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Comparaison générale et discussion

Chapitre II: Synthèses et caractérisations de nanocarbones fluorés

2 Effets de la dimensionnalité

2.8 Comparaison générale et discussion

Dans un premier temps, la Figure 91 présente les courbes de frottement des trois matrices fluorées par F2 à faible et fort taux de fluoration, d’une part à température ambiante, et d’autre part en température (160°C).

Dans le cas des tests effectués sur les matrices fluorées à faible taux de fluoration et à haute température, seule la courbe de frottement des NFCs fluorées CF0,4 est représentée, faute de résultats pour les autres matériaux, comme expliqué auparavant.

Figure 91 : Evolution des coefficients de frottement en fonction du nombre de cycles pour les NFCs, NDCs et NCGs fluorés par F2 à faible (a,c) et fort (b,d) taux de fluoration à température ambiante et 160°C

Cette figure permet ainsi de comparer les performances tribologiques des trois matrices fluorées par F2

entre elles, mais aussi par rapport aux conditions de test (température ambiante ou 160°C).

A température ambiante, les figures (a) et (b) mettent en évidence les meilleurs matériaux. A faible taux de fluoration, les NCGs CF0,2 se démarquent alors que dans le cas d’un taux de fluoration plus important, les NDCs CF0,82 présentent les performances les plus intéressantes. Les NFCs exposent leurs meilleures performances pour un taux de fluoration élevé (CF0,8). Les figures (c) et (d) permettent alors de comparer les courbes de frottement à 160°C. Cette comparaison est notamment possible ici pour des taux de fluoration élevés. Dans ces conditions, la Figure 91(d) indique clairement les meilleurs comportements sous frottement, à savoir pour les NFCs CF0,8 et pour les NCGs CF0,8 qui possèdent un coefficient de frottement µ égal à 0,030 ± 0,001. Il est intéressant de remarquer que les divers matériaux étudiés ne se comportent pas de la même façon selon qu’ils soient testés à température ambiante ou à haute température. De plus, il est également intéressant de noter que les NFCs CF0,4 (Figure 91(c)) présentent un coefficient de frottement très bas à 160°C (µ ≈ 0,015 ± 0,002), qui est de ce fait inférieur à celui des NFCs CF0,8 alors qu’elles présentaient à température

ambiante de bonnes propriétés tribologiques (µ ≈ 0,085 ± 0,002), mais pas les meilleures comparativement à celles des NDCs (µ ≈ 0,078 ± 0,002) et NCGs (µ ≈ 0,048 ± 0,002) fluorés.

Après s’être intéressés aux échantillons fluorés par F2, nous avons mené la même étude comparative avec ceux fluorés par TbF4 à température ambiante et 160°C. La Figure 92 présente les différentes courbes de frottement.

Figure 92 : Evolutions des coefficients de frottement en fonction du nombre de cycles pour les NFCs, NDCs et NCGs fluorés par TbF4 à faible (a,c) et fort (b,d) taux de fluoration, à température ambiante et 160°C

A température ambiante (Figure 92(a), (b)), les NCGs et les NDCs à faible comme à fort taux de fluoration présentent les coefficients de frottement les plus faibles. De plus, le comportement sous frottement de ces deux matrices est très similaire. En effet, les coefficients de friction mesurés pour chacun de ces matériaux sont identiques après stabilisation sur plusieurs centaines de cycles à taux de fluoration comparables. Les NFCs fluorées selon cette méthode de fluoration développent également des coefficients de frottement bas (inférieurs à 0,08) mais ils restent malgré tout légèrement plus élevés que ceux des NDCs et NCGs fluorés.

A 160°C, en tenant compte des résultats dont nous disposons notamment à faible taux de fluoration, les NDCs possèdent les meilleures propriétés de frottement (µ ≈0,060 ± 0,006). Ceci est également

valable à plus fort taux de fluoration (µ ≈ 0,024 ± 0,001). Les performances sont en outre améliorées avec des taux de fluoration plus importants (F/C = 0,8). Pour l’ensemble des trois matrices nanocarbonées fluorées, les coefficients de frottement sont abaissés lors de l’élévation de la température.

Après avoir étudié de façon isolée les deux méthodes de fluoration, la Figure 93 permet de comparer globalement l’ensemble des échantillons quel que soit le mode de fluoration utilisé, à température ambiante et à 160°C.

Figure 93 : Evolutions des coefficients de frottement en fonction du nombre de cycles pour les NFCs, NDCs et NCGs fluorés par F2 et TbF4 à faible (a,c) et fort (b,d) taux de fluoration à température ambiante (a,b) et 160°C (c,d)

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux courbes de frottement obtenues à température ambiante. Le code couleur utilisé pour les divers échantillons permet de remarquer instantanément les différences de comportement sous frottement selon que le taux de fluoration soit faible (Figure 93(a)) ou élevé (Figure 93(b)). A faible taux de fluoration, ce sont les NCGs fluorés par F2 (courbe bleue) qui présentent les coefficients de frottement les plus bas. En revanche, pour des taux de fluoration plus importants, les NDCs fluorés par F2 se démarquent (courbe rouge).

Aucune tendance générale n’apparait clairement suite à cette première analyse. Notre second niveau de discussion portera sur deux points principaux :

- La formation du tribofilm - Le clivage des plans carbonés

La présence d’atomes de carbone entre les plans de carbone dans une séquence FCCF/FCCF (type (C2F)n) ou FCF/FCF ((CF)n), favorise le glissement des plans les uns sur les autres. La fluoration par TbF4 favorise une répartition homogène des atomes de fluor dans le volume du nanocarbone. Cet effet sera important à faibles taux de fluoration où deux cas limites sont envisageables : i) les atomes de fluor se trouvent localisés sur les couches externes uniquement, le cœur carboné restant intact, et ii) le fluor est parfaitement distribué dans le volume sans gradient de concentrations. L’analyse physico-chimique tend à montrer que la fluoration directe conduit au premier cas, et la fluoration contrôlée, au second.

Comme cela a été montré avec les nanofibres fluorées, le frottement induit une rupture des fibres dans la zone de haute pression formant ainsi un film dense superficiel qui semble être éjecté du contact pour s’accumuler sur les bords de trace. Le carbone dans ce film est alors davantage désordonné comme l’atteste l’évolution du rapport ID/IG ; dans la trace après frottement, il s’établit à 2,0 ± 0,2 alors qu’il était initialement à 1,0 ± 0,3, et ceci pour des taux de fluoration supérieurs à CF0,15 [14].

La nature amorphe du tribofilm final ne semble dépendre ni du taux de fluoration, cas des nanofibres discuté auparavant, ni du facteur de forme. Pour illustrer cela, nous montrons les images MEB enregistrées au Groupe de Technologie des Surfaces et Interfaces (GTSI) de l’Université des Antilles et de la Guyane en Figure 94. Même si les essais réalisés au laboratoire présentent une pression locale plus élevée, l’aspect des tribofilms obtenus ressemblent très fortement à ceux du GTSI.

Figure 94 : Images MEB des traces de frottement avec les noirs de carbone fluorés (a), des nanofibres fluorées (b) et des nanodisques fluorés (c) (tous identiques à notre étude)

Lors de l’éclatement des nano-objets faiblement fluorés, dans le cas d’une fluoration superficielle, les plans carbonés non-fluorés formeront la surface externe de la particule et vont intervenir dans le frottement avec leur coefficient de frottement intrinsèquement supérieur. Au contraire, si les atomes de fluor sont bien répartis, les zones apparentes seront toujours fluorées. Ainsi, les coefficients de friction des nanocarbones fluorés par TbF4 sont toujours inférieurs à ceux du même objet fluoré par F2 (Figure 93(a)). Ceci est valide pour les NFCs et NDCs, mais pas pour les NCGs ; l’écart est néanmoins faible dans ce dernier cas entre les produits synthétisés selon les deux méthodes, voire nul entre 200 et 600 cycles (Figure 93(a)). Cette contradiction apparente suggère qu’un autre mécanisme est susceptible d’intervenir, impliquant la forme des nano-objets. Des sphères agglomérées de 40-50 nm de diamètre, des disques superposés de 1,5 microns de diamètre et 35 nm d’épaisseur, et des tubes enchevêtrés de 2 à 20 microns de longueur et 150 nm de diamètre (toutes les valeurs sont moyennes) ne vont pas se compacter de la même manière pour former le tribofilm. La densification demanderait un minimum de réarrangements pour les sphères (NCGs) et les disques (NDCs) empilés à plat (Figure 94(c) dans la zone non frottée), d’autant que ceux-ci présentent une facilité initiale au clivage de par leur synthèse et l’inhomogénéité qui en résulte entre le(s) disque(s) central (aux) et le reste du volume. Le cas le moins favorable serait l’enchevêtrement des fibres. Selon cette hypothèse basée sur la forme, le classement par coefficient de frottement croissant devrait s’établir de la façon suivante NCGs < NDCs < NFCs. Il est vérifié expérimentalement selon la Figure 93(a).

L’effet de la répartition du fluor tend à s’atténuer lorsque la quantité de fluor augmente.

En outre, tous les défauts morphologiques de nature à favoriser la rupture, faciliteront la formation du tribofilm et le frottement ; nous raisonnons à taux de fluoration similaire, à nature de liaison C-F équivalente (covalente) et à structure identique. Or, contrairement à la fluoration contrôlée, la méthode directe par F2 génère des gonflements irréguliers sur les disques (Figure 80(a)), des ouvertures des sphères (Figure 85) ou ouverture le long de l’axe des nanofibres. Tous ces défauts peuvent participer à abaisser le coefficient de frottement et le composé fluoré par F2 est systématiquement meilleur que celui obtenu par TbF4 (Figure 93(b)). Cet effet est plus marqué au début du cyclage pour les fibres et les noirs de carbone et l’écart tend à s’atténuer lorsque le nombre de cycle augmente. Il faut également noter que, contrairement aux bas taux de fluoration, les variations des coefficients de frottement sont plus marquées en début de cyclage pour ces deux matériaux hautement fluorés, la présence de défauts morphologiques peut en être la cause.

Il n’y a pas d’effet basique de la dimensionnalité, l’ordre des matériaux 0D, 1D et 2D s’inverse avec le taux de fluoration. La dimensionnalité influe indirectement sur la présence de défauts et la densification du film. Par contre, les nanodisques bidimensionnels avec un taux de fluoration élevé se distinguent par des coefficients de frottement extrêmement bas. Ceci pourrait être dû à la conjonction

de plusieurs effets, l’empilement à plat, la présence de défauts morphologiques et l’inhomogénéité cœur-couches externes.

En s’intéressant maintenant aux courbes de frottement obtenues à haute température, les observations faites ne sont pas similaires. En effet, à faible taux de fluoration, les NFCs fluorées par F2 possèdent les meilleures propriétés de frottement (courbe noire, Figure 93 (c)) alors qu’à taux de fluoration plus élevé, les NDCs fluorés par TbF4 sont les plus performants.

L’augmentation de la température de frottement oblige à considérer la stabilité thermique des différents nanolubrifiants. Ainsi, les coefficients de frottement stabilisés sont tracés sur la Figure 95 en fonction des paramètres pertinents que sont T10 et TC-F (pour mémoire, respectivement la température de perte de masse à 10% et celle de décomposition de la liaison C-F).

Figure 95 : Coefficients de frottement stabilisés à 160°C en fonction des paramètres TC-F (a) et T10 (b) des différents nanolubrifiants fluorés par F2 (noir) et par TbF4 (rouge)

A l’exception des NCGs et NDCs fluorés par TbF4 (CF0,8), une assez bonne corrélation est obtenue entre ces paramètres, semblant montrer que sous frottement les carbones fluorés les moins stables (présentant les T10 et TC-F les plus basses) conduisent aux coefficients de frottement les plus bas. De plus, cet effet est facilement observable lorsque le taux de fluoration est important puisque le nombre de films résistants à chaud est plus important. L’origine de ces observations reste à être démontrée, mais la pression de contact associée à une température élevée peut entrainer une défluoration partielle de la matrice fluorocarbonée, facilitant la formation du tribofilm ; les liaisons pendantes formées lors de la rupture de la liaison C-F peuvent se recombiner pour former une liaison C-C et reconstruire la matrice carbonée en la densifiant. Le fluor libéré peut aussi réagir sur l’acier en contact et modifier sa contribution au frottement.

Cette discussion, mettant en avant le bénéfice de monter en température, concerne les coefficients de friction ; elle est à nuancer, car le cyclage est nettement moins long en température.