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Les compétences interculturelles vues du CECR et d’une situation mobilitaire

Le cas du « Séminaire de langue française

1. De l’interculturalité et des compétences interculturelles possibles dans le cas d’une

1.3. Les compétences interculturelles vues du CECR et d’une situation mobilitaire

Actuellement, qui dit compétences dans le champ de la DLCE renvoie d’abord aux propositions du Cadre européen commun de référence pour les langues (ou CECR). La notion d’interculturel y est présente sous différentes formes, comme, par exemple, celle de la notion de « prise de conscience » (awareness). D’après G. Zarate (2003 : 101), si le CECR parle bien « d’une compétence langagière, déclinée en

compétences générales et en compétences communicatives

langa-gières, elles-mêmes déclinées en compétences linguistiques, sociolin

-guistiques et pragmatiques, la référence à une ou des compétence(s)

interculturelle(s) est absente de la nomenclature générale ». Il faut donc reprendre le texte pour y trouver que les compétences géné-rales sont décrites comme comprenant « quatre sous-catégories : le

savoir, ou connaissances déclaratives […], les habiletés et

faire […], le savoir-être […] et le savoir-apprendre […] » (Rapport LACE, 2007 : 29)8. Il s’agit là en réalité de catégories opérationnelles pour l’appréhension d’une compétence interculturelle (en excluant momentanément la question de l’évaluation de celle-ci) en contexte mobilitaire, y compris si celui-ci est court et encadré.

En effet, à s’en tenir strictement au CECR, les aptitudes et les savoir-faire interculturels se concentrent sur quatre points :

« — la capacité d’établir une relation entre la culture d’origine et la

culture étrangère,

— la sensibilisation à la notion de culture et la capacité de reconnaître

et d’utiliser des stratégies variées pour établir le contact avec des

gens d’une autre culture- la capacité de jouer le rôle d’intermédiaire

culturel entre sa propre culture et la culture étrangère et de gérer

efficacement des situations de malentendu et de conflit culturel, — la capacité à aller au-delà de relations superficielles stéréotypées », (CECR, 2000 : 84).

Pour sa part, F. Dervin (2004, 2008, 2010) estime que les formes prises par l’interculturel dans des constructions de ce genre ne sont en réalité que des leurres et qu’elles permettent seulement de confor-ter des visées culturalistes ou d’encourager des consolidations iden-titaires. Ses travaux prennent appui sur la réflexion menée par M. Abdallah-Pretceille concernant le domaine : « If culture or cultures are

not objective facts but social constructions, the corresponding com

-petence will be more in the order of know-how than of knowledge, the latter being reduce to the status of accessories, as it has only an

illustrative and not a demonstrative value » (2006 : 477).

Un des points d’achoppement entre ces deux entrées divergentes dans le champ de l’interculturel vient de la question du lieu et du moment alloué au travail sur les compétences interculturelles. Dans les travaux de pratiques de classe ou prospectifs qui sont connus des tenants d’une interculturalité qui se base sur « l’interprétation et

les analyses des interactions, l’inter-définition des individus et des

groupes » (M. Abdallah-Pretceille, 2006 : (notre traduction) ; Dervin, 2009) par exemple, le rapport entre apprentissages linguistiques ou encore niveau de compétences à communiquer langagièrement et

réflexion sur l’interculturalité9 apparaît beaucoup plus ténu (voire totalement ignoré) que dans ceux qui se basent sur les inflexions données par le CECR. Ce document amène à la conception de tâches et d’activités visant à une prise de conscience interculturelle (Neu-ner, 2005 : 56-58). Mais, ces dernières sont d’abord conçues pour la classe. Or, la ou les compétence(s) interculturelle(s) décomposée(s) en savoirs10, savoir-faire, savoir-être, savoir-apprendre, et qui entretiendrai(en)t des liens très étroits avec la prise de conscience interculturelle, ne peut (ou ne peuvent) se déployer à l’intérieur des seuls murs de la classe. Ainsi, G. Zarate insiste sur le fait qu’il s’agit d’« une compétence spécifique, centrée sur le développement d’atti

-tudes d’ouverture en direction de l’étranger, attestées par des stra

-tégies d’interprétation, dont l’évaluation ne peut être associée à la seule maîtrise de savoirs. Le savoir-être désigne une catégorie de compétences, fondées sur une expérience individuelle qui ne peut se réduire à une expérience scolaire ou institutionnalisée, si élaborée

soit-elle. » (Zarate, 2005 : 105).

Toutefois, en fonction de la distance culturelle entre pays d’origine et pays d’accueil, il ne convient pas pour autant de rejeter les activités « scolaires » comme inutiles et à la prise de conscience intercultu-relle et à la construction de compétences intercultuintercultu-relles. Comme le suggère A. Gohard-Radenkovic (2004) cherchant à « réaliser l’« ap-propriation » progressive des différentes compétences linguistiques

et culturelles, ces savoir-dire, savoir-faire, savoir s’ajuster et savoir

apprendre chez l’apprenant », « deux approches complémentaires » se dégagent :

« — une approche in vitro développant des savoirs catégorisés sur la

culture cible […] [afin] de constituer un savoir culturel relativisé sur le pays d’accueil et sa culture socio-universitaire ;

— une approche in vivo développant des savoir-faire à travers

un parcours de découverte interactive en envoyant les étudiants

confronter leurs représentations, leurs pratiques, leurs modes de vie avec ceux de leurs interlocuteurs […] [pour] développer chez

l’étudiant une « lecture » distanciée de cette culture d’accueil,

9 Nous excluons un rapport d’homologie entre compétences à communiquer langagièrement telles qu’elles sont définies par les six niveaux du CECR et compétences de nature interculturelle. Nombre de chercheurs s’accordent sur ce point pour en souligner l’impossible étalonnage.

remettre en question ses propres certitudes culturelles et transformer progressivement le “regard” sur soi et sur l’autre », (p. 198).

Dans cette perspective, c’est la notion d’expérience qui permet aux compétences interculturelles de se déployer, de trouver leur pleine signification que ce soit sous forme de prise de conscience ou d’activité de médiation (Zarate, 2005 : 99).