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Chapitre I : Assistance médicale à la procréation et risque de cardiopathies congénitales

1. Comparaison à la littérature publiée

Les études publiées sur les CC chez les enfants conçus par AMP sont généralement basées sur des données provenant de cohortes issues de centres pratiquant l'AMP, ou plus rarement de registres d'AMP en population ou de registres de malformations en population. Certaines ont décrit (ou comparé) la fréquence de survenue de CC après AMP [187, 198, 213, 241, 249, 251, 263, 268] ou évalué le risque de CC chez les enfants conçus par AMP en comparaison à une population de référence d'enfants non issus d'AMP [132, 180, 185, 188, 213, 239-241, 243-247, 249, 251, 253-256, 264].

Les résultats de ces études sont synthétisés dans le tableau 1 (pages 63 à 65).

Les limites méthodologiques relevées d'une manière générale dans ces études proviennent: de leur faible puissance (petits échantillons d'exposés ou de CC), de l'absence de groupe contrôle ou de l'utilisation d'un groupe contrôle inadéquat (p.ex. source de données externes), de la non-représentativité ou non-exhaustivité des données utilisées, de l'absence de prise en compte des facteurs de confusion potentiels ou prise en compte de manière inadéquate. Un biais potentiel dans l'estimation du risque vient de la définition des cas de CC qui sont inclus. Kurinczuk [247] a ainsi montré que des données qui semblaient

Ensemble des CC

Les études ayant décrit la fréquence de survenue de CC dans les cohortes d’enfants conçus après AMP sont généralement issues de centres spécialisés, plus rarement basées en population. Elles rapportent des fréquences de CC proches / légèrement supérieures à celle observée dans la population générale ou dans la population de comparaison. Klemetti [246] retrouvait une augmentation de la fréquence de CC chez les enfants nés après FIV ou ICSI comparés à des témoins issus de grossesses spontanées (1,5% vs. 1,08% p=0,042). Pour les études ayant évalué séparément les différentes méthodes d'AMP, la prévalence rapportée de l'ensemble des CC variait de 1,06% à 3,3% chez les enfants conçus par ICSI et de 1,49% à 2,3% chez les enfants conçus par FIV, ce qui est supérieur à la fréquence généralement observée en population [38, 80]. Olson [251] retrouvait une fréquence plus élevée de CC chez les enfants nés après FIV comparés à des enfants nés hors AMP (2,3% vs. 1,2%, p = 0,002), différence qui s’observait également chez les singletons étudiés seuls (2,5% vs 1,0% p = 0,003).

Des estimations assez variables sont rapportées pour l'ensemble des CC. Certaines études retrouvent des augmentations modestes non statistiquement significatives (RR=1,2 (0,7- 2,0) pour Bergh [180], RR=1,1 (0,9-1,4) pour Ericson [241]). D'autres auteurs ont rapporté des augmentations du risque de l'ensemble des CC proches de nos estimations. Anthony [239] rapporte un OR de 1,56 (IC95% 1,10-2,22) pour la FIV+ICSI. Davies [240] retrouve un OR=1,33 (1,08-1,63), mais la définition de l'AMP différait (inclusion de l'IA et du GIFT, non- inclusion des IO). Dans une étude prospective en population dont l’objectif était d’étudier les issues de grossesses et le taux global de malformations congénitales majeures après ICSI, Katalinic [185] retrouvait un RR de CC de 1,52 (IC95% 1,13-2,04) pour les enfants nés après

ICSI comparés à des enfants conçus spontanément.

Une étude Finlandaise en population [213], étudiant le devenir néonatal, le recours à l’hospitalisation et la prévalence des malformations congénitales dans une cohorte de 304 enfants nés après FIV ou ICSI, a observé une augmentation significative du risque de CC chez ces enfants comparés à des enfants conçus spontanément (OR = 4,0 IC95% 1,4-11,7); l’augmentation du risque, qui n’était plus observée après stratification sur la multiplicité, pourrait d’après les auteurs être en partie expliquée par certaines caractéristiques maternelles en particulier par son histoire reproductive.

Dans une méta-analyse du risque de malformations chez les enfants conçus par FIV ou ICSI vs. des enfants conçus spontanément, Wen [264] a retrouvé pour les CC (exactement malformations du système circulatoire) un RR poolé à 1,64 (IC95% 1,30-2,07) entre les 46 études incluses, qui demeurent hétérogènes dans leurs méthodologies et leurs résultats.

Dans l’étude de Hansen [244], une augmentation statistiquement significative du risque de l’ensemble des CC (ORa=1,54 IC95%1,03-2,30) et des CC sans anomalies chromosomiques (ORa=1,65 IC95%1,05-2,58) est observée chez les singletons nés par FIV ou ICSI comparés à des singletons issus de grossesses spontanées. Quand les méthodes d’AMP sont analysées séparément, seule l’ICSI est associée à une augmentation significative du risque de l’ensemble des CC (ORa= 2,04, IC95%1,09-3,83). Pour les jumeaux, une augmentation non statistiquement significative du risque de l’ensemble des CC (ORa=1,58 IC95% 0,64-3,90) est observée après AMP.

significative chez les singletons nés après FIV (OR ajusté = 1,23 IC95% 0,75-2,01) et ICSI (OR ajusté = 1,64 IC95% 0,73-3,68) comparés aux enfants conçus spontanément, mais les auteurs ne commentaient pas ces résultats.

Quand nos analyses étaient restreintes aux singletons, les OR tendaient à se rapprocher de 1,0 et les intervalles de confiance incluaient la valeur nulle, ce qui suggère le rôle possible de la multiplicité dans les associations observées. Cependant, le test d'interaction entre AMP et multiplicité n'était pas significatif, même si cela peut être dû à un défaut de puissance de notre étude pour détecter une telle interaction. L'hypothèse que la multiplicité soit sur le chemin causal entre AMP et CC est plausible, comme le notait Reefhuis [255]. Ce point particulier du rôle de la multiplicité dans le risque de CC chez les enfants conçus par AMP sera développé au Chapitre III. On peut cependant noter dès à présent que l'impact en termes de santé publique du risque de CC associé à l'AMP porte sur l'ensemble des grossesses (singletons et multiples).

Catégories de CC

Deux études cas-témoins récentes [255, 256], basées sur un échantillon large issu de plusieurs registres américains, ont évalué le risque d'une sélection de catégories de CC (et de CC spécifiques) associé à l'AMP (définie au sens restreint où il y a manipulation des gamètes/embryons) et au clomiphène utilisé seul comme IO. Les témoins étaient des enfants non malformés issus de la même population.

Une augmentation du risque de certaines catégories de CC (anomalies septales, CC de la voie d'éjection gauche) a été observée après induction de l'ovulation par clomiphène [256].

d’environ 30% du risque de l’ensemble des CC, de 40% pour les CC sans anomalies chromosomiques et de 50% du risque de CC sans anomalies chromosomiques excluant les CIV. Nous avons observé une augmentation statistiquement significative de 60% du risque de malformations des voies d’éjection et des connexions ventriculo-artérielles et une multiplication par 2,5 du risque d'anomalies des oreillettes et de communications inter- auriculaires chez les enfants conçus par IO seuls. Nous n’avons pas retrouvé d’augmentation du risque de CIV chez les enfants conçus par IO. Cependant, nos données ne permettent pas des analyses selon la molécule utilisée pour l’induction et l’absence d’association observée entre les IO et les CIV n’exclut pas une association plus spécifique pour le clomiphène.

Dans la deuxième étude [255], les auteurs retrouvaient, chez les singletons, une augmentation statistiquement significative du risque de CC septales (OR ajusté = 2,1 IC95% 1,1-4,0) et une augmentation non statistiquement significative du risque de CC «conotroncales» dans leur ensemble (OR ajusté = 1,4 IC 95% 0,6-3,2) associées à l'AMP (dans la définition donnée plus haut). Si l'on considère uniquement la variable FIV+ICSI, nos résultats (pour l'ensemble des grossesses, singletons et multiples confondus) retrouvaient également une augmentation du risque de malformations des voies d'éjection et des connexions ventriculo-artérielles (incluant les CC dites cono-troncales), de CIV et d'anomalies des oreillettes et CIA. Alors que pour les malformations des voies d'éjection et des connexions ventriculo-artérielles les estimations pour la FIV et l'ICSI considérées séparément étaient proches, ces estimations différaient pour les deux dernières catégories.

vaisseaux, syndrome d'hétérotaxie et connexions auriculo-ventriculaires discordantes; l'ICSI avec le risque de CC fonctionnellement univentriculaires ou de CC issues de la crête neurale et ventricule droit à double issue.

Comparaison des méthodes d'AMP entre elles

Quelques études ont comparé les méthodes d'AMP entre elles.

Tulandi [263] a ainsi observé une fréquence de CC plus importante après induction de l'ovulation par clomiphène comparé au létrozole (1,8 vs. 0,2% p=0,02); mais cette étude se base sur des effectifs de CC très faibles.

Bonduelle [198] n’a pas retrouvé de différence dans la fréquence de CC entre FIV et ICSI. Dans sa méta-analyse, Lie [249] retrouve une augmentation non significative du risque de malformation (toutes malformations confondues) chez les enfants nés après ICSI comparés aux enfants nés après FIV (OR = 1,12 IC95% 0,97-1,28), mais ne retrouve pas d’augmentation du risque de CC chez les enfants nés après ICSI comparés aux enfants nés après FIV (OR = 0,85 IC 95% 0,61-1,16). Cependant cette méta-analyse se base sur des études qui n’ont pas été conçues spécifiquement pour étudier le risque de CC après AMP et les effectifs de cas exposés restent modestes.

Dans la méta-analyse de Wen [264], le risque de CC n’apparaît pas différent entre ICSI et FIV (RR poolé = 0,95, IC95% 0,79-1,13).

Bien que non testée formellement sur le plan statistique, nos résultats retrouvent également une augmentation similaire du risque de l'ensemble des CC associé à la FIV ou à l'ICSI. Toutefois, si ce résultat est important d'un point de vue descriptif, les analyses pour les

catégories de CC, plus pertinentes en terme étiologique, mettent en évidence des variations selon la catégorie de CC et la méthode d'AMP.