7.5 Résultats de nos méthodes de détection et de classification de singularités
7.5.1 Comparaison entre la détection à partir de notre estimateur et à partir
Dans cette section, nous comparons l’estimateur de LEVENBERG-MARQUARDT proposé
7.5. Résultats de nos méthodes de détection et de classification de singularités 141
bivariable. Pour comparer ces deux estimateurs, nous avons programmé la méthode de RAOet
JAIN[Rao 92a] en utilisant la fonction leasqr du logiciel octave [Eaton 02].
La méthode de RAO et JAIN n’utilise que l’orientation des vecteurs. Afin de nous placer
dans les mêmes conditions, nous normalisons les champs de déplacements en divisant chaque composante d’un vecteur par la norme de ce dernier. Pour notre méthode, le champ normalisé est projeté sur la base de polynômes. Cependant, nous rappelons qu’habituellement, aucune normalisation n’est effectuée avant projection. Nous calculons ensuite l’estimation affine du
modèle (A et b) par la méthode de LEVENBERG-MARQUARDT. RAO et JAIN proposent de
déterminer la matrice A par minimisation de S, définie à partir des équations (7.62) et (7.63)
S =
x∈W
A(x)avec (7.62)
A(x) = 12R(x) ˜R(x)| sin(Θ(x) − ˜Θ(x)) | (7.63) où W est la fenêtre d’estimation du modèle, R et Θ sont l’amplitude et l’orientation des vecteurs
du champ et ˜R et ˜Θ leur approximation. Afin de parvenir à l’estimation du modèle affine, ils
proposent d’utiliser une méthode de minimisation au sens des moindres carrés non-linéaires
avec le schéma de LEVENBERG-MARQUARDT. Ils réalisent deux minimisations correspondant
à deux initialisations différentes des paramètres de la matrice A. La première minimisation est initialisée avec A = (1, 1, 0, 0). Elle permet d’obtenir le champ de déplacements W 1 après con- vergence. La deuxième initialisation est effectuée avec A = (0, 1, 1, 0). Elle permet d’obtenir le second champ W 2. Le champ de déplacements entre W 1 et W 2 qui minimise la déviation angulaire est retenu comme solution.
Sur la figure FIG 7.4, nous illustrons en FIG 7.4(b), FIG 7.4(c) et FIG 7.4(d), plusieurs
estimations du mouvement affine présenté en FIG7.4(a). Le modèle est d’abord estimé en FIG
7.4(b) par la méthode de projection sur une base polynomiale. Ensuite, sur les figures FIG
7.4(c) et FIG 7.4(d), nous présentons les résultats obtenus avec l’estimateur de LEVENBERG-
MARQUARDT respectivement pour le champ W 1 et W 2. Dans ce cas, la première estimation
est rejetée et la seconde est conservée, puisque l’erreur angulaire obtenue sur le champ W 2 est inférieure à celle de W 1. On peut noter que l’orientation des vecteurs présentés sur le champ
de la figure FIG 7.4(d) est inversée par rapport au champ d’origine. En effet, nous rappelons
qu’avec la fonctionnelle choisie par RAOet JAIN, seule l’orientation du champ intervient et non
le sens.
Bien que cela soit rare, il peut arriver qu’aucune des deux approximations fournies par la
méthode de LEVENBERG-MARQUARDT ne converge vers la bonne solution. Nous présentons
sur la figure FIG 7.5 un exemple où ni W 1 (cf. FIG 7.5(c)), ni W 2 (cf. FIG 7.5(d)) ne corre-
spondent au modèle du champ affine original (cf. FIG7.5(a)). Nous présentons aussi en figure
FIG7.5(b), le modèle obtenu par projection sur la base de polynômes. On peut constater que ce
dernier modèle est une bonne approximation du champ original. Il permet une bonne localisa- tion de la singularité.
Sur la figure FIG 7.6, nous illustrons la résistance au bruit Gaussien de la méthode de pro-
jection. Nous présentons, dans un premier temps, le champ de déplacements affine original
sur la figure FIG7.6(a). Ensuite, ce champ est normalisé, nous le présentons sur la figure FIG
7.6(b). Nous ajoutons un bruit Gaussien centré sur 0 et d’écart type σ = 1 puis le champ est à
nouveau normalisé. On obtient alors le champ présenté sur la figure FIG 7.6(c). Le résultat du
modèle obtenu par projection est représenté sur la figure FIG7.6(d). Les résultats d’approxima-
142 CHAP 7 - DÉTECTION ET CLASSIFICATION DES POINTS SINGULIERS
(a) (b)
(c) (d)
FIGURE 7.4 – Illustration des deux résultats W 1 et W 2 obtenus par l’estimateur de
LEVENBERG-MARQUARDT; (a) Champ de vecteur affine normalisé ; (b) Champ correspon-
dant au modèle obtenu par projection du champ (a) sur une base de polynômes bivari- ables ; (c) Champ W 1 correspondant à la première estimation du champ (a) par le modèle de LEVENBERG-MARQUARDT(rejeté) ; (d) Champ W 2 correspondant à la seconde estimation du
champ (a) par le modèle de LEVENBERG-MARQUARDT(conservé) ;
et FIG7.6(f). On constate que le modèle obtenu par projection est bien plus proche du champ
original normalisé de la figure FIG7.6(b) que ceux obtenus avec l’estimateur de LEVENBERG-
MARQUARDT. Du point de vue topologique, la meilleure solution proposée par la méthode de
LEVENBERG-MARQUARDT est le champ FIG 7.6(f). En effet, celle-ci fait apparaître une sin-
gularité de même nature que dans le champ original. Cependant, l’algorithme de RAOet JAIN
retient le champ FIG7.6(e) comme solution puisque ce dernier minimise l’erreur angulaire. On
peut donc supposer que notre méthode fournit une meilleure estimation du modèle affine que la
méthode de RAOet JAIN.
Nous comparons maintenant statistiquement notre estimateur de mouvement affine à celui
de RAO et JAIN [Rao 92a] dans un contexte de détection de singularité. De plus, nous com-
parons ces deux méthodes de détection à une autre fondée sur l’indice de Poincaré. Pour cela,
nous avons calculé 10000 champs de déplacements affines synthétiques de résolution 16× 16
vecteurs. Sur chaque champ, nous appliquons les deux estimateurs. À partir des deux mod- èles obtenus, nous effectuons une détection de singularité dans le champ. Afin d’avoir un plus grand nombre de références sur la détection, nous ajoutons à notre étude, une autre méthode de détection ne s’appuyant pas sur un modèle affine, l’indice de Poincaré [Ford 94]. Les champs étant par construction des champs affines de degré 1, il y a au maximum une seule singularité
7.5. Résultats de nos méthodes de détection et de classification de singularités 143
(a) (b)
(c) (d)
FIGURE 7.5 – Illustration d’un cas où la méthode de LEVENBERG-MARQUARDT ne fournit
une bonne approximation ni pour W 1, ni pour W 2 ; (a) Champ de vecteur affine normalisé ; (b) Champ correspondant au modèle obtenu par projection du champ (a) sur une base de polynômes bivariables ; (c) Champ W 1 correspondant à la première estimation du champ (a) par le modèle de LEVENBERG-MARQUARDT(rejeté) ; (d) Champ W 2 correspondant à la seconde estimation
du champ (a) par le modèle de LEVENBERG-MARQUARDT(conservé) ;
par champ. Chacune des méthodes de détection est alors appliquée de manière globale sur les champs. Les résultats sont présentés dans le tableau TAB 7.3. Pour ces tests, lorsqu’une singu- larité est détectée à l’intérieur du domaine du champ, nous considérons qu’elle est bien détectée quelque soit la position exacte.
On constate que les deux méthodes s’appuyant sur une estimation du mouvement affine fournissent une meilleure détection que l’indice de Poincaré sur les champs affines. Cependant, la méthode par projection semble fournir plus de faux positifs que la méthode proposée par
RAOet JAIN. En revanche, la somme des faux positifs et des faux négatifs des deux méthodes
rend la méthode par projection sur une base polynomiale meilleure. Les faux positifs obtenus par notre méthode sont dûs à la normalisation du champ. En effet, nous avons normalisé le
champ avant projection afin de se comparer avec la méthode de RAOet JAIN. Pour l’estimation
par projection, il est préférable que le champ ne soit pas normalisé. Nous avons donc renouvelé l’expérience en fournissant à notre méthode un champ non normalisé. Les résultats sont présen- tés dans le tableau TAB 7.4. On constate alors que les résultats de la méthode de projection deviennent meilleurs. Il n’y a plus ni de faux positifs, ni de faux négatifs. En effet, nous avions vu au chapitre 3 qu’il est possible d’approximer sans erreur tout champ affine avec une base
144 CHAP 7 - DÉTECTION ET CLASSIFICATION DES POINTS SINGULIERS
(a) (b)
(c) (d)
(e) (f)
FIGURE 7.6 – Illustration de la résistance au bruit Gaussien de la méthode de projection ; (a) Champ de vecteur affine (non normalisé) ; (b) Champ de vecteur affine normalisé ; (c) Champ de vecteur affine bruité avec un bruit Gaussien centré sur 0 et d’écart type σ = 1 puis centré ; (d) Modèle obtenu par projection du champ (c) sur une base de polynômes bivariables ; (e)
Première estimation du champ (c) par le modèle de LEVENBERG-MARQUARDT(W 1) (solution
retenue par RAOet JAIN) ; (f) Seconde estimation du champ (c) par le modèle de LEVENBERG-
7.5. Résultats de nos méthodes de détection et de classification de singularités 145
Levenberg Projection Indice de
Poincaré Il y a une singularité dans le champ de
déplacements et elle est bien détectée par la méthode
2931 2420 1917
Il y a une singularité dans le champ de dé- placements et elle n’est pas détectée par la méthode
479 990 1493
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements mais la méthode en dé-
tecte une
634 0 229
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements et la méthode n’en dé-
tecte pas
5956 6590 6361
TABLEAU7.3 – Résultats quantitatifs de détection de singularités dans des champs de vecteurs
normalisés par trois méthodes. La première colonne donne les résultats de détection obtenus à
partir de l’estimateur de LEVENBERG-MARQUARDT; la deuxième colonne donne les résultats
obtenus à partir de notre estimateur, par projection sur la base polynomiale (les champs sont normalisés) ; la troisième colonne donne les résultats obtenus par l’indice de Poincaré
de degré 1. Il est donc souhaitable lorsque cela est possible de ne pas réaliser de normalisation avant la projection sur la base polynomiale.
Levenberg Projection Indice de
Poincaré Il y a une singularité dans le champ de
déplacements et elle est bien détectée par la méthode
2824 3251 1749
Il y a une singularité dans le champ de dé- placements et elle n’est pas détectée par la méthode
427 0 1502
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements mais la méthode en dé-
tecte une
609 0 193
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements et la méthode n’en dé-
tecte pas
6140 6749 6556
TABLEAU 7.4 – Résultats quantitatifs de détection de singularités dans un champ de vecteurs affine non normalisé par trois méthodes. La première colonne donne les résultats de détection
obtenus à partir de l’estimateur de LEVENBERG-MARQUARDT; la deuxième colonne donne
les résultats obtenus à partir de notre estimateur, par projection sur la base polynomiale (les champs ne sont pas normalisés) ; la troisième colonne donne les résultats obtenus par l’indice de Poincaré
146 CHAP 7 - DÉTECTION ET CLASSIFICATION DES POINTS SINGULIERS
Levenberg Projection Indice de
Poincaré Il y a une singularité dans le champ de
déplacements et elle est bien détectée par la méthode
2124 2702 1845
Il y a une singularité dans le champ de dé- placements et elle n’est pas détectée par la méthode
1238 660 1517
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements mais la méthode en dé-
tecte une
2480 204 3294
Il n’y a pas de singularité dans le champ de déplacements et la méthode n’en dé-
tecte pas
4158 6434 3344
TABLEAU 7.5 – Résultats statistiques de détection de singularités par trois méthodes sur des
champs bruités. La première colonne donne les résultats de détection obtenus à partir de l’es-
timateur de LEVENBERG-MARQUARDT; la deuxième colonne donne les résultats obtenus à
partir de notre estimateur, par projection sur la base polynomiale (les champs ne sont pas nor- malisés) ; la troisième colonne donne les résultats obtenus par l’indice de Poincaré
Nous reproduisons cette expérience avec des champs bruités. Nous utilisons 10000 nou- veaux champs affines aléatoires. Nous ajoutons à chaque champ un bruit Gaussien de moyenne nulle et d’écart type σ = 0.1. Chaque champ est ensuite normalisé. Bien que nous ayons vu que cela n’était pas favorable à la méthode de projection, nous continuons à le faire afin de se placer dans les mêmes conditions pour toutes les méthodes. On constate que notre estimateur permet d’obtenir les meilleurs résultats de détection. Notre estimateur a donc une meilleure résistance au bruit Gaussien que les deux autres.
Notre estimateur permet d’obtenir des résultats comparables dans le pire des cas et meilleurs en général. De plus, en présence de bruit Gaussien, notre estimateur est beaucoup plus robuste que les deux autres méthodes auxquelles nous l’avons comparé. L’ensemble de ces tests permet de valider le choix de notre estimateur.