides et les valeurs d'horloges précises générées par l’IGS. On obtient ainsi une estimation de l’horloge de la station par rapport au temps de référence utilisé pour la constellation. Cette technique est appelée "méthode PPP" (Precise Point Positioning) [42].

Il est également possible de réaliser des mesures uniquement à partir de la phase du signal qui seront beaucoup moins bruitées mais ambiguës. Cette ambiguïté peut être levée en calant les mesures de phase sur le code mais entraîne généralement des discontinuités entre deux arcs de mesures successifs. Des travaux ont récemment démontré qu'il était possible de lever totalement cette ambiguïté et d'obtenir ainsi des mesures sans sauts de phase [43].

o Utilisation des satellites de télécommunication

La méthode de transfert de temps "2 voies" (dite TWSTFT pour Two-Way Satellite Time and Frequency Transfer) compare des horloges distantes en utilisant un satellite de télécommunication géostationnaire comme relais micro-onde. Cette technique permet de comparer les horloges de stations distantes qui doivent fonctionner en duo. Les observations TWSTFT entre les deux laboratoires sont planifiées afin que leurs horloges soient comparées simultanément à l'aide du transpondeur satellitaire. Cette méthode, par rapport à la technique une voie, à l'avantage de réduire la plupart des sources d'erreurs systématiques comme les délais ionosphériques, troposphériques, la précision requise pour le mouvement du satellite ainsi que le retard des équipements sol. Les mesures effectuées sont corrigées de ces biais afin que la différence de temps entre les deux horloges soit donc calculée directement [44].

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Satellite de télécommunication

Utilisateur 2 Utilisateur 1

Figure 1.7 : Transfert de temps par la méthode TWTFST [40]

Cette méthode est devenue opérationnelle entre plusieurs laboratoires de temps américains (USNO, NIST), européens (PTB, OP, NPL, INRiM,…) et asiatiques (NICT, NMIJ, NTSC…) et permet d'effectuer des rattachements horaires de manière opérationnelle. L’inconvénient de cette technique est qu’elle est très coûteuse. En effet, l'utilisation d’un satellite de télécommunication nécessite la location du transpondeur auprès d'un opérateur.

o Utilisation d’un lien laser

Le système T2L2 (Transfert de Temps par Lien Laser) est une méthode optique reposant sur l’envoi d'impulsions laser véhiculant une information temporelle. Ce projet a été développé sous la maîtrise d’œuvre du CNES en partenariat avec l’OCA. Des stations sol émettent des impulsions laser de quelques dizaines de picosecondes en direction du satellite Jason 2 où se trouve l'instrument T2L2. Le signal émis est alors daté dans le temps local de la station. A bord du satellite, l’instrument, constitué d’un détecteur et d’un système de datation relié à l’horloge bord, enregistre la date d’arrivée des photons dans le temps bord. Le système de rétro-réflexion renvoie ensuite une partie des photons vers la station qui enregistre alors leur date de retour dans son temps local. Connaissant les dates de départ et de retour ainsi que la date d’arrivée à bord du satellite il est donc possible de calculer le décalage entre l’horloge du satellite et celle de la station au sol. A partir de plusieurs transferts de temps sol/espace élémentaires, un utilisateur peut comparer les horloges sol entre elles en utilisant l’horloge bord du satellite comme point pivot [45].

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Figure 1.8 : Transfert de temps par lien optique [46]

Une méthode basée sur le même principe, ELT (European Laser Timing) est actuellement en cours de développement dans le cadre de la mission ACES. Cet instrument doit être placé sur la Station Spatiale Internationale (ISS) en 2014. Le matériel bord sera constitué d'un rétro-réflecteur, d'un récepteur optique et d'un compteur d'événement connecté à l'échelle de temps ACES [47].

L’utilisation d’une porteuse optique modulée en impulsion, à la place de porteuses radiofréquences, permet de disposer d’une bande passante plus large tout en s’affranchissant d’un certain nombre d’effets liés à la propagation du signal tels les délais ionosphériques ou l’effet Doppler. Cependant, d’un point de vue opérationnel et performances, l'inconvénient majeur de cette technique, est sa forte dépendance aux conditions météorologiques.

o Utilisation du Lien Micro-onde de la mission ACES

La mission ACES, va permettre d’effectuer les premières mesures de transfert de temps en utilisant une méthode deux voies, trois fréquences, le Lien Micro-onde MWL (Micro-Wave Link) [48]. Cette mission vise à installer deux horloges ultra-stables à bord de la Station Spatiale Internationale dont l’une d’elles sera une horloge à atomes froids, PHARAO. Elle permettra de combiner d’excellentes performances de stabilité sur le long terme avec les caractéristiques à court terme d’un maser à hydrogène, le SHM (Space Hydrogen Maser).

Contrairement aux techniques faisant intervenir des satellites de navigation, cette méthode de comparaison utilise des signaux ascendants et descendants entre la station spatiale et les stations terrestres afin d’annuler l’effet Doppler du premier ordre ainsi que le délai troposphérique. Pour éviter des effets d’interférence, les signaux montants et descendants possèdent des fréquences différentes.

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Figure 1.9 : Transfert de temps avec la méthode MWL [48]