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Comparaison aux études précédentes et à la population générale

II. LES MÉDECINS, DES PATIENTS PAS COMME LES

1. Comparaison aux études précédentes et à la population générale

1.1Dépistage en fonction de l’âge

La maternité est un moment clé dans la vie d’une femme. Dans la majorité des cas, celle-ci

bénéficie d’un FCU au cours de son suivi de grossesse. C’est sans doute une des raisons pour

laquelle les jeunes femmes ont un taux de dépistage plus élevé que leurs ainées.

Cette notion est retrouvée dans la population de notre étude : 96% des femmes médecins dont

le dernier enfant est âgé de 0 à 3 ans se sont fait dépister dans les 3 dernières années.

En France, la ménopause intervient en moyenne à l’âge de 51 ans. Ce phénomène peut se

produire naturellement entre 40 et 55 ans selon les femmes.

Les femmes ménopausées ont tendance à ne plus se faire suivre d’un point de vue

gynécologique, notamment due à l’absence de contraception à renouveler.

Dans notre étude, nous pouvons remarquer que les femmes âgées de plus de 45 ans continuent

majoritairement à se faire dépister par FCU (66,7% d’entre elles ont réalisé un frottis dans les

3 dernières années).

Ces données sont similaires à celles retrouvées par Gallice [48] dans son recueil de données

entre 2003 et 2008, qui retrouve que le taux de femmes médecins généralistes ayant fait

réaliser leur FCU il y a moins de 3 ans diminuait avec l’âge.

63  

Tous âges confondus, ce taux était situé entre 78% et 88,6%.

Dans la thèse de Gillard L. [57] sur la santé des médecins généralistes franciliens en 2005, le

taux de dépistage des cancers du col de l’utérus était de 78%. Dans notre étude, il est de

81,1%.

Nous pouvons donc remarquer que 10 à 15 ans plus tard, il n’y a pas de différence

significative en terme de taux de dépistage tous âges confondus (p > 0,05).

Selon l’INCa, cette décroissance du taux de dépistage en fonction de l’âge est également

retrouvée dans la population générale.

En effet, le taux de dépistage passe de 65% chez les 25-34 ans à 47,2% chez les 60-65 ans,

avec une moyenne de 61,2% pour l’ensemble des femmes de la population cible sur la période

2010-2014. [58]

Fig 13 : Participation des femmes au dépistage par frottis cervico-utérin selon leur tranche d’âge [58]

Nous pouvons constater que le taux de dépistage, tous âges confondus, des femmes médecins

de notre étude est plus élevéque les femmes de la population générale.

Il est reconnu par ailleurs que le fait d’appartenir à une catégorie socio-professionnelle élevée

favorise une meilleure prise en charge de sa santé en général.

1.2Suivi gynécologique des femmes de la population générale et des femmes médecins

En France, les femmes confient majoritairement leur suivi gynécologique à un gynécologue.

Elles peuvent également être suivies par un médecin généraliste qui pratique lui-même des

frottis ou qui adresse la patiente à un laboratoire d’analyses pour réaliser ce geste sur

prescription médicale.

Depuis la loi HPST du 21 juillet 2009, les sages-femmes sont autorisées à pratiquer les

examens de prévention comme le dépistage par FCU chez les femmes en bonne santé. En

effet, d’après l’article L.4151-1 du Code de la Santé Publique : « l'exercice de la profession de

sage-femme peut comporter la réalisation de consultations de contraception et de suivi

gynécologique de prévention, sous réserve que la sage-femme adresse la femme à un médecin

en cas de situation pathologique ». [59]

Le recours à une sage-femme pour le suivi gynécologique est encore assez peu connu des

femmes, en particulier chez les nullipares et celles ayant accouché avant l’entrée en vigueur

de la loi de 2009.

Selon l’Ordre des Sages-Femmes, les actes relatifs au suivi gynécologique (frottis

notamment) ont été réalisés à 2,9% par des sages-femmes en 2016, ce qui équivaut à une

hausse de 52% par rapport à 2015. Cette nouvelle compétence accordée aux sages-femmes

pourrait pallier à la pénurie de gynécologues médicaux et médecins généralistes pour réaliser

les actes de prévention chez la femme.

Dans notre étude, les femmes médecins sont en grande majorité (83,6%) suivies par un

gynécologue en ce qui concerne leur dépistage du cancer du col de l’utérus, et seulement 9%

65  

par un médecin généraliste. Elles ne sont que 3,9% à avoir fait réaliser leur frottis en

laboratoire d’analyses médicales et seulement 3,4% par une sage-femme.

Toutes les femmes médecins de notre étude se faisant suivre par une sage-femme sont âgées

de 25 à 35 ans, et ont au moins un enfant de moins de 3 ans sauf une qui n’a pas d’enfant.

Elles ont toutes fait réaliser leur frottis dans les 2 dernières années, probablement au cours de

leur suivi de grossesse.

Parmi les 7 femmes ayant réalisé leur FCU dans un laboratoire, 4 ont déclaré ne pas être

suivies sur le plan gynécologique, laissant penser qu’elles se sont prescrit elles-mêmes leur

frottis.

Ces chiffres sont comparables à ceux retrouvés dans l’étude de Nouger F. [52] en 2004.

En effet, il y a 14 ans, dans sa thèse sur la santé des médecins généralistes libéraux installées

dans la Vienne, 74,7% d’entre elles avaient fait réaliser leur frottis par un gynécologue, 13,9%

par un médecin généraliste et 3,8% dans un laboratoire d’analyses (7,6% de valeur

manquante). A cette époque, les sages-femmes n’avaient pas encore la possibilité d’effectuer

ce geste.

Les femmes médecins généralistes confient donc très majoritairement leur suivi

gynécologique à un « spécialiste » en gynécologie.

Plusieurs hypothèses pourraient être mises en avant pour expliquer le choix de ce suivi :

- la non connaissance de la possibilité d’un suivi par une sage-femme

- l’appréhension de devoir se dénuder devant un confrère généraliste

- l’absence de déclaration d’un médecin traitant

- la préférence d’être suivie par un praticien spécialisé, plutôt qu’un médecin généraliste

ou une sage-femme, considérés comme moins qualifiés qu’un gynécologue, notamment

pour la suite de la prise en charge en cas de pathologie (gain de temps en cas de frottis

anormal)

Pourtant, le nombre de gynécologues médicaux est en chute constante (moins 41,6% en 10

ans) et il est de plus en plus difficile pour les femmes d’obtenir un suivi régulier, notamment

lorsque le praticien part en retraite et qu’il n’est pas remplacé, comme c’est le cas pour 2

médecins de notre étude.

En effet, selon le Comité de Défense de la Gynécologie Médicale (CDGM) [60], les

gynécologues médicaux seraient seulement 1136 à exercer actuellement en France, dont la

moitié aurait plus de 60 ans. On estime qu’en 2025, ils ne seraient plus que 531 pour 28

millions de femmes âgées de plus de 16 ans, alors que pour avoir une offre de santé

satisfaisante, il en faudrait environ 3000. Six départements n’en comptent même plus aucun.

Cette pénurie est due à la suppression du C.E.S (Certificat d’Etudes Spécialisées) de

gynécologie médicale du cursus universitaire suite à la réforme de l’internat en 1984 [62] afin

de s’aligner sur les formations dispensées dans le reste de l’Europe. En effet, avant cette date,

la France était le seul pays européen à proposer aux étudiants en médecine cette spécialité née

en 1963.

La réouverture de cette discipline a eu lieu en 2003 avec la création d’un D.E.S (Diplôme

d’Etudes Spécialisées) grâce à la mobilisation des praticiens et de plus d’1,5 million de

femmes françaises ayant signé une pétition nationale réclamant la restauration de la

gynécologie médicale.

Le rôle principal de la gynécologie médicale est la prise en charge de tous les problèmes

gynécologiques médicaux de la femme tout au long de sa vie, notamment la contraception, la

prévention, le dépistage des IST et des cancers (génitaux et mammaires), les traitements

hormonaux, la stérilité etc.

Parmi les gynécologues médicaux en cours d’exercice, 90% sont des femmes, ce qui peut

faciliter la prise en charge des patientes pudiques, réticentes à être examinées par un homme

ou à la recherche d’une écoute féminine.

Actuellement, une soixantaine d’internes sont formés chaque année à cette spécialité, bien

différente de celle de gynécologie-obstétrique qui est plus tournée vers la technique

(chirurgie, suivi de grossesse, accouchements…), mais cela n’est pas encore suffisant pour

combler les départs à la retraite prévus dans les prochaines années.

1.3Dépistage en fonction de la déclaration d’un médecin traitant

Dans notre étude, 84,2% des femmes médecins ayant un médecin traitant déclaré autre

qu’elles-mêmes se sont fait dépister par FCU dans les 3 dernières années. Celles n’ayant pas

de médecin traitant déclaré étaient 77,8% dans ce cas.

La déclaration d’un médecin traitant n’est donc pas un critère qui augmente de manière

significative le dépistage chez les femmes médecins (p > 0,05).

67  

L’absence de médecin déclaré atteint 65% chez les femmes médecins installées versus 30,5%

pour les médecins remplaçantes.

Cette différence peut s’expliquer par le fait que les médecins remplaçantes ne peuvent pas être

déclarées comme « médecin traitant ». De ce fait, elles sont amenées à devoir choisir un

médecin autre qu’elles-mêmes (souvent le même praticien qui les a suivies avant qu’elles ne

soient elles-mêmes médecins). Mais le fait d’avoir un médecin traitant déclaré ne veut pas

forcément dire qu’elles le consultent lorsqu’elles rencontrent un problème de santé. En effet,

la facilité d’accès aux diagnostics et aux traitements sur prescription personnelle amène

souvent à l’automédication.

Dans notre étude, 62,5% de celles ayant un médecin traitant ont choisi un médecin avec

lequel elles n’ont pas de lien particulier. Concernant spécifiquement le dépistage du cancer du

col de l’utérus, qui exige un minimum de nudité de la patiente, on peut imaginer que les

femmes seraient moins réticentes à consulter un médecin qui ne soit ni un proche ni un

collègue pour réaliser leur FCU.

D’ailleurs, parmi les 16 femmes dont le dernier frottis a été réalisé par un médecin

généraliste, 12 d’entre elles ont déclaré avoir un médecin traitant autre qu’elles-mêmes, dont

7 sont un médecin avec lequel elles n’ont aucun lien particulier, 3 sont un collègue avec qui

elles exercent et 2 sont un proche. L’étude ne dit pas si le médecin généraliste qui a pratiqué

le frottis est le médecin traitant déclaré. A noter que n’importe quel médecin inscrit à l’Ordre

(médecin généraliste ou autre spécialiste) peut être déclaré comme médecin traitant, ce qui

n’est pas non plus précisé dans notre étude.

Nous observons toutefois une évolution favorable au cours des années, notamment après 2006

où une réforme de la santé a instauré la déclaration d’un médecin traitant pour tous les assurés

sociaux de plus de 16 ans. En effet, dans la thèse de Gillard [57], les médecins n’étaient que

10% à avoir déclaré un médecin traitant en 2006, et 57% de ceux n’en ayant pas ne

souhaitaient pas avoir un médecin référent.

Les chiffres de notre étude restent malgré tout bien inférieurs à ceux de la population

générale. Selon l’Assurance Maladie, en 2015, 92% des assurés sociaux ont déclaré un

médecin traitant, dont 98,8% des patients en ALD, 98,6% des patients de plus de 60 ans et

87,2% des patients en CMUc. Sur l’ensemble de ces patients, un médecin généraliste a été

choisi dans 92,7% des cas comme médecin traitant [62]. Mais le taux élevé de déclaration d’un

médecin traitant dans la population générale est majoritairement lié à la contrainte financière

que représenterait l’absence de médecin traitant. En effet, ne pas avoir de médecin traitant

déclaré signifie être moins bien remboursé par la sécurité sociale, et les demandes d’ALD ne

sont accordées que pour 6 mois (versus 2 à 5 ans pour l’exonération initiale des patients ayant

un médecin traitant).

Compte tenu des ressources moyennes des médecins étudiés, le fait d’être moins bien

remboursé en cas de soins n’est pas un obstacle pour eux.

Mais l’absence de médecin traitant référent fait perdre au médecin-patient les bénéfices d’un

examen clinique objectif ainsi qu’un rappel des examens de prévention, de dépistage, des

vaccinations etc. en fonction du sexe et de l’âge.

1.4Dépistage en fonction du département d’exercice

Dans notre étude, nous n’observons pas de différence statistiquement significative du taux de

dépistage entre les médecins installées quels que soient les départements d’Ile-de-France.

Par contre, les médecins remplaçantes se font significativement plus dépister à Paris qu’en

Seine-Saint-Denis, département francilien où elles sont le plus nombreuses à n’avoir jamais

eu de dépistage par FCU.

Dans la population générale, il existe de grandes inégalités de répartition du dépistage du

cancer du col de l’utérus entre les départements français. La Seine-Saint-Denis fait partie des

départements ayant un taux de couverture inférieur à 50%.

Le taux de couverture du dépistage varie selon plusieurs critères : les caractéristiques

migratoires des femmes, leur statut socio-économique, la zone géographique et leur suivi

gynécologique.

Selon une étude réalisée en 2010 dans l’agglomération parisienne, 91,2% des femmes

interrogées ont déclaré avoir déjà eu un FCU au moins une fois dans leur vie. La proportion

des femmes n’en ayant jamais bénéficié était significativement plus élevée chez les étrangères

(21,1%) et les françaises nées d’au moins un parent étranger (11,8%) que chez les françaises

nées de parents français (5,7%). [63]

Les femmes immigrées ou issues de l’immigration avaient donc au moins 2 fois plus de

risques de ne jamais avoir eu recours au dépistage du cancer du col de l’utérus que les

femmes françaises nées de parents français.

69  

La principale raison de l’absence de dépistage invoquée par ces femmes était le manque

d’informations. En effet, les femmes qui n’avaient pas de suivi gynécologique

méconnaissaient le frottis et son lien avec la recherche d’un cancer du col de l’utérus, d’autant

plus si cet examen n’était pas pratiqué dans leur pays d’origine. Les autres raisons étaient la

peur de l’acte, ressenti comme invasif, ainsi que les facteurs culturels tels que la religion ou le

tabou de la sexualité qui est non légitime avant le mariage.

Face à ce constat, la notion de littératie en santé, qui est définie par la capacité d’une personne

à trouver, comprendre, évaluer et utiliser une information sur la santé, semble essentielle.

Pour les professionnels de santé, il est en effet primordial d’intégrer les représentations

psycho-socioculturelles de leurs patientes afin d’améliorer leur prise en charge médicale et de

réduire les inégalités sociales de santé. [64]

Dans notre étude, nous n’avons pas demandé aux femmes médecins de préciser leurs origines

ou leur religion, ce qui aurait pu permettre de mettre en évidence l’influence de leur parcours

personnel sur la pratique de dépistage du cancer du col de l’utérus.

Statistiquement en effet, le département de la Seine-Saint-Denis compte un grand nombre de

femmes issues de l’immigration et c’est celui où le taux de dépistage des femmes médecins

est le plus faible. Le milieu familial pourrait ainsi modeler les comportements de dépistage

pour elles-mêmes.

A noter également que la densité de gynécologues est plus de 2 fois supérieure à Paris qu’en

Seine-Saint-Denis (respectivement 50 pour 100 000 femmes et 20 pour 100 000 femmes en

2014) ce qui pourrait également influer sur les taux de dépistage.

1.5Dépistage en fonction de la vaccination des filles des femmes médecins

Dans notre étude, nous n’observons pas de différence statistiquement significative de

dépistage entre les médecins qui ont fait vacciner leur fille contre le HPV et celles qui ne l’ont

pas fait.

Par contre, cet item révèle que plus de la moitié des femmes médecins ayant une fille âgée de

11 ans ou plus n’ont pas fait vacciner leur fille (à noter que 6 des 18 médecins concernées

déclarent vouloir faire vacciner leur fille prochainement).

Parmi elles, 3 n’ont pas confiance en ce vaccin, une rapporte que le vaccin ne dispense pas de

faire des frottis plus tard et une n’est pas persuadée du rapport bénéfice/risque, ce qui est

concordant avec l’étude de 2014 du Haut Conseil de Santé Publique montrant que la plupart

des médecins ne recommandant pas le vaccin contre le HPV ont un doute sur l’efficacité de la

vaccination ou une crainte de ses effets secondaires. [65]

Toutefois, dans cette étude, 72% des médecins généralistes interrogés recommandaient la

vaccination aux jeunes filles de 11 à 14 ans.

Le facteur commun entre les médecins et les parents de la population générale limitant

l’adhésion à la vaccination anti-HPV était le manque d’information sur les maladies liées à

l’HPV et leurs conséquences.

Chez ces femmes médecins méfiantes envers le vaccin anti-HPV pour leur fille, on peut alors

se demander si elles encouragent tout de même leurs jeunes patientes à se faire vacciner.

Néanmoins, malgré leurs réticences envers le vaccin, ces médecins sont plutôt impliquées

dans le dépistage du cancer du col de l’utérus de leurs patientes puisque la quasi-totalité de

celles-ci pratique des frottis dans leur exercice.

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